28 septembre 2017

Melodicity – Christian Brun

Melodicity
Christian Brun
Christian Brun (g), Damien Argentieri (ep), Yoni Zelnik (b) et Manu Franchi (d), avec Alex Tassel (bugle).
We See Music Records – WSMD005 – 17
Sortie le 6 octobre 2017

Guitare classique au Conservatoire de Cannes et études de physique à Toulouse… Si ce n’était la rencontre de Tal Farlow, Christian Brun n’aurait peut-être jamais embrassé une carrière de jazzman, qui passe par Toulouse (Houseful – Scalen’Disc – 1991), New York (In Brooklyn – Pee-Wee Music – 1995) et Paris (French Songs – Elabeth – 2001).

En 2015 le guitariste décide d’enregistrer Melodicity et se fait accompagner du claviériste Damien Argentieri, du contrebassiste Yoni Zelnik et du batteur Manu Franchi. Le bugle d’Alex Tassel se joint au quartet pour « A Breath of Fresh Air »..

Brun est l’auteur des dix compositions. Il dédie « For Those Who Stay On The Ground » aux victimes du terrorisme, « I Remember Chass » au trompettiste François Chassagnite, disparu en 2011, « Yes Wes » à l’une de ses influences, Wes Montgomery, et « Song For Elliott » à son fils.

Le quartet a enregistré au Moods Studio, à Sarzeau (Morbihan), avec Tassel et Jonathan Marcoz derrière le pupitre, et Melodicity sort chez We See Music Records, le label créé par Matthieu Marthouret.

Melodicity (« mélodicité » serait un barbarisme, mais, en anglais, le mot signifie la qualité de ce qui est mélodieux…) porte bien son titre : les thèmes sont tranquilles (« Melodicity Part I ») ou gracieux (« Walz In D Major »), intimistes (« I Remember Chass ») ou délicatement entraînants (« Zombie‘s Dance »), les développements rivalisent de sinuosités (« Melodicity Part II ») et les chorus soignent leurs lignes mélodiques (« Waltz In D Major », « Yes Wes »). Argentieri, Zelnik et Franchi assurent une carrure rythmique robuste et régulière : la basse, souple, alterne des formules minimalistes («  Waltz In D Major ») et des riffs cadencés (« Yes Wes »), la batterie est dansante (« For Those Who Stayed On The Ground ») et vive (« Melodicity Part II »), avec ses motifs funky (« A Breath of Fresh Air »), et le Fender Rhodes, élégant (« Melodicity Part I »), déroule ses phrases chaloupées (« Melodicity Part II »). La sonorité de la Gibson, mélange de clarté métallique et de chaleur acoustique, évoque la grande période Blue Note. Brun laisse libre-court à son goût pour les couplets mélodieux (« I Remember Chass »), parsemés de traits véloces (« Melodicity Part I ») ou emphatiques (« ForThose Who Stayed On The Ground »).

Dans Melodicity, Brun et son quartet s’inscrivent dans une lignée néo-hard-bop, avec des touches bluesy et funky, des rythmes solides et un enthousiasme mélodique contagieux…

Liste des morceaux

01. « Melodicity Part I » (06:20).
02. « Song for Eliott » (04:34).
03. « Waltz in D Major » (05:06).
04. « For Those Who Stayed on the Ground » (06:57).
05. « Melodicity Part II » (06:43).
06. « I Remember Chass » (04:57).
07. « A Breath of Fresh Air » (04:58).
08. « Temps calme » (04:13).
09. « Zombie's Dance » (06:30).
10. « Yes Wes » (02:38).

Toutes les compositions sont signées Brun.


26 septembre 2017

Mona à l’Ermitage

Membre de The Very Big Experimental Toubifri Orchestra, musicienne apparentée au Grolektif, connue pour son duo orTie avec Grégoire Gensse et son spectacle en solo, la clarinettiste Elodie Pasquier a formé un quintet en 2016 : Mona.

Le 7 septembre, Mona sort un disque éponyme sur le label Laborie. Le concert de lancement a lieu au Studio de l’Ermitage. Pasquier s’est entourée de musiciens venus d’horizons divers : Romain Dugelay (animateur clé du Grolektif) aux saxophones alto et baryton, Fred Roudet (Le chant des possibles) à la trompette et au bugle, Hilmar Jensson (AlasNoAxis, Tyft Trio…) à la guitare et Teun Verbruggen (Jeff Neve Trio, Flat Earth Society…) à la batterie.


Pasquier a composé l’ensemble du répertoire de Mona et le concert reprend les morceaux du disque, plus « Gatito », une composition d’orTie, en bis.

Le concert démarre sur les volutes élégantes de la clarinette basse a capella, qui débouchent sur une mélodie aux accents nostalgiques. Le foisonnement des cymbales et les contre-chants de la trompette et du saxophone baryton contrastent avec le riff tranquille de la guitare et les phrases sinueuses de la clarinette. Puis, sur une rythmique aux tournures funky et bluesy, « Luz » s’emballe, jusqu’au chorus véloce de Verbruggen. Le rock s’invite dans « Like a Melted Cheese » : une batterie puissante, des bruitages électro orchestrés par le saxophone baryton et des motifs impétueux de la guitare. La trompette et la clarinette dialoguent à qui mieux mieux. A ce « free rock alternatif » succède un passage minimaliste qui évoque quasiment la bande son d’un film de science-fiction. « Like a Summer Sky » prolonge cette ambiance cinématographique : les effets spatiaux de Dugelay complètent les lignes aériennes de Jensson et le jeu tout en souplesse de Verbruggen. Avec sa clarinette soprano  Pasquier s’aventure subtilement dans le monde de la musique classique. Sur des grésillements, bourdonnements et autres crépitements électriques, le morceau s'oriente ensuite vers la musique concrète. Techniques étendues, phrases tranchantes, riffs acérés, dialogues à bâton rompu… poussent le morceau vers la musique contemporaine, avec, toujours, une pulsation rythmique solide.

Chaque morceau est constitué de plusieurs tableaux. « Sexy » ne fait pas exception : après un démarrage intimiste, avec un unisson de la clarinette et de la trompette, des accords en suspension de la guitare, puis des échanges en contrepoints, le quintet part dans un profusion de bruitages à base de cliquetis de la batterie, effets de souffles dans les embouchures, jeux rythmiques sur les touches, stridences… S’ensuit un motif entraînant de la guitare, sur lequel Roudet prend un chorus captivant, que poursuit Pasquier avec autant d’inspiration. Dans « Petit poney » Verbruggen plante un décor binaire puissant, renforcé par une pédale du saxophone alto de Dugelay. Le groupe s’envole dans un free tumultueux, marqué par le rock progressif. A cette furie de notes succède un minimalisme ingénieux... Sur un motif lointain de la guitare, une batterie majestueuse et des effets d’orgue en arrière-plan, « The Little Ducks of the Night » prend des allures de requiem, accentuées par les lignes solennelles de Roudet.

En bis, sur « Gatito », Pasquier et ses acolytes s’expriment en toute liberté dans une profusion de propositions : questions – réponses, rebondissements, échanges de phrases, contre-chants… sans jamais se départir d’un balancement rythmique entraînant. La trompette expose et déroule le thème avec beaucoup de sentiment, bientôt rejoint par Pasquier, pour un développement émouvant.

Mona est cohérente de bout en bout et s’écoute comme une suite, bâtie autour de sept morceaux, eux-mêmes subdivisés en mouvements. L’approche musicale de Pasquier et de son quintet est, certes, sophistiquée – organisation des voix, constructions sonores, structure harmonique… –, mais elle garde toujours cette vitalité rythmique propre au jazz, et une intensité émotive qui la rend particulièrement attachante.

17 septembre 2017

A la découverte d’Elodie Pasquier...

Venue du classique, la clarinettiste Elodie Pasquier vogue du solo au grand orchestre, en passant par le duo, orTie avec le regretté Grégoire Gensse, son quintet, Mona, et tout le reste… Une musicienne hyperactive à découvrir !


La musique

J’ai commencé par le piano, mais je voulais faire un instrument d’orchestre en plus. J’ai écouté des symphonies et j’ai craqué sur le son de la clarinette. Adolescente, j'ai d’abord étudié au Conservatoire de Chalon sur Saône, puis je suis partie au Conservatoire de Besançon, où j’ai passé mes diplômes : clarinette classique, écriture et musique de chambre. Au Conservatoire de Besançon, j’ai travaillé avec un maître de la clarinette : Monsieur Christian Peignier.

Depuis toute petite, chez moi, j’ai été bercée par les disques de Chet Baker et ceux de l’Arfi, entre autres ! Ensuite j’ai fait un stage d’initiation au Jazz et Musiques Improvisées organisé par l’association Jazz en Herbe. Puis j’ai intégré le département jazz de l’Ecole Nationale de Musique de Villeurbanne…


Les influences

Je n’oserais pas parler d’influence, mais plutôt du son d’un musicien qui me touche directement en plein cœur ! Comme Nguyên Lê, Keith Jarrett… Et je suis particulièrement touchée par l’émotion que transmettent certains musiciens que j’ai la chance de rencontrer : Didier Ithurssary, Christophe Monniot, Himar Jensson



Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Des rencontres, des créations, de l’ouverture…

Pourquoi la passion du jazz ? Le jazz est vaste et sans aucune barrière… si on le souhaite !

Où écouter du jazz ? Dans les festivals ! Les fêtes !... Mais il faut surtout se laisser surprendre, peu importe le contexte !

Comment découvrir le jazz ? Ecouter plein de musiques différentes, repérer tel ou tel artiste, faire des liens, suivre les histoires et tomber forcément nez à nez avec un musicien dit « de jazz » qui sera passé par là !… Ou piocher au hasard dans les bacs… Ou encore, tout simplement, commencer par Miles Davis, peu importe sa période !

Une anecdote autour du jazz ? Je suis plutôt friande des histoires de vie de mes copains du jazz !...


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un chat,
Si j’étais une fleur, je serais une pivoine,
Si j’étais un fruit, je serais une fraise (pas très original !),
Si j’étais une boisson, je serais du vin blanc !...
Si j’étais un plat, je serais… je ne sais pas lequel choisir !
Si j’étais une lettre, je serais F,
Si j’étais un mot, je serais Merci,
Si j’étais un chiffre, je serais 6,
Si j’étais une couleur, je serais orange,
Si j’étais une note, je serais quelque part entre deux notes


Les bonheurs et regrets musicaux

Je ne saurais parler de réussite musicale ! Mais je suis très heureuse d’avoir pu vivre des aventures musicales sur du long terme. Elles m’ont tellement fait grandir ! A l’image du duo orTie avec mon grand ami Grégoire Gensse, qui nous a quittés beaucoup trop tôt... Et je n’ai aucun regret !


Sur l’île déserte…

Quels disques ? The Eminem Show d’Eminem, Thisisatrio de Franck Vaillant, The Köln Concert de Jarrett, Shadow Theater de Tigran Hamasyan, Dauphin de Mazalda et des chants grégoriens.

Quels livres ?  Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke, plein de livres de Philip K. Dick !... Et quelques bandes dessinées de Riad Sattouf

Quels films ? Fargo des frères Cohen.

Quelles peintures ?  Pablo Picasso, Salvador Dali

Quels loisirs ? Je les garde pour moi ! Et sans mystère caché, bien entendu !...




Les projets

Il y a d’abord Mona, mon nouveau quintet avec Jensson, Teun Verbruggen, Fred Roudet et Romain Dugelay, Nous sortons un premier disque chez Laborie Jazz en septembre. J’ai aussi mon solo, Elodie Pasquier Solo, puis The Very Big Experimental Toubifri Orchestra, qui sort son disque chez Irfan, le Label, avec Loïc Lantoine, mais aussi Danzas de Jean-Marie Machado et une nouvelle création avec l’ensemble Op.Cit de Guillaume Bourgogne, aux côtés d’Emmanuel Scarpa, entre autres ! Sinon, j’ai un nouveau projet dont je serai très fière, mais dont je parlerai en temps voulu !...

Onze Heures Onze à vingt-et-une Heures…

Au Studio de l’Ermitage, le 6 septembre 2017, à vingt-et-une heures et des poussières, le Onze Heures Onze Orchestra monte sur scène dans le cadre du festival « Under The Radar » de Jazz à la Villette. Le concert est aussi l’occasion de célébrer la sortie du premier opus de la discographie de l’orchestre.

Créé en 2014 par Alexandre Herer, Olivier Laisney et Julien Pontvianne, le collectif francilien Onze Heures Onze anime un label, qui compte d’ores et déjà près d’une vingtaine de disques à son actif, organise un festival, produit des projets individuels et tourne avec un orchestre à géométrie variable, autour d’un noyau d’une dizaine de musiciens.

Tous les membres de l’orchestre qui jouent sur le disque sont là, à l’exception de Joachim Govin, Franck Vaillant et Alban Darche : Laisney à la trompette, Pontvianne au saxophone ténor et à la clarinette, Stéphane Payen et Denis Guivarc’h au saxophone alto, Johan Blanc et Michel Massot au trombone (ou au tuba pour le deuxième), Stéfan Caracci au vibraphone, Herer au piano et claviers, Florent Nisse à la contrebasse et Thibault Perriard à la batterie. L’orchestre invite Magic Malik pour quelques morceaux. 




Le programme du concert reprend la plupart des morceaux du disque, plus quelques compositions du collectif. La thématique tourne autour de compositeurs du vingtième et vingt-et-unième siècles : Giacinto Scelsi, Steve Reich, Alvin Lucier, György Ligeti, Conlon Nancarrow, Maurice Ohanna, Morton Feldman

Le concert commence par une adaptation tout à fait personnelle d’Herer du Proverb que Reich a composé en 1995. L’orchestre se substitue aux trois sopranos, aux deux ténors, aux deux vibraphones et aux deux orgues électriques. Les contrepoints de la trompette et des saxophones rappellent les voix de la version originale, tout comme les interventions du vibraphone, mais les similitudes s’arrêtent là : l’élégance éthérée des voix, quasiment a cappella, de Reich est remplacée par un mouvement de groupe tendu, avec une batterie, une contrebasse et un piano qui maintiennent une pulsation mate et robuste. L’ « Autoportrait », que Darche a composé pour Vol 1, est un hommage à Ohanna, Isaac Albeniz et Ligeti. Après une introduction entre comptine et gamelan, la rythmique lance un motif funky, soutenu par une pédale du piano, tandis que le trombone et le saxophone alto dialoguent avec verve. Le morceau se déroule dans un entrelacs de voix d’une grande finesse. « Densité », signé Caracci, démarre avec des boucles construites autour d’un ostinato du vibraphone, d’une pédale au piano et d’une batterie percussive, tandis que les vents s’en donnent à cœur joie, dans un délire de sonnailles. Dans la deuxième partie du morceau, la batterie et la contrebasse restent charnels, le vibraphone et le piano s’envolent dans le contemporain et les soufflants deviennent mystérieux… Guivarc’h prend un solo particulièrement inspiré dans la « Fanfare pour Denis », que lui a dédié Payen. La walking rapide de Nisse et le chabada fulgurant de Perriard enflamment le morceau. Foisonnement des timbres, superposition des voix et rythmique entraînante pour « Kung Fu 37 » de Guivarc’h. Retour à la musique contemporaine avec « This Is Where The Sea Ends », écrit par Pontvianne et inspiré par Lucier : minimalisme et jeux avec les timbres. Cocktail de musique contemporaine et d’éléments funky, « Arcane 4 » – composé par Laisney – permet à Nisse de prendre un chorus mélodieux. Malik, sa flûte et sa voix, rejoignent l’orchestre pour « From Crippled Symmetry » d’Herer, enchaîné – vraisemblablement – avec le « XP31 » de Mezzadri. C’est un morceau protéiforme qui saute d’une atmosphère vaporeuse à des joutes contemporaines, en passant par une quasi-berceuse (quand Malik fredonne dans l’embouchure de sa flûte) et des mouvements minimalistes et rythmiques qui évoquent parfois le gamelan. Le bis est une improvisation collective effrénée, pendant que Malik égrène paisiblement un compte-à-rebours…


Le disque permet évidemment de prendre davantage de recul par rapport à la musique que le concert et, sans doute, d’avoir une écoute plus équilibrée, même si le son est moins chaleureux et « physique » qu’en concert. Vol 1 n’échappe pas à la règle. Cela dit, la prise de son est très réussie : elle met bien en valeur les instruments et l’architecture des morceaux (« Proverb »). Deux morceaux n’ont pas été joués au Studio de l’Ermitage : « Yog Sothoth » de Laisney et « Raja » de Vaillant. Le premier commence par une introduction minimaliste du piano dans les graves, avant de partir sur une jolie mélodie soutenue par une rythmique entraînante et des chœurs en contre-chants. « Raja » met en scène une mélodie délicate, portée par les lignes aériennes du vibraphone, sur une rythmique et des riffs dansants.

Les constructions complexes et autres juxtapositions insolites de Vol 1 évoquent évidemment la musique contemporaine, tandis que les sonorités et les rythmes ramènent au jazz. Sur disque ou en concert, il faut écouter la musique du Onze Heures Onze Orchestra car il s’y passe toujours quelque chose !


Le disque

Vol 1
Onze Heure Onze Orchestra
Olivier Laisney (tp), Julien Pontvianne (cl, ts), Stéphane Payen (as), Denis Guivarc’h (as), Johan Blanc (tb) ou Michel Massot (tb, tu), Stéfan Caracci (vib), Alexandre Herer (p, org), Joachim Govin ou Florent Nisse (b) et Franck Vaillant ou Thibault Perriard (d), avec Magic Malik (fl) et Alban Darche (bs).
Onze Heures Onze – ONZ020
Sortie le 6 septembre 2017



Liste des morceaux

001.  « Xp31 », Malik (4:05).                     
002.  « Yog Sothoth », Laisney (9:37).                   
003.  « Raja », Vaillant (9:37).                   
004.  « Proverb », Herer (6:30).                
005.  « This Is Where the Sea Ends », Pontvianne (7:34).
006.  « Fanfare pour Denis », Payen (6:58).
007.  « Autoportrait avec Ohana et Albeniz (Merci Ligeti) », Darche (6:07).

05 septembre 2017

Le cœur des vivants

Le cœur des vivants
Les Doigts de l’Homme
Olivier Kiktteff (g), Benoît Convert (g), Yannick Alcocer (g), Tanguy Blum (b) et Nazim Aliouche (perc).
Lamastrock
Sortie le 28 avril 2017

En 2002 Olivier Kiktteff monte un duo avec le contrebassiste Tanguy Blum et enregistre Dans le monde, qui sort en 2003. C’est l’acte de naissance des Doigts de l’homme. En 2004, en compagnie de Marc Laverty à la guitare rythmique, le trio sort Gipsy Jazz Nucléaire. Yannick Alcocer remplace Laverty pour le disque éponyme, publié en 2005. En 2008, c’est au tour du guitariste Benoît Convert de rejoindre le groupe pour Les doigts dans la prise, paru chez Cristal Records. 1910 est un hommage à Django Reinhardt (Cristal Records – 2010) dans lequel le quartet invite Adrien Moignard et Stéphane Chausse sur quelques morceaux. En 2013, l’accordéoniste Antoine Girard est l’hôte des Doigts de l’Homme pour Mumbo Jumbo.

Cela fait donc près d’une dizaine d’années que le quartet écume clubs, festivals et scènes diverses. Pour leur nouvel opus, sorti en avril 2017 chez Lamastrock, Les Doigts de l’Homme ont fait appel au percussionniste Nazim Aliouche et c’est une première ! Comme dans la plupart de leurs derniers disques, le quintet joue ses propres compositions et reprend « Love Song » de Tigran Hamasyan (Aratta Rebirth – 2008). Une mention pour l’élégante illustration de la pochette, signée de l’artiste Benjamin Flao, bien connu des amateurs de bandes-dessinées (Kililana Song, La ligne de fuite, Va’a…).

La musique manouche imprègne Le cœur des vivants : l’instrumentation, bien sûr, avec les guitares rythmiques (même si les pompes sont plutôt discrètes) et les lignes de contrebasse, d’une régularité irréprochable (« Là-haut »), mais aussi les plaisirs mélodiques (« The Wait »), sans oublier les longues phrases véloces (« Le cœur des vivants »). Cela dit, Les Doigts de l’Homme partent rapidement sur des chemins de traverse grâce à l’apport des percussions : le cajón donne du corps aux morceaux (« Le vrai tombeau des morts ») et, surtout, libère les guitares de leur rôle traditionnel de pompe. Dès lors elles peuvent mettre l’accent sur des contre-chants (« 4 BC ») et des soutiens plus mélodiques (« I See The Light »). Sous l’impulsion du cajón, les morceaux deviennent dansants (« Califas »), avec des touches africaines (« Amir Across The Sea »), voire funky-africain (« Le vol du colibri »).

Des développements élégants aux tourneries méditatives, en passant par des valses et autres airs de boléro, le tout sur fond de musique manouche et d'influences africaines… La musique des Doigts de l’Homme est séduisante.

Liste des morceaux

01.  « 4 BC » (3:52).
02.  « Le cœur des vivants » (3:49).
03.  « Là-haut » (5:38).
04.  « The Wait » (4:13).
05.  « I See The Light » (5:50).
06.  « Amir Across The Sea » (4:21).
07.  « Love Song », Hamasyan (5:45).
08.  « Le vol du colibri » (3:33).
09.  « Califas » (4:46).
10.  « Le vrai tombeau des morts » (4:37).
11.  « La valse du gros » (3:36).
12.  « Back To Life » (3:33).

Toutes les compositions sont signées Les doigts de la main, sauf indication contraire.



03 septembre 2017

Terms of Em-barr-ass-ment

Terms of Em-barr-ass-ment
Flat Earth Society
Peter Vermeersch (bcl), Bruno Vansina (fl, bs), Benjamin Boutreur (as), Michel Mast (ts), Luc Van Lieshout (tp), Bart Maris (tp), Stefaan Blancke (tb), Marc Meeuwissen (tb), Berlinde Deman (tu), Pierre Vervloesem (g), Tom Wouters (bcl, vib), Peter Vandenberghe (kbd, p), Kristof Roseeuw (b) et Teun Verbruggen (d), avec Mauro Pawlowski (g, voc), Peter Verdonck (g), Gregory Van Seghbroeck (euphonium) et Sam Vloemans (tp).
Igloo Records – IGL272
Sortie le 25 mai 2017

Depuis 13, sortis en 2013 pour les vingt-cinq ans de l’orchestre, Flat Earth Society a publié un coffret de trois disques, F E S XL S en 2014, puis Terms Of Embarrassment en 2016, toujours chez Igloo Records. Vermeersch et ses treize compères invitent deux guitaristes, Mauro Pawlowski et Peter Verdonck, le trompettiste Sam Vloemans et l’euphoniste Gregory Van Seghbroeck.

Sur les sept titres de Terms of Embarrassment, Vermeersch en signe deux et Vervloesem un. Les quatre autres compositions sortent du répertoire de Frank Zappa : « Random Riffs » est un patchwork de motifs tirés de différents morceaux, « Take Your Clothes Off When You Dance » (You Can’t Do That on Stage Anymore, Vol. 6 – 1992), « Solitude » (écrite pour sa femme Gail Zappa, mais jamais enregistrée sur disque par Zappa lui-même) et « City of Tiny Lites » (Sheik Yerbouti – 1979).

Hommage oblige, l’ombre du rock débridé et libre de Zappa plane sur Terms of Embarrassment : rythmique puissante (« City of Tiny Lites »), chorus de guitares saturées (« Me Standard, You Poor »), riffs foisonnants des soufflants (« Random Riffs »), développements kaléidoscopiques (« Ahmad & Juan »), chants et thèmes aux dissonances travaillées (« Solitude ») et luxuriance des timbres (« Take Your Clothes Off Whane You Dance »). Vermeersch met en scène toutes les sections de son orchestre en jouant avec le chœur des soufflants, des questions-réponses tournantes, des dialogues entre les deux guitares, des contre-chants (le vibraphone et les cuivres dans « Take You Clothes… »), des unissons enjoués (« Abracadabra »), des nappes de sons synthétiques en arrière-plan (« Me Standard, You Poor »)... le tout sur une batterie et une basse tendues et entraînantes. Même si l’orchestre est au centre de la musique de FES, Vermeersch laisse de l’espace pour que saxophone (« Ahmed & Juan »), trompette (« Take Your Clothes… »), trombone (« Ahmed & Juan ») et guitares (« City of Tiny Lites » entre autres) puissent laisser libre-court à leur imagination.

De l’énergie à revendre et une musique qui fusionne un jazz ascendant free et un rock progressif bouillonnant : Terms of Embarrassment est un joyeux bric-à-brac de notes et de rythmes qui doit être particulièrement jubilatoire en concert.

Liste des morceaux

01. « Me Standard You Poor », Vermeersch (7:55).
02. « Random Riffs », Zappa (3:46).
03. « Take Your Clothes Off When You Dance», Zappa (4:23).
04. « Abracadabra », Vervloesem (4:06).
05. « Solitude », Zappa (4:15).
06. « Ahmad & Juan », Vermeersch (11:59).
07. « City Of Tiny Lites », Zappa (9:58).