Particulièrement connu et apprécié pour son big band Tous Dehors, mais
aussi pour ses nombreuses participations à d’autres orchestres comme l’ONJ d’Antoine Hervé, le Mégaoctet d’Andy Emler, le Vibracordes de Jean-Marie Machado, Micromegas de François Raulin… Laurent Dehors a monté son premier trio avec un guitariste – David Chevallier – et un batteur – Louis Moutin – en 1992.
C’est en compagnie de Gabriel
Gosse et de Franck Vaillant que
Dehors enregistre Moutons au studio
La Buisssonne avec Gérard de Haro
derrière les consoles (et auteur de la photo qui illustre la pochette : un
vieux transformateur électrique avec une tête de mouton…). Le disque sort en
février 2019. Dehors a composé huit des quatorze morceaux, cinq sont cosignés
par le trio et ils jouent également « Solitude » de Duke Ellington.
« Les oiseaux » montrent la voie : une
batterie vigoureuse à tendance rock, un motif de basse sourd, une sept cordes volontiers
Guitar Hero et des clarinettes bondissantes. « Lily » lorgne d’abord vers
un rock funky légèrement underground… Mais Gosse et Vaillant finissent par
faire vrombir leurs instruments et Dehors part dans un mouvement puissant, à
grand renfort de réverbération, qui ramène le morceau sur les sentiers du rock
progressif. Le trio interprète « Solitude » dans une ambiance bluesy
brute, accentuée par la sonorité rauque de la clarinette contrebasse, les
percussions tintinnabulantes et les accords sobres du banjo. Vient ensuite « Ecoute »,
un interlude aérien sur fond bruitiste qui débouche sur « Attention à tes
béquilles », déroulé avec des unissons heurtés et vifs, aux parfums de
NOLA. « Klein Sturm » et « Sturm » sont deux courtes pièces enchaînées
: tout commence par du spoken word teinté d’humour, sur un accompagnement saccadé
de la guitare et de la batterie, puis se poursuit dans un climat heurté et
rythmique. Sur le bien nommé « Intro Too Fast », Dehors et Gosse échangent
des questions-réponses en zigzag dans une veine musique contemporaine. Retour
au rock progressif avec « Too Fast » : portés par une batterie
touffue et des effets électro denses, la guitare et le sax décochent des unissons
tenus et nerveux. Dehors promène librement son ténor dans « Les étoiles »,
sur des accords étirés de Gosse et un foisonnement discret de Vaillant. Nouvel
interlude avec « Regarde » qui juxtapose effet lointains, gouttes
cristallines de la guitare et vibrations des percussions. La clarinette basse
attaque à toute allure « Habop », un thème évidemment hard bop !
Gosse et Vaillant suivent d’abord la course bop, mais le morceau vire
rapidement au free bop avec une clarinette déchaînée... avant de se conclure
sur des bruissements, accords lointains et autres réverbérations anachroniques.
« Augustin » est joyeux et sautillant : l’expressivité de la
clarinette basse, les lignes légères du banjo et les cliquetis dansants de la
batterie rappellent la Nouvelle Orléans. Le disque se conclut par « Cold
Brass » dans une atmosphère free rock alternatif, marqué par une batterie costaude,
des stridences électro et des unissons massifs de la guitare et du sax.
Dehors, Gosse et Vaillant s’amusent à mélanger les codes
jazz, free, rock, musique contemporaine… Moutons
pétille de malice et déborde d’une vitalité contagieuse !