Après Edouard Ferlet,
Ping Machine, Aurore Voilqué et Mahmoud Chouki, la saison jazz de l’Espace Sorano se poursuit le 7 avril avec le Roots Quartet.
Formé en 2012 par le guitariste Pierre Durand, le Roots Quartet est composé d’Hugues Mayot au saxophone ténor, Guido Zorn à la contrebasse et Joe
Quitske à la batterie. Deuxième opus du guitariste, qui a publié en 2012 Chapter One: NOLA Improvisations en solo, Chapter Two: ¡Libertad! est sorti en
février 2017, chez Les disques de Lily.
Les sept morceaux du concert de l’Espace Sorano sont tirés
du répertoire de Chapter Two: ¡Libertad!.
Comme sur la pochette du disque, Durand a la tête recouverte de points blancs
et ses compagnons arborent également des peintures de guerre sur leurs visages.
Le concert démarre d’ailleurs avec « Tribute », un répons suivi d’une
danse rythmique, dans une ambiance tout à fait amérindienne.
Roots Quartet s’appuie sur quatre musiciens en osmose et
parfaitement complémentaires : puissance et musicalité pour Quitzke,
carrure et gravité pour Zorn, lyrisme et réactivité pour Mayot, expressivité et
vitalité pour Durand. La connivence entre les quatre musiciens est palpable :
regards et clins d’yeux, rires et sourires, encouragements… le tout dans une
atmosphère décontractée, à l’image de « l’épisode promotionnel » :
Durand s’accompagne d’une ritournelle pop sympathique et fait l‘article pour ¡Libertad!…
Un peu comme dans la musique d’Henri Texier, avec laquelle le Roots Quartet a plusieurs points
communs, la plupart des morceaux sont à tiroirs. « Self Portrait », par
exemple, est une suite en trois parties qui, comme l’explique Durand, commence
par une évocation de Nick Drake (« L’attrape-rêve »),
se poursuit avec un melting-pot de groove africains, caribéens et irlandais (« La
danse du voyage »), pour finir par un passage dans l’esprit de la musique
d’Olivier Messian, placé sous le signe
de Charles Mingus (« Mingus »)
! Les autres pièces ne sont pas en reste : « What You Want & What
You Choose » juxtapose un passage en contrepoints baroques et un jazz
musclé ; « Tribute » passe des incantations des Indiens d’Amérique,
aux boucles hypnotiques des sanzas africaines, puis à un blues pur jus ; dans « Le
regard des autres », les échanges free-bop de la guitare et du saxophone
ténor, soutenus par une running et un chabada ultra-rapides, laissent place à
un échange contemporain entre les quatre musiciens ; quant à « ¡Libertad! »,
après un bourdon qui a tout de la prière bouddhiste, les Indiens s’invitent de
nouveau dans la danse, puis le morceau part ensuite dans un patchwork de blues,
funk, be-bop et des touches de free…
A l’évidence, les sources d’inspiration du Roots Quartet
sont multiples et éclectiques : des Mariachis (« Llora, tu hijo ha muerto
», un blues mexicain…) à Led Zeppelin (« White Dogs », en référence au
« Black Dog » de l’album IV de 1971),
en passant par le classique et les musiques du monde. Même quand il n‘est pas
au centre du morceau, le blues reste une influence majeure. « White Dogs »,
composé en pensant à John Hollenbeck
et l’ONJ de Daniel Yvinec (Shut Up and Dance – 2010) illustre
parfaitement ce goût pour le blues : après avoir accordé sa guitare en
open-tuning et cité pêle-mêle Count
Basie, Archie Shepp et Grachan Moncur, Durand et ses compagnons
partent dans un blues profond qui débouche sur un rock endiablé (Led Zep’ n’est
pas loin)…
Avec son Roots Quartet, Durand réussit à construire sa musique : sur des fondations jazz et
blues solides, des mélodies et harmonies venues des quatre coins du monde se
marient dans un univers musical tout à fait personnel.