02 mars 2018

Sand Woman – Henri Texier


Pour fêter les quarante ans du label JMS et les trente-cinq ans de partenariat entre le Palais des Congrès de Mans et le festival Europajazz, les protagonistes se retrouvent le 25 avril 2017 pour une soirée anniversaire autour de trois artistes-phare du label : le regretté Didier Lockwood (qui a joué à l’Europajazz en octobre 1981…), Jean-Yves Lacombe avec le groupe vocal TSF et Henri Texier.

En 1975, Jean-Marie Salhani fonde Eurodisc, bientôt rebaptisé JMS, et construit un catalogue impressionnant qui va de Lockwood à Texier en passant par Martial Solal, Louis Sclavis, Joe Zawinul, Alan Holdsworth… Et c’est en octobre 1982 que le Palais des Congrès du Mans accueille pour la première fois l’Europajazz…

A l’occasion du concert-anniversaire de JMS, et comme il aime le faire, Texier a monté un quintet dans lequel se côtoient des compagnons de route de longue date et des nouveaux venus : au saxophone alto et aux clarinettes, Sébastien Texier, présent dans les différentes formations de son père depuis plus de vingt ans ; à la guitare, Manu Codjia, déjà membre des Strada Sextet et Red Route Quartet ; aux saxophones ténor et soprano, Vincent Lê Quang, avec qui Texier a joué récemment au sein d’un trio avec Aldo Romano ; un nouveau venu tient la batterie, Gautier Garrigue, recommandé par Codjia.

En automne 2017, le quintet enregistre Sand Woman pour Label Bleu, avec l’incontournable Philippe Teissier du Cros derrière les micros. Pour illustrer la pochette du disque, Texier a choisi « Le mouvement des marées », un collage dans les tons gris signé Jacques Prévert et tiré du recueil Fatras, qui représente une femme fantomatique - ni George, ni de sable - allongée sur une plage, par nuit de pleine lune… 

Le répertoire de Sand Woman reprend trois morceaux enregistrés pour Eurodisc – JMS : « Amir » et « Quand tout s’arrête » sont tirés d’Amir, le premier opus de Texier, enregistré en solo en 1976 ; « Les là-bas » figure sur Varech, deuxième opus du contrebassiste, toujours en solo et sorti en 1977. « Indians » est repris de l’album An Indian‘s Week, publié par Label Bleu en 1993. Quant à « Hungry Man » et « Sand Woman », il s’agit de deux nouvelles compositions.

Sand Woman est bien ancré dans l’univers musical de Texier : des belles ritournelles (« Sand Woman ») invitent à la ronde (« Indians »), portées par des riffs envoûtants (« Hungry Man »), des développements denses (« Les là-bas ») et un son de groupe intense (« Quand tout s’arrête »). Même si des touches rock (« Sand Woman ») et de free (« Indians ») se glissent ça-et-là, Sand Woman s’aventure plutôt dans les territoires néo hard bop (« Amir ») et blues (« Hungry Man »).

Texier aime associer deux soufflants dans ses formations : Sébastien, bien sûr, mais souvent accompagné de François Corneloup, Francesco Bearzatti, Glenn Ferris, Georgy Kornazov… ou Lê Quang. Redoutable improvisateur, le saxophoniste se joue des techniques étendues avec une facilité déconcertante (« Amir »), s’envole volontiers vers des cieux free (« Sand Woman »), mais connaît également son abécédaire bop sur le bout des doigts (« Les là-bas »). Sébastien Texier est égal à lui-même et nage dans la musique du contrebassiste comme un poisson dans l’eau : sonorité profonde et ouatée (« Amir »), bilingue hard bop (« Amir ») et blues (« Hungry Man »), tantôt agile et bondissant (« Les là-bas »), tantôt majestueux (« Quand tout s’arrête »)… La guitare électrique métallique (« Les là-bas ») ou aérienne (« Amir ») de Codjia apporte des couleurs rocks (« Sand Woman »). « Hungry Man » est taillé sur mesure pour les lignes bluesy, distorsions, échos et autres saturations de la guitare. Avec Garrigue, Texier a trouvé un nouveau batteur à la fois physique et subtil, attaché à la pulsation et musical : aussi à l’aise avec un chabada régulier (« Amir »), qu’avec un jeu touffu (« Sand Woman »), des frappes sur les cymbales ponctuées de rim shot (« Hungry Man ») ou des roulements de tambours tribals (« Les là-bas »). Comme à son habitude Texier soutient son quintet avec des walking dynamiques (« Amir »), des riffs bluesy entraînants (« Hungry Man »), des ostinatos puissants (« Indians »)… et ses chorus racontent toujours des histoires formidables (« Quand tout s’arrête »).

« Les musiciens de jazz n’ont jamais la certitude d’en avoir fini avec une exploration », écrit Texier. En inlassable conteur de sons, il le prouve une fois de plus avec Sand Woman : toujours à l’affût d’une trouvaille, sa musique a beau être familière, elle reste une source d’inspiration inépuisable…

Le disque

Sand Woman
Henri Texier Quintet
Vincent Lê Quang (ts, ss), Sébastien Texier (as, cl b, cl), Manu Codjia (g), Henri Texier (b) et Gautier Garrigue (d).
Label Bleu – LBLC6728
Sortie 2 février 2018

Liste des morceaux

01.  « Amir » (12:05).             
02.  « Sand Woman » (10:55).                       
03.  « Hungry Man » (10:59).            
04.  « Indians » (10:01).                     
05.  « Les là-bas » (12:15).                
06.  « Quand tout s'arrête » (7:02).              

Tous les morceaux sont signés Texier.