27 octobre 2021

The Possibility of A New Work For Aquaserge

Créé en 2005, Aquaserge est un groupe d’une dizaine de musiciens dont la musique trouve ses sources dans le rock progressif, la musique contemporaine, le free jazz et plus encore !
The Possibility of A New Work For Aquaserge, leur dixième opus, sort le 15 octobre 2021 sur le label Crammed Discs, dans la collection Made To Measure, dédiée aux musiques créatives.

Pour ce disque, Aquaserge est constitué de Marina Tantanozi et Sylvaine Hélary aux flûtes, Manon Glibert aux clarinettes, Robin Fincker au saxophone ténor et à la clarinette, Olivier Kelchtermans au saxophone baryton, Julien Gasc au synthétiseur, Julien Chamla à la batterie (et pléthore d’autres instruments), Audrey Ginestet à la basse (et au synthétiseur), Benjamin Glibert à la guitare (et moult claviers...) et Camillle Emaille au vibraphone et percussions.

Le titre annonce la couleur de l’album : il est tiré de « The Possibility of A New Work For Electric Guitar », œuvre composée par Morton Feldman en 1966. De Feldman, l’orchestre donne deux versions d’« Only », pièce de 1947 autour d’un poème de Rainer Maria Rilke. Figure également au répertoire, « Un grand sommeil noir » d’Edgar Varèse (1906) sur le poème éponyme de Paul Verlaine. Les morceaux signés Aquaserge rendent hommage à ces compositeurs avant-gardistes : « Comme des carrés de Feldman », « Hommage à Giacinto Scelsi », « 1768°C » pour Varèse, et « Nuit terrestre » et « Nuit altérée » dédiés à György Ligeti.

The Possibility Of A New Work For Aquaserge fait ressortir trois ambiances principales : deux chansons (« Un grand sommeil noir » et « Only (version 1) ») naviguent dans une veine rock alternatif, avec des airs chanté-parlé ponctués de dissonances, un phrasé étiré, une rythmique puissante et un accompagnement sophistiqué (à noter qu’« Only (version 2) » n’est pas dans cette lignée et évoque davantage une ode élisabéthaine) ; deux instrumentaux (« 1768°C », « Comme des carrés de Feldman ») voguent plutôt sur un rock avant-gardiste, marqué par une batterie musclée, une basse sourde, une guitare grondante et un mélange d’effets électro touffus, de foisonnements expressifs, de percussions denses, mais aussi de ruptures minimalistes ; et deux morceaux (« Hommage à Giacinto Scelsi », « Nuit Terrestre – Nuit Altérée (à Gyorgy Ligeti) ») traversent la musique contemporaine acousmatique avec des faisceaux de notes tenues, aux variations infimes et dont les timbres fusionnent comme un tissage musical, ou sont percés par des bruitages, vibrations, chuintements, bourdonnements et stridences qui leurs donnent des allures de sculptures sonores mouvantes.

Savant mélange de musiques expérimentales – électro contemporain, rock alternatif, jazz d’avant-garde etc. – The Possibility of A New Work For Aquaserge ouvre le champ des écoutes pour tout esprit ouvert et oreilles curieuses…

Le disque

The Possibility Of A New Work For Aquaserge
Aquaserge
Sylvaine Hélary (fl), Marina Tantanozi (fl), Manon Glibert (cl), Robin Fincker (ts, cl), Olivier Kelchtermans (bs), Julien Gasc (voc, synthé), Audrey Ginestet (voc, synthé, b), Benjamin Glibert (kbd, g, b), Camille Emaille (perc, vib), Julien Chamla (kbd, perc, d).
Crammed Discs - MTM46
Sortie le 15 octobre 2021

Liste des morceaux

01. « Un grand sommeil noir », Varèse & Verlaine (04:28).
02. « 1768°C (à Edgar Varèse) », Chamla, Glibert & Tantanozi (07:04).
03. « Hommage à Giacinto Scelsi », Glibert (06:29).
04. « Only (version 1) », Feldman & Rilke (01:16).
05. « Comme des carrés de Feldman », Aquaserge (05:11).
06. « Only (version 2) », Feldman & Rilke (01:36).
07. « Nuit Terrestre (à Gyorgy Ligeti) », Glibert (10:02).
08. « Nuit Altérée (à Gyorgy Ligeti) », Glibert (02:38).


25 octobre 2021

A la découverte d’Aquaserge

Créé en 2005 par Julien Gasc, Benjamin Glibert et Julien Barbagallo, Aquaserge est un groupe de rock progressif, également inspiré par la musique contemporaine, le free jazz et, de manière plus générale, par toutes les musiques créatives. La sortie de The possibility of a New Work for Aquaserge, le 15 octobre 2021 chez Crammed discs, permet de partir à la découverte d’une formation avant-gardiste et pleine d’humour !


La musique

J’ai découvert le jazz en position fœtale intra-utérine dans la première moitié de l’an 1980. Quant à la batterie, elle était le plus proche du bidon sur lequel on tape avec un bâton... qui était mon premier instrument ! Et le passage du bidon à la batterie a été fondamental pour mon parcours musical... Concernant les musicien.ne.s qui m’ont influencé.e.s : Toustes ! Il s’agit des sons et des sons de groupes plutôt que de musicien.ne.s. Les sons et les groupes ne sont pas toujours générés et alimentés par des musicien.ne.s, mais par des envies, des visions, de la curiosité, de la joie et du hasard...



                                                        Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Un mélange de choses qui se sont rencontrées malgré elles, à travers des histoires atroces et des rencontres heureuses ?

Pourquoi la passion du jazz ? Plutôt une passion pour la musique, les sons et la façon dont ils s’agencent, quand les humains tentent de se les approprier.

Où écouter du jazz ? A part dans son salon, je ne vois pas... En concert, peut-être ?

Comment découvrir le jazz ? L’ai-je moi-même réellement découvert ? Il change à chaque seconde, n’est-ce pas ?

Une anecdote autour du jazz ? Une légende dit que ce mot vient de l’occitan ou du catalan. Le jas ou le jaç est une sorte d’abri de berger où humains et non-humain cohabitent pour se protéger des intempéries. Des immigrés du sud de la France, partis en Louisiane, auraient trimbalé avec eux ce terme, qui serait devenu un synonyme de bordel et, par extension, une sorte de musique en train de naître à La Nouvelle-Orléans...


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais incapable de répondre...
Si j’étais une fleur, je serais choux...
Si j’étais un fruit, je serais une tomate, pour répondre enfin à cette question : « la tomate est-elle un fruit ou un légume? »
Si j’étais une boisson, je serais un jus de tomate
Si j’étais un plat, je serais des spaghetti alle vongole
Si j’étais une lettre, je serais ñ
Si j’étais un mot, je serais Johncoltrane
Si j’étais un chiffre, je serais Pi
Si j’étais une couleur, je serais quelque part entre Pantone 349 et Pantone 350
Si j’étais une note, je serais de bas de page


Les bonheurs et regrets musicaux

Ma plus belle réussite musicale est encore à venir et je regrette de ne pas avoir vu / entendu en concert les groupes que je ne pourrai écouter qu’à travers des enregistrements...




Sur l’île déserte…

Sur une île déserte, il faudrait changer de vie : tout remettre en cause et penser à la survie. Il faudrait donc sûrement changer d’habitudes et abandonner les objets tels que disques, livres, films, peintures et loisirs… pour se consacrer à d’autres choses inconnues et toutes aussi riches !

Mais tentons:

Quels disques ? Pas de disques sur une île déserte, juste une guitare...

Quels livres ? Tous les « guides de survie sur une île déserte ».

Quels films ? Tous les Andreï Tarkovski.

Quelles peintures ? Tous les Mark Rothko.

Quels loisirs ? Les plaisirs oisifs...


Les projets

Quel projet pour Aujourd’hui : l’Avenir.
Quel projet pour Demain : le Présent.


Trois vœux…

Vivre...
... la fin de l’économie...
…enfin.


23 octobre 2021

Vroum Vroum - Robin Nitram Motto Trio

Après deux albums en solo -
Rêveries sonores (2018) et Voyages immobiles (2020) - et diverses collaborations - Duology eXperiment, Paul Pesty Aurores Quintet... - Robin Nitram monte le Motto Trio, qui sort Vroum Vroum le 24 septembre 2021.

Le trio est constitué de Nicolas Zentz à la contrebasse et Ewen Grall à la batterie. Le guitariste a composé les dix morceaux de Vroum Vroum.

« Marguerite - Intro » plonge d’emblée l’auditeur dans une musique introspective : bourdon de la contrebasse, batterie subtile, notes aériennes égrenées de la guitare et développement relax, aux touches bluesy. Après un démarrage sobre et un chorus mélodieux de Zentz, la guitare, portée par une walking et un chabada furtifs, fait décoller « Nœuf ». « Utupia II » s’appuie sur des motifs heurtés, entraînants, et un discours linéaire et fluide de Nitram. Les formules délicates de la guitare, les nappes d’accords électriques en arrière-plan, les lignes musicales de la contrebasse et la pulsion dynamique de la batterie mettent « Toe Zone » en relief. « Goury Lighthouse » s’inscrit dans une lignée hard-bop : une walking et un chabada vifs soutiennent les cavalcades de la guitare. Le trio revient au calme dans « Strange Bill », avec une belle montée en tension, juste avant le final. Le riff puissant de la batterie, les notes sourdes de la contrebasse et les stridences de la guitare emmènent « Marguerite - Dialogue Outro » sur les sentiers d’un rock progressif. Nitram passe à la guitare acoustique pour « Enfin la pluie », un thème élégant mis en valeur par une contrebasse profonde et une batterie vigoureuse. Retour au hard-bop avec « Burnotope ». La contrebasse et la batterie balancent énergiquement, tandis que la guitare s’emballe dans un style que Wes Montgomery n’aurait pas renié. « À Quoi Ça Sert » est une ritournelle mélancolique, aux accents bluesy, relevée par les frappes mattes de la batterie et les phrases souples de la contrebasse. La bonne entente qui règne au sein du trio (« Toe Zone ») repose sur la musicalité de Zentz (« Goury Lighthouse »), le drumming attentif de Grall (« Marguerite ») et les qualités narratives de Nitram (« Utopia II »).

Motto Trio propose une musique réfléchie et Vroum Vroum est plutôt synonyme de balade pittoresque que de course échevelée...

Le disque

Vroum Vroum
Robin Nitram Motto Trio
Robin Nitram (g), Nicolas Zentz (b) et Ewen Grall (d)
Plyp Association – PL01
Sortie le 24 septembre 2021

Liste des morceaux

01. « Marguerite - Intro » (4:25).
02. « Nœuf » (4:44).
03. « Utopia II » (5:26).
04. « Toe Zone » (5:05).
05. « Goury Lighthouse » (4:41).
06. « Strange Bill » (4:32).
07. « Marguerite - Dialogue Outro » (6:36).
08. « Enfin La Pluie » (5:12).
09. « Burnotope » (2:55).
10. « À Quoi Ça Sert » (5:53).

Tous les morceaux sont signés Nitram.

17 octobre 2021

A la découverte de Laurent Medelgi

A cheval entre les Etats-Unis et la France, Laurent Medelgi et le Medeljazz Quartet sortent Versature en octobre 2021. Excellente occasion de partir à la découverte d’un guitariste aussi à l’aise dans le jazz que le funk, la musique latine, le cross over... et qui a également créé sont propre label : Zorojazz...


La musique

J’ai découvert le jazz pour de vrai à New York en 1994 ! Je jouais déjà de la guitare à l’époque - j’ai commencé à douze ans - mais pas de jazz. Donc j’ai continué sur le même instrument... On ne le dirait peut-être pas, mais j’ai écouté Wes Montgomery en boucle, ainsi que Keith Jarrett, John Coltrane... ou encore Michael Brecker et Chris Potter, que j'adore...


Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Vaste question... Pour moi, c'est vraiment l'expression musicale la plus libre, la plus libérée, la plus éloquente qu'un musicien puisse vivre.

Pourquoi la passion du jazz ? En arrivant à New York, en 1993, j'ai tout de suite été plongé dans l'harmonie Jazz et j'ai découvert un nouveau monde fascinant et exotique. Une espèce d'évolution naturelle de mes oreilles de musicien.

Où écouter du jazz ? Partout !

Comment découvrir le jazz ? Avec les yeux fermés, un très bon casque et un scotch de dix-huit ans d'âge...

Une anecdote autour du jazz ? Pendant un concert avec un organiste dans un « lounge bar » un peu branché à New York : nous jouions un standard et il fait un chorus incroyable avec des emprunts, des substitutions à tout va, des routes harmoniques hallucinantes... Je me retrouve quasiment en transe à tenter d'analyser ce qu'il est en train de faire ! A la fin du titre je me tourne vers lui et lui dis : « Man, tu as fait un solo de fou, c'était génial, mais c'est quoi le truc ? » Et là, sans sourciller, il me répond : « ah, j'ai joué un autre morceau »...



Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un loup
Si j’étais une fleur, je serais un lotus
Si j’étais un fruit, je serais un ananas
Si j’étais une boisson, je serais un cocktail
Si j’étais un plat, je serais un Surf and Turf (du steak et du homard)
Si j’étais une lettre, je serais Z
Si j’étais un mot, je serais intemporel
Si j’étais un chiffre, je serais 11
Si j’étais une couleur, je serais bleu électrique
Si j’étais une note, je serais un 8 couché


Les bonheurs et regrets musicaux

Pour l’instant ma plus belle réussite musicale est mon dernier album, Versature, et je n’ai pas encore de regret...


Sur l’île déserte…

Quels disques ? Live des frères Brecker et The Köln Concert de Jarrett.

Quels livres ? Native Son de Richard Wright et Lotus Sutra.

Quels films ? Shawshank Redemption et The Green Mile de Franck Darabont, et The Wall d’Alan Parker.

Quelles peintures ? Salvador Dalí, Vincent Van Gogh, Pablo Picasso...


Quels loisirs ? Les arts martiaux, la natation, la callisthénie et le yoga.




Les projets

Dans l’immédiat, j’ai des tournées en Europe et à l’international en soutien au nouvel album, Versature. Sinon, je prépare un prochain disque en trio, avec des invités, chanteurs, soufflants et autres... orienté autour de standards du Great American Songbook.


Trois vœux…

Paix dans le monde
Abondance
Gratitude


16 octobre 2021

Igloo Records fait l'automne...

Igloo Records traverse les crises et les saisons sans mollir ! Depuis le mois de mai 2021 le label bruxellois a sorti quelques pépites, dont voici des exemplaires, plus originaux les uns que les autres : Nathalie Loriers et son trio partent du côté de Marcel Proust (ou de la fin du Covid ?) avec Le temps retrouvé; le joyeux orchestre Flat Earth Society revient à son Boggamasta, avec un troisième opus; Thomas Champagne et son Random House propose Tide; Lorenzo Di Maio en trio, accompagné d’un quatuor à cordes sort Arco; dans Inner Geography, Eve Beuvens joue en solo; quant à Martin Salemi, il publie About Time...


Le temps retrouvé – Nathalie Loriers

A l’occasion du Gaume Jazz Festival 2013 la pianiste
Nathalie Loriers forme un trio avec Tineke Postma aux saxophones et Philippe Aerts à la contrebasse. L’enregistrement du concert, Le Peuple Silencieux, est publié par W.E.R.F. La pianiste retrouve Postma en 2016 et, avec Nicolas Thys à la contrebasse, elles enregistrent We Will Really Meet Again, toujours pour W.E.R.F. Le trio récidive en 2021, avec Le temps retrouvé, édité par Igloo Records.

Neuf titres sont signés Loriers, dont « Le temps retrouvé », dédié à Marc Maréchal - musicien et enseignant, notamment à l’IMEP et à l’Académie de musique d’Eghezée -, et « Shanti », à la mémoire de Rick Bevernage - label W.E.R.F., club éponyme, Jazz!Brugge... - décédé en 2018. Le trio joue également « Round Midnight » de Thelonious Monk.

Loriers propose des mélodies finement ciselées (« Le temps retrouvé »), aux dissonances raffinées, qui rappellent la musique du début vingtième (« Alizés ») et évoquent la musique de chambre (« Rebirth »). Cette impression est renforcée par les contrepoints soignés (« Round Midnight »), les dialogues tranchants (« Jaane Do »), le lyrisme omniprésent (« Zéphirs »), une nostalgie qui frise parfois la tristesse (« Shanti ») et, bien sûr, l’absence de batterie. D’ailleurs, qui dit absence de batterie, ne dit pas absence de rythme... à l’image de l’introduction funky de « Zéphirs », des shuffle entraînants dans « Rebirth », de la walking de « Rafales » ou des passages syncopés (« Jaane Do », « Le temps retrouvé »). Postma joue le jeu de l’intimité et navigue d’un free contrôlé à la Steve Lacy (« Le temps retrouvé »), à un neo-bop moderne, un peu dans la lignée d’Art Pepper (« Round Midnight »). Ce qui ne l’empêche pas de monter dans les tours (« Rebirth »). Loriers joue tout en finesse (« Rebirth ») et ses développement mélodiques, teintés de mélancolie (« After »), font parfois penser à Mal Waldron (« Le temps retrouvé »). Quant à Thys, il passe de motifs minimalistes (« Round Midnight ») et sobres (« Rebirth ») à une ligne enlevée et mélodieuse (« Zéphirs »). La musique circule toujours avec fluidité entre les trois musiciens (« Jaane Do ») et leur connivence est palpable (« Rebirth »).

Dans Le temps retrouvé, Loriers, Postma et Thys se comprennent à merveille et leurs dialogues coulent de source... Une musique intelligente !

Le disque

Le temps retrouvé
Nathalie Loriers
Tineke Postma (sax), Nathalie Loriers (p) et Nic Thys (b)
Igloo Records – IGL325
Sortie le 7 mai 2021

Liste des morceaux

01. « Le temps retrouvé » (5:32).
02. « Zéphirs » (7:19).
03. « Round Midnight », Thelonious Monk (8:11).
04. « Rebirth » (5:29).
05. « After » (5:14).
06. « Shanti » (2:12).
07. « Alizés » (6:52).
08. « Jaane Do » (7:52).
09. « Rafales » (5:01).
10. « Shanti » (3:03).

Tous les morceaux sont signés Loriers sauf indication contraire.


Boggamasta III – Flat Earth Society

Peter Vermeersch
monte l’orchestre Flat Earth Society à la fin des années quatre-vingt dix. Dès le départ cet ensemble à géométrie variable affiche son désir de partir dans toutes les directions musicales, car comme le déclarait Vermeersch : « j’ai l'impression de faire un peu n'importe quoi et suis certain qu'on trouvera toujours une ligne artistique après ! Mais ça ne m'occupe pas... C'est bien de se lâcher et de recommencer continuellement ! J'aime la vie au jour le jour... ».

FES, comme l’appellent les intimes, a déjà sorti près d’une vingtaine d’albums et Boggamasta III est la... troisième saison d’une série entamée en 2017. Aux côtés de Vermeersch à la clarinette basse et aux effets électro, un invité quasi-permanent de FES, le guitariste David Bovée, et les membres de l’orchestre : Benjamin Boutreur au saxophone alto, Michel Mast et Martí Melià au saxophone ténor, Bruno Vansina au saxophone baryton et à la flûte, Bart Maris et Pauline Leblond à la trompette, Peter Delannoye et Marc Meeuwissen au trombone, Berlinde Deman au tuba, Peter Vandenberghe aux claviers, Mirko Banovic à la basse, Kristof Roseeuw à la contrebasse, Wim Segers aux percussions et Teun Verbruggen à la batterie. A noter que la plupart des musiciens donnent également de la voix...

Au programme, quatre morceaux de Vermeersch, trois de Bovée, deux co-signés et « Trust In Me », que les frères Robert et Richard Sherman ont composé pour Le livre de la jungle, le film de Walt Disney sorti en 1967. Quant à Boggamasta, ce serait « le personnage principal de l’album, [le] power addict et mégalomane »... Si c’est du lingala, son nom pourrait se traduire par le pôte (masta) de Bogga (village du nord est de la RDC, proche de l’Ouganda)... Voilà pour les annecdotes !

Une rythmique puissante, un choeur aérien, un chant parlé sur les contre-chants des souflants ou des voix : « Dust From The Stars » tient de l’opéra rock roccoco. Avec des voix enfantines et des chuchottements, un tempo en suspension, des chorus et des lignes croisées aux allures de fanfare, « Trust In Me » frise la parodie. Même ambiance décalée pour « Cryptoman », entre les pompes du piano, la batterie énergique, les riffs tonitruants, les solos débridés, une voix lointaine et un chant à l’unisson punk ou rock... L’ombre de Franck Zappa planne au-dessus de « Sit Rise » : section ryhtmique rock, chant-parlé dans le style du moustachu, arrangements qui mêlent effets et envolées volubiles aux sonorités jazzy. « What » se déroule en plusieurs tableaux : d’abord une danse macabre avec un timbre d’orgue de barbarie, un martèlement lent, des ostinatos de claviers et un air lugubre étiré, mais toujours pimenté d’un humour décapant ; le développement part ensuite dans tous les sens avec un chant faussement pop, un choeur tout en modulations, une voix nasillarde bouffone, des saxophones réverbérés ou effrénés, des claviers déjantés, une batterie et une basse qui grondent... Et un final grandiloquent. Avec le vocoder, la rythmique funky sourde, la guitare rock en arrière-plan, les jeux de voix, les éffets électro et les motits fracassants des vents, « Carbon Based » est résolument « barock » ! « Bury The Corn » s’envole dans un délire rock progressif : chant excentrique, guitare wawa et saturée, choeurs de shouters, chorus costauds - saxophone, trompette, trombone... -, rythmique vigoureuse et régulière... Retour au rock progressif clownesque pour « Moog For You », avec un jeu de voix expressionnistes parsemé d’effets électro, toujours soutenu par une batterie et une basse robustes et des soufflants à l’affût. Une guitare bleusy, portée par un orchestre au diapason, introduit « Breathe In The Colour Pink ». L’orchestre prend ensuite un chemin de fanfare funk, légèrement vintage... « Slave Driver » conclut l’album dans une ambiance funky solide ! Les chuchottements et les voix à l’unisson s’ébrouent dans une atmosphère dansante, ponctuée de foisonnements musicaux aux contours kitsch.

Boggamasta III poursuit la route empreintée par les opus précédents : un jazz fusion dada déjanté !

Le disque

Boggamasta III
Flat Earth Society
Peter Vermeersch (bcl, voc, electro), Benjamin Boutreur (as), Michel Mast (ts), Martí Melià (ts), Bruno Vansina (bs, fl), Bart Maris (tp), Pauline Leblond (tp, voc), Peter Delannoye (tb), Marc Meeuwissen (tb), Berlinde Deman (tu, voc), David Bovée (g, voc, electro), Peter Vandenberghe (p, kbd), Mirko Banovic (b), Kristof Roseeuw (b), Wim Segers (perc, voc) et Teun Verbruggen (d).
Igloo Records – IGL327
Sortie le 18 juin 2021

Liste des morceaux

01. « Dust From The Stars », Bovée (3:38).
02. « Trust In Me », Robert & Richard Sherman (5:28).
03. « Cryptoman », Vermeersch (6:14).
04. « Sit Rise », Bovée (3:26).
05. « What », Vermeersch (12:46).
06. « Carbon Based », Bovée (7:39).
07. « Bury The Corn », Vermeersch (9:43).
08. « Moog For You », Vermeersch (5:17).
09. « Breathe In The Colour Pink », Bovée & Vermeersch (6:03).
10. « Slave Driver », Bovée & Vermeersch (6:29).


Tide - Thomas Champagne Random House

Au début des années 2000 Thomas Champagne s’est d’abord fait connaître avec son trio en compagnie de Nicholas Yates (contrebasse) et Didier Van Uytvanck (batterie). Parallèlement à de multiples projets - The Sidewinders, UTZ, Al Manara, Kind of Blue Tribute... - le saxophoniste crée le Thomas Champagne Random House en 2014, avec le guitariste Guillaume Vierset, le contrebassiste Ruben Lamon et le batteur Alain Deval. En 2017, le quartet enregistre Sweet Day pour Igloo Records.

Pour Tide, qui sort en juin 2021, Champagne invite le trompettiste new-yorkais Adam O’Farrill. Vierset et O’Farrill apportent chacun deux compositions et Champagne signe les quatre autres.

Des thèmes dansants (« Bad Date ») et plaisants (« Breath Breath ») donnent cours à des développements plutôt vifs (« Looking Forward ») qui permettent au saxophone et à la trompette de croiser leurs notes (« Gentle Breeze »). Les contre-chants de Champagne et O’Farrill égaient les morceaux plus lents (« Tide »). Lamon et Deval forment une section rythmique puissante (« Bad Date »), régulière (« Tide ») et volontiers rock (« Looking Forward »). Vierset plante des décors aériens (« Bad Date »), déroule des lignes d’accords relax (« Tide »), mêle des ostinatos sourds aux frappes de la batterie (« Looking Forward ») et joue également dans un style rock (« Breath Breath »). O’Farrill passe d’une envolée virtuose (« Bad Date ») à des motifs étirés à la trompette bouchée (« Tide »), et répond toujours avec a propos aux discours du saxophone (« Muse »). Le style de Champagne se situe dans la lignée d’un bop incisif (« Bad Date »), doté d’une bonne dose de lyrisme (« Looking Forward ») et d’un sens de la construction affûté (« Gentle Breeze »).

Ramdom House inscrit Tide dans une lignée néo-bop marquée par le rock et le fait de fort belle manière !

Le disque

Tide
Thomas Champagne Random House
Thomas Champagne (as), Adam O’Farrill (tp), Guillaume Vierset (g), Ruben Lamon (b) et Alain Deval (d).
Igloo Records - IGL317
Sortie le 18 juin 2021

Liste des morceaux

01. « Bad Date », O’Farrill (6:59).
02. « Breath Breath », Vierset (6:14).
03. « Tide », O’Farrill (3:07).
04. « Interlude 1 », Champagne (1:46).
05. « Muse », Champagne (4:57).
06. « Looking Forward », Vierset (6:59).
07. « Interlude 2 », Champagne (3:01).
08. « Gentle Breeze », Champagne (4:32).


Arco - Lorenzo Di Maio

Sal La Rocca
, Fabrice Alleman, Chrystel Wautier, Greg Houben, Antoine Pierre, Jean-Paul Estiévenart... Autant dire que Lorenzo Di Maio est l’un des guitaristes les plus recherchés outre-Quiévrain ! Il a pourtant attendu 2016 avant de publier son premier disque, Black Rainbow, en quintet, chez Igloo Records.

Pour son deuxième opus, Arco, Di Maio s’appuie sur Pierre à la batterie et Sam Gerstmans à la contrebasse. Le trio jazz dialogue avec le quatuor à cordes Ultra Foniiki Orchestra (UFO), composé de Maritsa Ney et Martin Lauwers au violon, Marie Ghitta à l’alto et Marine Horbaczewski au violoncelle. Au répertoire, huit compositions du leader et « Line-up » de Lennie Tristano.

Le départ en canon du quatuor et les nappes de cordes en arrière-plan pendant que le trio jazz déroule « Elia » placent d’emblée Arco dans le cross over. La souplesse de la contrebasse, la vivacité subtile de la batterie et le discours mélodieux de la guitare fusionnent avec le quatuor grâce aux arrangements adroits de Fabian Fiorini, à l’image de l’emballement final d’« Elia » ou de la conclusion de « Look For The Best ». Comme souvent dans les combinaisons jazz - classique, les parties se succèdent (« Mela ») et, quand elles se superposent, les cordes assurent le décor pour mettre en valeur la partie jazz (« No More Samba », « Look For The Best »). Les cordes servent aussi à renforcer les ambiances plus sombres (« The End and The Beginning », « Blues Stream »). Avec ou sans cordes, Di Maio, Gerstmans et Pierre confirment leur savoir-faire, aussi bien dans une veine entraînante (« Mela », « Zara et Carlos »), voire néo-bop (« Line-up ») ou à tendance rock (« Look For The Best »), que dans des balades bien senties (« 3 février »), un blues profond (« Blue Stream »)... ou lors de leurs chorus : la contrebasse dans « The End and The Beginning », la guitare dans « Blues Stream », la batterie dans « Zara et Carlos ». Le jeu du trio repose sur la précision et la limpidité de Di Maio (« The End and The Beginning »), le gros son et la carrure solide de Gerstmans (« 3 février ») et le dynamisme et la musicalité de Pierre (« Bleu Stream »). Force est de constater que la plupart du temps, la présence du trio jazz éclipse quelque peu le rôle du quatuor (« Looking For The Best »).

Avec Arco, Di Maio, Gerstmans & Pierre démontrent qu’ils forment un trio jazz des plus convaincants.

Le Disque

Arco
Lorenzo Di Maio
Lorenzo Di Maio (g), Sam Gerstmans (b) et Antoine Pierre (d, électro), avec Maritsa Ney (v), Martin Lauwers (v), Marie Ghitta (va) et Marine Horbaczewski (cello).
Igloo Records - IGL323
Sortie le 27 août 2021

Liste des morceaux

01. « Elia » (8:35).
02. « No More Samba » (3:53).
03. « Mela » (4:57).
04. « 3 février » (3:40).
05. « The End And The Beginning » (9:05).
06. « Line-up », Lennie Tristano (1:12).
07. « Blue Stream » (6:16).
08. « Looking For The Beast » (8:06).
09. « Zara et Carlos » (4:32).

Tous les morceaux sont signés Di Maio.


Inner Geography - Eve Beuvens

Eve Beuvens
s’est fait un nom avec son quartet (Noordzee - 2009), son septet (Heptatomic - 2015) et son association avec le saxophoniste Mikael Godée (MEQ - 2013 - et Looking Forward - 2019). Inner Geography, qui sort en septembre 2021 chez Igloo records, est son premier disque en solo.

La pianiste propose six thèmes de son cru, plus « Jolene », de l’icône de la country, Dolly Rebecca Parton, et le tube « Caravan » de Juan Tizol, Duke Ellington et Irving Mills.

Beuvens soigne la construction de chaque pièce en alternant habilement phrasés classiques et jazz (« Snow, Wind and Wings »). Les mélodies impressionnistes (« Your Own Title to This Song »... Pourquoi pas « Notes d’automne » ?), les lignes arpégées (« Auditorium de Tenerife »), les successions de vagues (« Super Nina’s »), la délicatesse des phrases (« Phagocytes »)... révèlent l’influence de Claude Debussy. Mais Beuvens ajoute des accords puissants (« Caravan »), des zestes de swing (« Auditorium de Tenerife »), des modulations (« Phagocyte »), des ruptures (« Snow, Wind and Wings ») et des développements que ne renierait pas Lennie Tristano (« Rain Drops Moving On A Window »).

L’exercice du solo n’est pas une sinécure et Beuvens s’en sort avec beaucoup de classe : Inner Geography part à l’aventure d’un jazz de chambre moderne et spirituel.

Le disque

Inner Geography
Eve Beuvens
Eve Beuvens (p)
Igloo records - IGL324
Sortie le 17 septembre 2021

Liste des morceaux

01. « Phagocyte » (4:57).
02. « Super Nina's » (3:37).
03. « Jolene », Dolly Rebecca Parton (4:43).
04. « Rain Drops Moving On A Window » (5:56).
05. « Snow, Wind And Wings » (5:48).
06. « Your Own Title To This Song » (2:55).
07. « Auditorium De Tenerife » (5:57).
08. « Caravan » Juan Tizol, Duke Ellington & Irving Mills (3:52).

Tous les morceaux sont signés Beuvens sauf indication contraire.


About Time - Martin Salemi

Diplômé du Koninklijk Conservatorium van Brussel en 2013, Martin Salemi enchaîne les projets, parmi lesquels Salemi/Cabras/Sicx, Otto Kintet, OPMOC... et son trio avec Boris Schmidt à la contrebasse et Daniel Jonkers à la batterie.

Après Short Stories, sorti en 2017 chez Igloo Records, Salemi et ses comparses publient About Time, en octobre 2021. Le pianiste est l’auteur des sept morceaux. Comme pour le premier opus, la belle vignette de bande-dessinée qui illustre la pochette du disque est confiée au dessinateur, graveur, musicien et père du leader, Jean-Claude Salemi.

Dans « Remembered » la batterie imprime une pulsation douce, la contrebasse trace des contrepoints élégants et le piano déroule des phrases mélodieuses. « Doubt » est porté par des frappes mates et lointaines, des motifs en shuffle entraînants et un exposé inventif, toujours empreint de délicatesse. Un peu dans le même esprit, « One Fine Day » swingue généreusement. Le trio s’appuie sur une sonorité acoustique chaleureuse : boisée pour la contrebasse, franche pour la batterie et claire pour le piano. Les contre-chants subtils du piano et de la contrebasse, puis le développement enjoué de « Lamento » sont soulignés par une batterie énergique, sans jamais être étouffante. Une pédale, une ligne minimaliste et un drumming solennel accompagnent la composition mélancolique « Late April ». Un ostinato de Salemi, des roulements de Schmidt et un crépitement de Jonkers lancent « Still Water », morceau débridé, mais sous contrôle. La fluidité de « Most of The Time » évoque d’abord un thème de film, avant de décoller tranquillement, soutenus par la pulsation solide du duo contrebasse - batterie. Salemi, Schmidt et Jonkers jouent avec des mains de fer dans des gants de velours !

About Time plonge l’auditeur dans un univers intime, ballotté entre tension et détente.

Le disque

About Time
Martin Salemi
Martin Salemi (p), Boris Schmidt (b) et Daniel Jonkers (d)
Igloo Records – IGL331
Sortie le 1er octobre 2021

Liste des morceaux

01. « Remembered » (6:03).
02. « Doubt » (4:32).
03. « One Fine Day » (4:45).
04. « Lamento » (4:51).
05. « Late April » (6:14).
06. « Still Water » (6:27).
07. « Most of The Time » (4:01).

Tous les morceaux sont signés Salemi.