04 mars 2020

A la découverte de Yann-Gaël Poncet

Du conte pour enfants, La Fabrique des Nuages, aux Transcontinentaux, en passant par ses Chansons by YGP et le Jazz Quartet « S », le violoniste et vocaliste Yann-Gaël Poncet a choisi de mettre sa musique au service de ses causes : l’innovation musicale, la diversité des cultures, le respect de la planète et la langue française… Partons à la découverte de ce troubadour des temps modernes !


La musique

Je ne sais absolument pas pourquoi j’ai choisi le violon ! C’est sans doute une obsession d’enfance… En tous cas la légende familiale veut que j’ai réclamé un violon à deux ans et demi... dans une famille où personne ne joue de musique ! Et j’ai la chance d’avoir une voix… différente : très aiguë et cristalline. Elle s’est vite imposée comme un moyen d’expression remarquable.

J’ai appris le violon classique au conservatoire jusqu’à seize ans, puis j’ai arrêté, à la grande déception du directeur qui pensait faire de moi un concertiste... Certainement à cause de ma répulsion pour le solfège qui m’ennuyait à mourir ! Mais aussi parce que, sans doute fort naïvement, la musique me semblait être l’ultime moyen – ou peut-être le seul à l’époque – pour s’exprimer, bousculer les idées, révéler des messages... en combinant émotion et raison. Je brûlais intérieurement ! J’ai donc continué mon chemin en autodidacte… Et rapidement, attiré par l’ailleurs, j’ai pris la route pour l’Inde, où j’ai étudié la musique carnatique, puis les Etats Unis, l’Amérique Latine etc.


Yann-Gaël Poncet (c) YGP
J’ai toujours composé et improvisé au violon, et peu à peu les mots ont pris leur place au milieu de tout ça, comme une réponse à tout ce que je ne pouvais supporter. J’ai découvert le jazz avec Kind of Blue et, d’une certaine manière, je m’y suis trouvé chez moi !… Au passage, en 2007, quand je suis monté sur les planches de Jazz à Vienne aux côtés de Laurent Cugny et David Lynx, le directeur de mon ancien conservatoire m’a envoyé ce texto très touchant : « je suis fier de toi, tu fais maintenant parti des grands »… Pourtant, comme me l’a dit un jour Cugny, qui m’a fait travailler une dizaine d’années, je ne suis « qu’à moitié de la maison »… Je ne suis pas un gardien du temple ! Pour moi, le jazz c’est la liberté, le rébellion… Une musique sans frontière et sans tabou… Une colère sophistiquée ! Mais il ne faut jamais oublier d’où l’on vient, car je pense qu’un propos artistique tire aussi sa force de la conscience profonde qu’un artiste peut avoir de ses origines. D’ailleurs, pour ma part, j’ai puisé mon inspiration chez Jacques Brel, Maurice Ravel, Miles Davis, Franz Schubert, John Scofield, Bill Frisell, Dmitri Chostakovitch, Charles Mingus, Thelonious Monk, Keith Jarrett, Jean-Luc Ponty, Dominique Pifarély, Eivind Aarset...


Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? L’expression de soi en sons... Une immense connivence… L’improvisation...

Pourquoi la passion du jazz ? C’est une révolution permanente !

Où écouter du jazz ? En concert… En concert… Et encore en concert !

Comment découvrir le jazz ? Faire écouter plusieurs fois « Gone, Just Like a Train »… Une méthode plusieurs fois éprouvées ! 

Une anecdote autour du jazz ? Davis qui dit : « pourquoi jouer autant de notes quand il suffit de jouer les bonnes ? ».


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un cheval ou une corneille noire
Si j’étais une fleur, je serais une pensée,
Si j’étais un fruit, je serais une noix,
Si j’étais une boisson, je serais un vin rouge de Bourgogne ou d’Arbois,
Si j’étais un plat, je serais une salade verte agrémentée de noix, de pommes et d’une belle sauce moutarde,
Si j’étais une lettre, je serais un YPar habitude !
Si j’étais un mot, je serais réconciliation,
Si j’étais un chiffre, je serais 17,
Si j’étais une couleur, je serais orange,
Si j’étais une note, je serais la quarte… 


Les bonheurs et regrets musicaux

Après un concert de mon quartet « S » – avec Vincent Lafont aux claviers, Jean-Paul Hervé à la guitare et Philippe Pipon Garcia à la batterie un jeune homme est venu me trouver pour me dire plusieurs choses très touchantes et il a fini par : « je repars sans colère »… Cette expérience pourrait résumer mon approche : une démonstration par la sensibilité... La libération des émotions, des idées, des liens…

En 2007, Celui qui dit qui est m’a balayé de la scène de la chanson car l’album a été jugé trop clivant... J’y abordais notamment des sujets sur le climat et l’instrumentalisation des religions... Je n’ai pas compris qu’on ne me comprenne pas ! En fin de compte les événements de 2011 ont mis tout le monde d’accord… J’aurais dû m’accrocher davantage. Finalement j’ai rebondi à l’étranger, avec les Transcontinentaux. Mais la première partie n’est pas terminée pour autant…


Sur l’île déserte…

Quels disques ? Le Concerto pour violon n° 1 de Chostakovitch par David Oistrakh, Kind of Blue de Davis (for ever…), Gone, Just Like a Train de Frisell, le Concerto pour la main gauche en ré majeur de Ravel par Hélène Grimaud et Still Live de Jarrett.

Quels livres ? La Vie secrète des arbres de Peter Wohllebenn, La nouvelle grille dHenri Laborit, Quand les animaux et les végétaux nous inspirent d’Emmanuelle Pouydebat, La Maison et le Monde de Rabindranath Tagor, L’Idiot de Fiodor Dostoïesvski et des recueils de contes…

Quels films ? Aie ! Je ne sais pas !...

Quelles peintures ? Les Quais de Paris à Rouen d’Albert Marquet, presque tout de José de Ribera, Au fond du Ravin de Paul Cezanne, Cheval turc dans une écurie de Théodore Géricault, Eugène Delacroix

Quels loisirs ? Un violon pour jouer, un cheval pour galoper dans la forêt (car il faudra me trouver une île avec de la forêt…) et un maillot de bain pour nager...





Les projets

L’art n’est qu’une façon d’être et de changer le monde. C’est la face irrépressible de la conscience qui fait surface, en désordre, brutalement... et auquel l’artiste donne une forme... Nous, les humains, nous sommes totalement fous, nous le savons mais… Peut-être suis-je ridicule, ou dingue, ou les deux, mais je dors déjà trop mal pour ne rien faire ! Alors j’essaie de faire, à ma mesure, par tous les moyens qui sont les miens...

Je veux donc développer toujours plus le Grand Shajara… Un projet composé du TNL Shajara, du Tronc Sonné – une installation sonore –, de La Fabrique de Nuages, un spectacle de sensibilisation à la question environnemental pour les enfants, et des Causeries, à l’adresse des Lycéens... Tout cela pour rencontrer et sensibiliser toujours plus de jeunes et participer, à ma mesure, au nécessaire changement de notre rapport à l’environnement.

Il y a aussi mon quartet S qui travaille sur la lenteur et l’expressivité... Deux qualités dont nous avons tellement besoin à grande échelle… Nous sortirons un album dans l’année qui vient.

Et à terme, j’aimerais également revenir sur mon répertoire à texte…


Trois vœux…

1. Je rêve d’un nouvel état de conscience pour les générations à venir. Puisque nos enfants sont plus âgés que nous, génétiquement, je souhaite qu’ils deviennent autre chose que des brutes en costard.

2. Que les pingouins envahissent les continents et vomissent des tonnes de plastique sur les pompes cirées de nos dirigeants !

3. Que les femmes prennent le pouvoir. Je ne dis pas que ce serait mieux… mais nous savons déjà où vont les sociétés dirigées par les hommes.