30 janvier 2023

Kami Octet au Pan Piper

En 2004, Pascal Charrier monte le Kami Quintet au sein de la compagnie Naï No. Les forces du mouvement, son premier opus, sort en 2008, suivi de Colors en 2014. Au gré des rencontres, le quintet devient un octet, constitué d’Emilie Lesbros à la voix, Yann Lecollaire aux clarinettes, Julien Soro au saxophone alto, Simon Girard au trombone, Paul Wacrenier au piano Leïla Soldevila à la contrebasse et Nicolas Pointard à la batterie.

Après Spring Party, publié en 2017, sur le label Naï No Records, le Kami Octet présente Workers – Une musique populaire, le 6 janvier au Pan Piper. Les spectateurs sont au rendez-vous, tout comme la presse : le journaliste de Jazz Magazine Jean-François Mondot et la peintre Annie-Claire Alvoët, mais aussi Arnaud Merlin, pour le compte de France Musique. Quant à Yves Rousseau et Christophe Monniot, ils sont également venus écouter la nouvelle garde…

Charrier dédie son concert et son disque à tous les travailleurs et « rend hommage à toutes les personnes qui, aujourd’hui comme hier, se dressent et se sont dressées face aux prédateurs capitalistes, dont la voracité sans limite menace la pérennité de toute vie sur cette planète ». Les sept morceaux sont signés Charrier et la chanson « Strike » est de la plume de Lesbros.

Kami Octet © PLM

Thématique oblige, les ambiances solennelles (« L’espoir »), empreintes de mélancolie (« La mémoire des vaincus », un hommage à Michel Ragon), de mystères (« The Child ») ou de tristesse (la mélodie de « Printemps »), côtoient des passages bruitistes (« Strike ») faits de notes tenues, chuintements, ostinatos, claquements, trilles, glissandos… (« Printemps »), mais aussi des atmosphères foisonnantes de fanfare, énergiques, puissantes et dansantes (« Le bal du dimanche »). D’ailleurs, la rythmique – élément central de Workers – passe de lignes heurtées (« Le bal du dimanche ») à des phrases torturées (« The Child ») ou des accélérations vigoureuses (« Strike »). La voix – essentiellement utilisée comme un instrument à vent ou à cordes (« La mémoire des vaincus ») – et les soufflants alternent unissons (« The Child »), chœurs (« Printemps ») et contrepoints (« Strike »). Les chorus sont relevés : spirales du saxophone alto dans « Printemps », trombone véloce et débridé dans « Le bal du dimanche », clarinette basse en mode berceuse contemporaine (« The Child »), batterie déchaînée (« Le bal du dimanche »)… Les duos sont épicés, à l’instar de la contrebasse, mobile, ronde et boisée, qui dialogue avec la voix, puissante et mobile (« Le bal du dimanche »), mais aussi le slam ou le piano avec la clarinette (« Strike »).

La bande son de « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » par le Kami Octet :  providentiel par les temps qui courent...


Le disque

Workers – Une musique populaire
Kami Octet
Emilie Lesbros (voc), Pascal Charrier (g), Yann Lecollaire (cl, bcl), Julien Soro (as), Simon Girard (tb), Paul Wacrenier (p), Leïla Soldevila (b) et Nicolas Pointard (d).
Naï Nô Records – NN2022CD
Sortie en novembre 2022

Liste des morceaux

01. « Le Bal Du Dimanche » (11:46).
02. « The Child » (7:26).
03. « Printemps » (4:35).
04. « Strike », Charrier & Lesbros (14:04).
05. « La Memoire Des Vaincus » (07:57).
06. « L'Espoir » (4:24).

Toutes les compositions sont signées Charrier, sauf indication contraire.


28 janvier 2023

Jim Funnell’s Word Out au Barbizon

Après son passage au Berklee College of Music, Jim Funnell anime Afuriko, un duo aux racines africaines, formé avec la percussionniste Akiko Horii, et Word Out, un groupe à géométrie variable. Pour le premier set du concert du 5 janvier 2023, Funnell présente Word Out en trio, avec Chris Jennings à la contrebasse et Jeff Boudreaux à la batterie.

Jim Funnell (c) PLM

Word Out se produit au Barbizon, en plein milieu du treizième arrondissement de Paris. Le Barbizon a d’abord été un cinéma, qui a ouvert ses portes en 1911, rue de Tolbiac. Mais le cinéma a dû cesser ses activités en 2006, avant d’être démoli en 2011. A sa place, ont été construits un immeuble d’habitations et une salle d’événements. C’est en 2022 que le Barbizon devient un club, avec une programmation éclectique – jazz, blues, funk, rock, world… – autour d’un restaurant et d’un bar.

Chris Jennings (c) PLM

Les six morceaux sont signés Funnell. Bill Evans est clairement revendiqué (« Echoes of Cyan », basé sur « Blue in Green ») ou présent en filigrane dans des compositions impressionnistes (« Full Circles », « Pioneer of the New Dream »). La mélodie heurtée de « Crop Circle Crackle » évoque plutôt Thelonious Monk. Quant à « Greenpoint Graffiti », il se développe à partir d’un thème-riff. Dans tous les cas, Funnell fait preuve d’une belle créativité mélodique. La structure des morceaux reste le plus souvent dans une veine bop : thème – solos – thème. La pulsation, solide (« Greenpoint Graffiti ») et entraînante (« Full Circles »), s’appuie sur les lignes puissantes de la contrebasse et l’énergie foisonnante de la batterie, voire, parfois, sur une walking et un chabada (« Crop Circle Crackle ») solides.

Jeff Boudreaux (c) PLM

De son passé new Orléanais, Boudreaux a gardé un sens de la fanfare : des frappes mates et sèches (« Full Circle »), avec des accents funky dans un esprit hard-bop (« Crop Circle Crackle »), qui font des merveilles dans les stop-chorus (« Greenpoint Graffiti »). Ce qui ne l’empêche pas de se montrer calme et chantant quand il faut (« Echoes of Cyan »). Une sonorité limpide et boisée (« Full Circle »), une musicalité intense (« Echoes of Cyan») et une écoute attentive (« Greenpoint Graffiti ») : Jennings fait partie des contrebassistes qui privilégient les interactions plutôt que le maintien inamovible de la carrure. Funnell, pour sa part, navigue entre phrasé be-bop (« Crop Circle Crackle »), jeu rythmique (« Greenpoint Graffiti ») et lignes mélodieuses (« Pioneer of the New Dream »), avec moult variations (« Nicaea (Holy, Holy, Holy) » en solo a capella) et, toujours, un swing robuste («  Full Circle »). 

Jim Funnell’s Word Out mixe tradition et modernité dans un néo-bop mélodieux et enjoué.