Dans le cadre du festival
Jazz à La Villette, le 4 septembre 2019, Yves Rousseau présente
Fragments Septet au Studio de l’Ermitage.
Dernier
né des projets du contrebassiste, Fragments trouve sa source dans
les « années lycée, au milieu des 70’s lorsque les grands
groupes pop/rock alors à leur apogée créatrice marquaient pour
toujours l’histoire de la musique ». Pour interpréter ce
répertoire original, Rousseau a monté un nouveau groupe avec
Géraldine Laurent au saxophone alto, Thomas Savy à la
clarinette basse, Jean-Louis Pommier au trombone, Csaba
Palotaï à la guitare, Etienne Manchon aux claviers et
Vincent Tortiller à la batterie.
A
gauche, la section acoustique avec les trois soufflants ; à
droite, la section électro-acoustique avec les claviers,
guitare électrique et batterie ; au milieu, la contrebasse qui
anime les débats… La séance nostalgie peut commencer !
« Reminiscence »,
dédié à Soft Machine, ouvre le bal. Une ambiance spatiale avec des
bruitages et des grondements lointains laisse place aux soufflants,
qui reprennent le thème a cappella. Les unissons des cuivres et bois
sur les ostinatos du Nord Electro et de la contrebasse, soutenus par
les bruissements de la batterie, évoquent aussi une musique
de film. Puis la tension monte avec les frappes touffues de la
batterie, les dialogues foisonnants et le clavier,
qui ajoute du suspens.
Frank Zappa s’invite
sur « Personal Computer » : après une introduction
contemporaine, le foisonnement de la batterie, la ligne minimaliste
profonde de la contrebasse et les accords clairsemés de la guitare
soulignent les questions – réponses majestueuses des soufflants.
Le tableau suivant s’apparente davantage à du rock progressif,
avec les ostinatos du clavier, les riffs graves, les envolées de la
clarinette basse sur une batterie puissante. Le final revient dans
une atmosphère acoustique aux accents moyenâgeux.
Rousseau
nous apprend que ce n’est que le troisième concert de cette
nouvelle formation de pop-rock-jazz. Et pourtant la musique
tourne comme si le septet avait toujours joué ensemble.
« Abyssal Ecosystem » s’appuie sur une batterie
imposante et véloce, une contrebasse trapue, renforcée par les
motifs de la guitare et la pédale du clavier, pendant que cuivres et
bois croisent élégamment leurs voix dans une tournerie entraînante
et mélodieuse.
«
Darkness Desire » lorgne
lui aussi du côté du rock alternatif : section rythmique
vigoureuse, effets électro de la guitare et du synthé, choeurs
mystérieux et soignés
du saxophone – clarinette – trombone... Comme les autres pièces, « Darkness Desire » s’articule autour de
plusieurs mouvements qui se succèdent, d’échanges sinueux en
dialogues écorchés, de mouvements
aériens en
conversations emportées.
Quand
il présente son orchestre, Rousseau termine par « le club des
moins de 30 ans… Les énervants… », autrement
dit, les plus
jeunes de la bande,
Manchon et Tortiller, deux
musiciens qui savent ce qu’ils veulent (comme
le prouve l’étonnant Elastic
Borders, premier opus
du claviériste, sorti en février 2019 chez Troisième Face). La
majestueuse introduction du trombone a capella
pour « Oat
Beggars » (littéralement,
« les mendiants de l’avoine »...) annonce un morceau dramatique et dense, qui monte en tension dans une
ambiance progressivement underground,
La
belle mélodie de « Winding
Pathway » rappelle la musique de chambre du vingtième. Après
un passage entre ballade pop-folk
et marche solennelle, la
contrebasse se lance dans un solo particulièrement musical qui
contraste avec le fonds sonore électro, Le morceau s’achève sur
un mouvement au parfum
bop, dans lequel le saxophone alto nage comme un poisson dans l’eau.
Le
concert se conclut avec « Efficient
Nostalgia ». A la
sonorité cristalline vintage du synthétiseur
et l’ostinato de la
guitare électrique, répondent les volutes de la clarinette basse, portées par un chœur
brillant, avant que le
septet ne s’envole vers des contrées rock.
Entre
rock progressif, musique de chambre et jazz, les Fragments
de Rousseau sont
captivants,