29 décembre 2018
26 décembre 2018
Amour et peinture en musique à La Dynamo…
Double plateau de
haut vol le vendredi 7 décembre 2018 : Hymnes
à l’amour et Characters On A Wall
se partagent la scène de La Dynamo.
Hymnes à l’amour
Christophe Monniot & Didier Ithursarry
Voilà plus de dix ans que Christophe Monniot et Didier Hithursarry jouent ensemble, avec l’altiste Guillaume Roy, au sein du trio Station Mir. En 2017 ils décident de
monter un duo et sortent Hymnes à l’amour
chez ONJ Records, le 16 novembre 2018. Le concert de La Dynamo est l’occasion
de célébrer ce disque.
Le répertoire du disque comprend trois thèmes signés Monniot
(« Biguine pour Sushi », « Soso » et
« Nadir’s »), une composition d’Ithursarry (« Est »), le célébrissime
paso doble de Pascual Marquina Narro, « España cañi », l’immortel
« Sophisticated Lady » de Duke
Ellington, la valse « Passion » de Tony Murena et le cantique « Il est un fleuve ». Pendant
le concert, le duo reprend six des huit morceaux des Hymnes à l’amour, « Forçat » d’Ithursarry et
« Indifférence » de Murena. Comme le souligne Monniot avec
humour : « on va faire des hymnes à des gens vivants… On va dédier
des morceaux à des gens qu’on aime, encore en vie… Parce que les morts, finalement
on s’est aperçu que quand on leur dédie un morceau, ça ne leur fait ni chaud,
ni froid… ». Monniot rend donc hommage à sa mère, son père, Gilles et
John, Sushi…
Monniot et Ithursarry abordent les Hymnes à l’amour sous un angle plutôt free, moins dansant que le Blow Up (1997) de Michel Portal et Richard
Galliano et moins mélodieux que la Belle époque (2014) d’Emile Parisien et de Vincent Peirani, deux autre fameux duos
accordéon – saxophones (et clarinettes pour Portal).
Les deux artistes se
réapproprient les thèmes avec originalité, comme « Summertime »,
base de « Soso » et également cité dans « Est »,
« Nadir’s », librement inspiré de « La romance de Nadir »,
tiré des Pêcheurs de perles, un opéra
de Georges Bizet, composé en 1863, ou
les valses musettes qui sont passées à la moulinette free… Cette relecture
personnelle des mélodies sert de socle à des variations denses. Les
développements vifs (« Biguine pour Sushi ») sont portés par des
accords puissants de l’accordéon (« Soso »), des ostinatos sombres
(« Nadir’s ») ou des phrases virevoltantes du soprano (air médiéval),
qui partent souvent en embardées (« Est »). Les dialogues nerveux entre
les deux musiciens (« Passion »), enrichis de dissonances dans
l’esprit de la musique contemporaine (« Indifférence »), voire du
début vingtième (« Soso »), la polyphonie de l’accordéon et les
claquements rythmiques des clés du saxophone alto (« Forçat »), les
nappes de sons et autres textures sonores épaisses jouées par le piano à
bretelles (« Est ») viennent également ajouter du piquant aux propos
des deux artistes.
Avec Ithursarry et Monniot le laisser-aller n’a pas sa
place et leurs Hymnes à l’amour
ne riment pas avec glamour ! Pour des romances mièvres, il faut aller
écouter ailleurs : la musique du duo pétille d’intelligence, de réparties
et de tonus.
Characters On A Wall
Louis Sclavis
En 2002 Louis Sclavis
enregistre Napoli’s Walls avec Vinvent Courtois au violoncelle, Médéric Collignon à la trompette de
poche et Hasse Poulsen à la guitare.
Le disque est inspiré par les œuvres qu’Ernest Pignon-Ernest a placardées sur les murs de Naples. Avec Characters On A Wall, le clarinettiste a
décidé de prolonger ce travail en illustrant neuf installations de l’artiste
urbain : Paolo Pasolini à Rome, Mahmoud Darwich à Ramallah, Jean Genet à
Brest…
Pour ce projet Sclavis s’entoure du trio avec qui il a créé Loin dans les terres (Intuition Records
– 2017) : Benjamin Moussay au
piano, Sarah Murcia à la contrebasse
et Christophe Lavergne à la
batterie.
« Jean Genet à Brest » reflète assez bien l’esprit
de la musique du quartet : une introduction foisonnante à quatre laisse la
place à un rythme solide, servi par une contrebasse imposante et une batterie
touffue, sur lequel se promènent les lignes de la clarinette, sinueuses, mais
parsemées d’aspérités, et soutenues par les contre-chants du piano. Avant le
rappel final du thème, le trio piano – contrebasse – batterie se lance dans des
échanges contemporains tendus. « Darwich dans la ville » fait la part
belle aux tambours de Lavergne, à des passes d’armes heurtées entre Sclavis et
Murcia, et aux clusters de Moussay. Référence à des installations de
Pignon-Ernest à Martigue, le thème de « La dame de Martigue »
s’apparente davantage aux mélodies françaises du début vingtième, avec un
déroulé élégant, des contrepoints subtils, un discours virtuose de la
clarinette... La silouhette d’un homme flashée par l’explosion de la bombe
atomique sur un mur d’Hiroshima a guidé Moussay pour « Shadows And
Lines ». L’introduction du piano et de la contrebasse à l’archet est
sombre, mais un riff de basse dansant, une batterie régulière et un piano musclé
emmènent progressivement le trio vers un free intense, auquel se joint la
clarinette. Avec ses rythmes en suspension, ses discussions croisées, sobres et
élégantes, ses différents tableaux... « L’heure Pasolini » a des
points communs avec une bande son cinématographique. La mélopée de
« Prison », inspiré par le travail de Pignon-Ernest dans la prison
Saint-Paul à Lyon, monte rapidement en tension, poussée par une batterie et une
contrebasse puissantes et une gestion efficace du suspens, puis le morceau débouche
sur un échange free luxuriant. En bis, le quartet joue « Extases », une
évocation des dessins sur les grands mystiques que Pignon-Ernest a exposés dans
les églises de Naples. C’est sur cette ode tout à fait « sclavisienne »,
d’un lyrisme moderne dans une lignée vingtièmiste, que se conclut le concert,
en beauté.
Mélodies sophistiquées, harmonies modernes, rythmes charnels
et sonorités chaleureuses, Characters On
A Wall est enthousiasmant !
16 décembre 2018
Double plateau à l’Ermitage
Grosse affiche au
Studio de l’Ermitage le 6 décembre 2018 : Roberto Negro présente Kings And Bastards, sorti chez Cam Jazz
en octobre 2018, et Emile Parisien Quartet propose Double Screening, paru chez ACT en décembre 2018.
Kings And Bastards
Roberto Negro
Passé par le Conservatoire à Rayonnement Régional de
Chambéry et le Centre des Musiques Didier Lockwood, Negro participe à la
création du Tricollectif en 2011 au sein duquel il monte la plupart de ses
projets : du trio Dadada au duo Les Métanuits avec Parisien, en passant
par le trio Garibaldi Plop, le quartet Kimono, le duo Danse de Salon avec Théo Ceccaldi… Kings And Bastards est le premier disque de Negro en solo.
Construit comme une suite en treize mouvements, Kings And Bastards marie piano,
piano préparé et effets électroniques. Une grosse minute de concentration et
c’est parti pour une quarantaine de minutes non-stop. Des cliquetis cristallins
d’une régularité implacable et des ostinatos sourd, interrompus à intervalle
régulier par une pointeuse : vive Les
Temps Modernes !... Entre machine à écrire et machine-outil, le piano
préparé devient une percussion (John
Cage n’écrit-il pas que « le piano préparé est en réalité un ensemble de
percussions confié aux mains d'un seul interprète » ?) et le réalisme
mécaniste du morceau évoque évidemment la musique concrète. Quelques bribes
mélodiques acoustiques percent ça-et-là, au milieu de la grisaille du
machinisme. Peu à peu, des accords de synthèse, des pédales aiguës, des
ostinatos obsédants et un minimalisme futuriste renvoient l’auditeur à la
science-fiction avec, toujours, un petit air qui s’immisce dans cette ambiance
répétitive et sombre, mais qui est vite rattrapé par l’inexorable mécanique...
Tandis que la main gauche joue un motif récurrent, Negro retire ses
préparations. Le pianiste part ensuite dans des développements qui font la part
belle aux dissonances, jeux rythmiques et dialogues de voix, dans une lignée
contemporaine, séparés par la monotonie d’une pédale de près de trois minutes,
pour terminer par une valse presque sentimentale.
Avec Kings And
Bastards, Negro propose une musique expressive résolument singulière, à
mi-chemin entre musique contemporaine et free, sans jamais oublier ces légères
touches lyriques qui lui donnent un zeste d’humanité indispensable.
Double Screening
Emile Parisien Quartet
Peu après avoir débarqué à Paris, en 2000, Parisien monte un
quartet avec Julien Touery au piano,
Ivan Gélugne à la contrebasse et Sylvain Darrifourcq à la batterie. La
formation sort trois disques chez Laborie Jazz : Au revoir porc-épic en 2006, Original
pimpant en 2009 et Chien Guêpe en
2012. Après ce troisième disque, JulienLoutelier remplace Darrifourcq derrière les fûts. C’est avec ce deuxième
quartet que Parisien rejoint Act pour Spezial
Snack, paru en 2014, et Double
Screening.
Enregistré par Philippe
Teissier du Cros dans le célèbre Studio Gil Evans de la Maison de la
Culture d’Amiens, Double Screening
propose cinq morceaux, deux suites et trois intermèdes composés par les quatre
musiciens. Le disque évoque la pratique du double
écran qui consiste, par exemple, à se connecter simultanément à sa
télévision pour regarder une série et à son téléphone, pour participer à une discussion
en ligne sur ladite série. La plupart des titres des morceaux sont des clins
d’œil à l’informatique, comme les trois « Spam »,
« Hashtag », « Deux point zéro », « Elégie pour une
carte mère », « Malware Invasion »….
Le programme du concert s’appuie exclusivement sur le
répertoire de Double Screening. Depuis
le temps qu’ils jouent ensemble, les quatre musiciens ont développé une osmose
quasi parfaite : une sonorité personnelle, avec, notamment, des unissons
harmoniques ou rythmiques, des mélodies d’une grande cohérence et une mise en
place aux petits oignons.
Les deux parties de « Double Screening », signées
Loutelier, sont contrastées : à la gravité de la première, portée par la
ligne profonde de la contrebasse, les accords contemporains du piano, la
batterie toute en subtilité et les phrases sinueuses du soprano, succède un
deuxième mouvement mécanique – qui n’est pas sans rappeler certains passages du
set de Negro –, interrompu par de brèves mesures be-bop. Peu à peu le morceau s’emballe
et Parisien se lance dans un chorus néo-bop, sur une walking et un chabada,
entrecoupé de pêches et autres roulements. Touery poursuit dans la même veine,
rapide et puissante, avec des citations détournées et une bonne dose d’humour.
La deuxième suite, « Hashtag », composée par
Parisien, comprend quatre mouvements. Le thème aux accents mélancoliques évoque
un peu la musique klezmer. Les accords du piano, le vrombissement de la
contrebasse et le drumming serré de la batterie font monter la tension et
poussent le soprano dans des retranchements free d’une intensité captivante. Un
unisson global lance le piano dans des motifs aux nuances balkaniques, sur les
contrepoints de la contrebasse et la batterie foisonnante. Parisien revient
dans la partie avec un discours véloce, mais sans esbroufe, puis finit par
plonger dans un torrent de notes, parsemé de stridences, comme autant de cris…
Dans le troisième mouvement, les percussions bourdonnent, l’archet de la
contrebasse gronde, le piano préparé crépite et le soprano joue une mélodie
fragile avant de se mêler, lui aussi, aux jeux rythmiques avec ses clés. Pour
le final, Parisien revient au thème avec un léger vibrato et des touches
bluesy, tandis qu’une pédale de Gélugne, des accords dansants de Touery et un
rythme entraînant de Loutelier emportent « Hashtag » vers des
horizons joyeux.
Les trois « Spam » intercalés entre les morceaux sont
des pièces concises et malicieuses dans lesquelles les quatre compères se
livrent à des joutes de sonorités – crissements, cloches, réverbération, splash…
– et de rythmes – notes tenues, frappes mécaniques, dialogues percussifs… Des jeux
rythmiques parsèment également « Deux point zéro », un morceau animé
(lui aussi assez proche de l’esprit de Kings
And Bastards) basé sur des échanges heurtés entre les sons étouffés du piano
préparé, les lignes robustes de la contrebasse et le drumming vif et luxuriant de
la batterie. Les petits motifs mélodiques du soprano débouchent sur une mélopée
qui contraste avec la dominante rythmique du morceau.
Avec ses boucles, pédales et riffs entrelacés, la construction
d’« Algo » s’apparente à la musique répétitive, tandis que les
volutes sinueuses du soprano apportent une touche de fragilité, avant de se
fondre dans la mêlée rythmique. Le be-bop refait son apparition dans l’espiègle
« Malware Invasion » : walking et chabada ultra-rapides, piano
néo-bop véloce, saxophone ténor impétueux, embardées free… Le quartet fait
monter la pression ! Joué en bis, « Daddy Long Legs » s’aventure
sur les terres de la musique contemporaine, avec un accompagnement minimaliste
pour une conversation mystérieuse entre le piano et le soprano, tantôt à l’unisson,
tantôt sous forme de questions-réponses.
Double Screening
réussit le pari d’illustrer en musique un phénomène de société ! Originale,
ludique, recherchée, expressive… la musique du quartet de Parisien n’a pas fini
de marquer son époque.
09 décembre 2018
PJ5 au New Morning
Le 4 décembre 2018,
le New Morning est plein : il accueille le PJ5 à l’occasion de la sortie
de I Told The Little Bird chez Jazz& People, le label participatif créé par Vincent Bessières.
C’est en 2010 que le guitariste Paul Jarret monte le quintet PJ5 avec Maxence Ravelomanantsoa au saxophone ténor, Léo Pellet au trombone, Alexandre
Perrot à la contrebasse et Ariel
Tessier à la batterie. Leur premier disque autoproduit, Floor Dance, sort la même année. Suivront Word (2013 – Such Productions), Trees
(2016 – Gaya Music) et I Told The
Little Bird.
Bessières introduit le concert et, après avoir décrit les
raisons d’être du label participatif Jazz & People, il explique la portée
humaniste et écologique du disque de PJ5, préoccupé par la situation climatique
de la planète... Pour le premier set du concert, PJ5 joue trois morceaux extraits
du répertoire de I Told The Little Bird
et « Anthem », un inédit.
Un chant diaphane sur des nappes de sons électro éthérées
sont diffusés en off pendant que le quintet s’installe. Après une série de sirènes
ou de cris, le trombone expose la mélodie nostalgique de « Where Do
Butterflies Sleep ? » sur les accords aériens de la guitare, la
batterie majestueuse et une ligne de basse profonde. Le saxophone ténor entre
en jeu et répond au trombone puis, avec une pédale sur la grosse caisse et des
effets de réverbération, le morceau prend l’allure d’un hymne, qui se
transforme soudainement en un rock progressif énergique. Cette juxtaposition d’accords
vaporeux, d’airs solennels et de rythmes vigoureux et se retrouve également
dans « Horizon », une ballade au parfum ambient. Une mélodie au synthétiseur
accueille « Peaceful Struggle ». D’abord tranquille et planant, le
morceau part rapidement dans un rock-free débridé, tiré par un Ravelomanantsoa déchaîné,
poussé par la rythmique sourde et touffue de Perrot et Tessier, et soutenu par
les riffs de Pellet et Jarret. Le premier set s’achève sur « Anthem »,
un thème minimaliste et méditatif, au déroulé imposant, à l’image de son titre.
Décors planants, lyrisme et rythmique puissante, PJ5 a
trouvé sa marque de fabrique : une fusion de jazz scandinave, de rock
psychédélique et de free… du Space Jazz Rock
en quelque sorte !
04 décembre 2018
A la découverte de Nicolas Fabre
La sortie de
l’album Through The Seasons, le 26 octobre 2018, donne l’occasion de découvrir le
parcours et quelques passions du pianiste Nicolas Fabre…
La musique
Je
ne crois pas avoir vraiment choisi le piano… Pourtant, d’après ma mère, enfant,
j’avais une préférence pour cet instrument. Quand j’avais huit ans, mes parents
nous ont inscrits, ma sœur et moi, au conservatoire, dans la classe de piano. Pendant
dix ans, j’ai suivi une formation classique au conservatoire du Mans.
Avec
mes parents, mon frère et ma sœur, nous écoutions toutes sortes de musiques, mais
j’ai réellement commencé à m’intéresser au jazz autour de quinze ans, en
écoutant Miles Davis. C’est également
à cette époque que j’ai vu Chick Corea
en concert à Vannes : ça a été un autre déclencheur. Avec mon frère et un
ami batteur nous avons monté notre premier groupe. Nous interprétions des
compositions instrumentales. Au début, c’était plutôt pop rock, mais nous
écoutions du jazz rock, Miles, Weather Report, Corea... sans oublier Frank Zappa, le rock progressif... Nous
découvrions tout ça !... Peu de temps après, ce fût Keith Jarrett et le Köln Concert, autre grande révélation ! Puis
Bill Evans, John Coltrane, Thelonious Monk...
D’ailleurs, en ce qui concerne les pianistes-compositeurs, Jarrett, Corea et Evans
sont sans doute mes trois influences majeures : ce sont les premiers que
j’ai écoutés, et ils restent parmi mes préférés !...
C’est
pendant mes études scientifiques que j’ai commencé le piano jazz Je me suis d’abord
intéressé aux standards, au bop... J’ai suivi les ateliers jazz à la fac et suis
entré dans le big band universitaire. A l’époque j’avais un groupe de jazz
fusion. Ensuite, je suis monté à Paris pour suivre des cours à l’école Arpej.
Je me suis perfectionné en piano jazz avec Olivier
Hutman, étudié l’harmonie, l’arrangement… et j’ai commencé à faire des jam sessions, jouer
en quartet, en trio, avec des vocalistes... En parallèle, au Mans, avec mon
frère nous avons créé Mentat Routage, un groupe de jazz rock expérimental basé
sur l’impro, le free, etc. C’est aussi à ce moment que j’ai pris des cours d’écriture
classique et commencé à enseigner en école de musique. Peu après j’ai participé
au groupe de jazz électrique Pagaille, avec, entre autres, le batteur Sonny Troupé et le chanteur slameur Thomas Roche, avec qui j’ai beaucoup
joué
depuis. J’ai fait aussi pas mal de be-bop, en trio, notamment avec le batteur Philippe Combelle.
En
2012, j’ai formé un premier trio pour jouer mes compositions, avec Richard Apté et Max Hartock Puis, en 2016, j’ai créé un nouveau groupe, en compagnie
de Bertrand Beruard et Nicolas Favrel, avec lequel je viens de
sortir Through The Seasons.
Quelques clés pour le jazz
Qu’est-ce
que le jazz ? La recherche d’une expression musicale personnelle,
originale, à la fois individuelle et collective, dans un esprit de liberté, de
partage et d’ouverture sur le monde…
Pourquoi la
passion du jazz ? Les jazz sont des musiques qui mettent
en jeu l’instant présent, grâce à l’improvisation.
Comment
découvrir le jazz ? Allez
voir des concerts ! Venez voir les musiciens jouer en live !
Sur l’île déserte…
Quels
disques ? Difficile de choisir… Mais assurément un Miles, un
Coltrane, un Monk, un Evans, un Jarrett…
Quels
livres ? La Trilogie new-yorkaise
de Paul Auster, Kafka sur le Rivage de Haruki
Murakami...
Quels
films ?
Blade Runner de Ridley Scott, In The Mood For
Love ou The Grandmaster de Wong Kar-Wai, Il était une fois la révolution de Sergio Leone, Interstellar
de Christopher Nolan… Mais aussi un Jim Jarmusch, un Steven Spielberg et un Woody
Allen.
Quelles
peintures ? Quelques
toiles de Pablo Picasso et de Salvador Dali…
Quels
loisirs ? Marcher, nager et découvrir…
Les projets
Dans
l’immédiat, l’objectif est de trouver des partenaires pour promouvoir l’album Through The Seasons : distributeur,
label... et faire tourner le trio dans les salles et festivals !
02 décembre 2018
Omri Mor en trio au Café de la Danse…
Depuis quelques
années, sur les traces d’Avishai Cohen (le contrebassiste), une vague de
musiciens israéliens déferle sur la scène du jazz. Et, parmi ces musiciens, nombreux
sont les pianistes : Yonathan Avishai, Jeremy Hababou, Yaron Herman, Omer
Klein, Gadi Lehavi, Shai Maestro… et Omri Mor. Ce dernier se produit le 29
novembre 2018 en trio au Café de la Danse, dans le cadre du festival Jazz’n’Klezmer
et pour la sortie de It’s About Time,
paru chez Naïve en mars 2018.
It’s About Time! propose sept morceaux de Mor, « Marrakech »
d’Hamid Zachir et « You and The
Night and The Music » d’Arthur
Schwartz et Howard Dietz. Dans
le disque, Cohen tient la contrebasse, sauf sur deux titres, confiés à la basse
de Michel Alibo, Karim Ziad est à la batterie sur quatre
morceaux et Donald Kontomanou sur un,
quant à M’aalem Abdelkbir Merchan, il
chante « Marrakech ».
Le soir du concert, Mor est accompagné de Ziad et Romain Labaye à la basse. Après un parcours autodidacte, Labaye rejoint le Conservatoire National de Musique et de Danse de Paris puis intègre les groupes de Céline Bonacina, Nguyên Lê, Scott Henderson… De son côté, Mor étudie le
piano classique, suit en parallèle des cours de jazz et s’intéresse simultanément
à la musique arabo-andalouse, dont le Chaâbi algérien. Aujourd’hui, il joue
aussi bien dans le trio de Cohen (le contrebassiste), qu’avec des orchestres
symphoniques, des groupes de rock et des formations Chaâbi ou Gnaoua. De Cheb Mami à Joe Zawinul, en passant par Lê, Ifrikya, le Festival Gnaoua
d’Essaouira… Ziad n’est plus à présenter !
Comme sur It’s About Time!,
le trio démarre le concert avec « Ramel Maya ». Après une introduction de Mor,
mélodieuse et parsemée d’arabesques, la rythmique s’emballe et le morceau part
dans des variations chaloupées. Même énergie entraînante dans « Atlas »,
avec une batterie heurtée et musclée, une basse souple et un piano virtuose. « Jerusalem »,
qui ne figure pas au répertoire d’It’s
about Time!, commence comme une comptine et tourne à la ballade orientale. Toujours
puissante, la batterie foisonne dans « Sica », tandis que la basse s’unie
au piano pour exposer le thème et souligner le développement de Mor, fusion d’influences
classiques et moyen-orientales. Le pianiste se montre particulièrement lyrique
dans « Dawn », soutenu par une basse chantante. Dans « Marrakech »,
le trio renoue avec une pièce typiquement orientale, rythmique, dynamique et
touffue. En bis, la batterie vrombit, la basse gronde et le piano enchaîne
traits véloces et volutes dissonantes.
La musique de Mor s’inscrit dans la lignée d’un jazz aux couleurs
moyen-orientales : It’s About Time!
est brillant et festif !
01 décembre 2018
Les lions sont lâchés au CWB...
Le 27 novembre 2018 L’Ochestre du Lion envahit le Centre Wallonie Bruxelles non seulement pour fêter la sortie
de Connexions Urbaines chez Igloo Records, en mars 2018, mais aussi pour continuer de célébrer les quarante ans
du label bruxellois.
Situés au milieu de la rue Quincampoix, les mille mètres
carrés du CWB sont entièrement dédiés à la culture, avec une salle d’exposition,
un cinéma et un théâtre. Le soir du concert, les cent soixante-cinq places sont
quasiment toutes prises d’assaut par un public bigarré.
En 1980, le directeur du Conservatoire Royal de Liège, Henri Pousseur, encourage élèves et
professeurs à prolonger leurs expériences musicales au Cirque Divers et au Lion
S’Envoile… 1985 voit la naissance du Collectif du Lion et de son Orchestre, d’abord
sous la direction de Garrett List.
Dans le cadre du festival pluridisciplinaire Connexions Urbaines, L’Orchestre
du Lion crée Sous Les Pavés en 2012
et Odyssée 14 en 2014. Hommage au
festival éponyme, Connexions Urbaines
reprend des morceaux et chansons extraits de différents spectacles réalisés par
des groupes issus du collectif : Rêve d’éléphant Orchestra, SilverRat
Band, Glassnotes, Tous Dehors, Trio Grande… L’illustration de la pochette
signée Lucas Racasse, un chef d’orchestre
à tête de lion au milieu d’une rue citadine floutée par la vitesse, illustre comme
un gant le disque de ce collectif sur-vitaminé.
Plutôt inhabituelle, l’instrumentation de L’Orchestre du
Lion se passe de claviers et contrebasse, mais peut compter sur trois batteries
et percussions – Michel Debrulle, Etienne Plumer et Stephan Pougin –, de sousaphone, euphonium, tuba et trombone – Adrien Lambinet, Véronique Laurent et Michel
Massot –, des guitares et de la basse de Nicolas Dechêne, de la trompette de Jean-Paul Estiévenart (remplacé pour le concert par Antoine Dawans), des saxophones, violon,
clarinettes, cornemuse, harmonica… de Clément
Dechambre, Laurent Dehors et Véronique Delmelle, des flûtes de Pierre Bernard et des voix de Thierry Devillers, David Hernandez, François Laurent
et Adrien Sezuba.
Au CWB, L’Orchestre du Lion rejoue le programme de Connexions Urbaines, plus quelques
titres puisés dans le répertoire des musiciens du big band. Dès « Agitprop »
(Odyssée 14 – Rêve d’Eléphant
Orchestra) le ton est donné : percussions polyrythmiques puissantes,
déclamation en duo, chœur énergique des soufflants, avec des passages dans un
esprit baroque, guitare électrique saturée et clarinette free… « Kakouline »,
composition de Massot, reste dans une ambiance dansante, avec un côté ethnique,
renforcé par la guimbarde, les lignes sombres des cuivres et des percussions,
et la flûte qui virevolte. Après une mélodie mélancolique portée par un rythme
profond, Sezuba mélange rap et spoken words dans « L’étrange étranger »,
chanson courte et intense, qui n’est pas sans rappeler le poème « Etranges
étrangers » de Jacques Prévert.
Devillers rend ensuite hommage à Serge
Gainsbourg avec « Intoxicated Man », présenté sur un mode humoristique
: « Mesdames, Messieurs, je voudrais vous parler de l’un des stades
suprême de l’humanité, j’ai nommé l’éthylisme… ». Il lit ensuite un quatrain
d’Omar Khayyam :
« Veux-tu
en égoïste ainsi vivre sans cesse,
Méditer
l'être ou le néant ? Vaine sagesse !
Bois
du vin : il vaut mieux consacrer cette vie
Porteuse
de chagrin au sommeil, à l’ivresse. »
Devillers
chante dans une veine proche de l’originale, y compris le phrasé et le ton, mais
en moins jazz et plus rock. « Mon éléphant » commence par une belle
mélodie déroulée en suspension au-dessus des percussions touffues, puis s’envole
dans un délire carnavalesque… Un hymne solennel à la Henry Purcell introduit « Here I Am », un rap dramatique sur
les affres d’un migrant, entrecoupé d’un refrain en italien, d’un solo inspiré
de Dechambre au saxophone alto et d’un chorus poignant de Delmelle au
sopranino. « Anus Mundi », surnom d’Auschwitz et symbole de la fin du
monde pour Devillers, tourne au rock psychédélique ascendant Canterburry. Après
des bruitages spatiaux, « Trafic en galaxie » part dans une ronde entraînante
jouée à la cornemuse et à la flûte, pendant que l’orchestre délire. Composée en
souvenir du procès de Constantin
Brâncuși aux Etats-Unis, « Can Your Bird Sing? » fleure bon le
blues, que Dehors exacerbe avec un solo bien senti au saxophone ténor, tandis
que Hernandez parsème son chant de traits de gospel. Laurent est à l’honneur
sur « Reprend », une bande son cinématographique touffue sur laquelle
il déclame un texte poétique autour du printemps. « Mmm » s’appuie
sur un thème mélodieux, une rythmique mate et des développements denses, dont un
chorus expressif de Dewans. Retour à la cornemuse pour « A la campagne »,
avec une tournerie folk traversée de traits free déjantés, voire « rock
campagnard » quand la guitare s’en mêle. Le concert s’achève sur « The
Wind and The Rain », l’air final de La
nuit des rois de William Shakespeare,
qui, après une entrée en matière farfelue, laisse la part belle aux trois
chanteurs. En bis, l’harmonica de Dehors lance L’Orchestre du Lion dans une
farandole, entre country et NOLA, qui finit dans les travées du théâtre…
Le surréalisme, le jazz, Dada, le rock underground, le rap…
L’Orchestre du Lion est un peu tout cela, avec une grosse dose d’humour et un
sens de la fête communicatif !
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