30 juin 2017

Horizons au Café de la danse

David Enhco présente Horizons le 31 mai au Café de la Danse. La salle est pleine pour accueillir le troisième disque du quartet, après La horde (2013) et Layers (2014), toujours édité chez Nome, label cofondé par Enhco. Le concert est enregistré pour Jazzlive, l’émission de Jean-Charles Doukhan.

A côté de son duo avec son frère Thomas, de son trio avec sa mère, Caroline Casadesus, et son frère, et de The Amazing Keystone Big Band, Enhco a également formé un quartet en compagnie de Roberto Negro au piano, Florent Nisse à la contrebasse et Gautier Garrigue à la batterie.


Horizons a été enregistré à La Buissonne. Au répertoire, six morceaux composés par Negro ou Enhco, deux morceaux par Nisse, un par Garrigue et deux improvisations collectives. Le concert reprend les morceaux du disque dans le désordre, avec, parfois, un interlude improvisé pour les enchaîner.

Sur « From The Horizon », une section rythmique mélodramatique accueille les envolées virtuoses et lyriques de la trompette. Le fantastique saut en parachute (39 376 mètres) de Felix Baumgartner, le 14 octobre 2012 (battu deux ans plus tard, en toute discrétion, par Alan Eustace, un dirigeant de Google de cinquante-sept ans…), est évoqué dans « Felix B », morceau élégant et mélodieux, sans facilité. Sous les doigts de Negro, la musique contemporaine fait des incursions dans « Silver Lining », portée par une contrebasse et une batterie subtiles, et un solo a capella raffiné de la trompette. Ambiance néo bop pour « L’inconnu et le couple d’amoureux » : ’running bass’ et chabada véloces accompagnent des échanges énergiques entre le piano et la trompette. « Interspiratio » penche davantage vers un minimalisme – la ligne de basse et les cymbales de la batterie – aux contours impressionnistes par les dialogues entre le piano et la trompette. Une rythmique souple met en relief « Sentinelle », d’abord exposé par le piano avec tact, puis développé collectivement à grand renfort de contrepoints et d’interactions, tout en gardant un swing vigoureux. Après une improvisation qui fusionne musique contemporaine et jazz, le quartet attaque « Likasi ». Enhco explique que Negro voulait intituler son morceau « Petit Panda », mais que Wikipedia lui a révélé que Panda est un quartier de Likasi, ville du Katanga, au Zaïre (n’en déplaise à ceux qui préfèrent RDC) : une mélodie délicate soulignée par les bruissements de la batterie, l’unisson velouté de la contrebasse et la trompette dans une veine sombre. Suit une mélodie mélancolique énoncée à l’unisson par Enhco et Garrigue, « Questions Come Next », déroulée ensuite avec des contre-chants, puis un emballement rythmique qui débouche sur un fourmillement mélodique tendu. En bis, le quartet joue « L’éclat disparu », tout en douceur et mélancolie.


Le David Enhco Quartet s’inscrit dans une lignée néo bop moderne, libérée de tous stéréotypes, et Horizons reflète parfaitement la connivence d’un groupe qui se connait sur le bout des doigts.


Le disque

Horizons
David Enhco
David Enhco (tp), Roberto Negro (p), Florent Nisse (b) et Gautier Garrigue (d).
Nome – Nome 008
Sortie le 31 mai 2017




Liste des morceaux

01.  « Sentinelle », Enhco (2:26).
02.  « Felix B. », Negro (3:51).
03.  « L’éclat disparu », Garrigue (4:21).
04.  « L’inconnu et le couple d’amoureux », Negro (2:20).
05.  « From The Horizon », Enhco (4:26).
06.  « Interlude I », collectif (1:48).
07.  « Interspiratio », Nisse (5:16).
08.  « Interlude II », collectif (1:30).
09.  « Likasi », Negro (5:09).
10.  « Silver Lining », Enhco (3:11).
11.  « Questions Come Next », Nisse (10:22).

24 juin 2017

L’atelier du plateau à l’heure de Polichinelle

Mardi 30 mai à vingt heures, Pulcinella envahit L’atelier du plateau pour présenter son nouveau disque : ¾ d’once. Ce cinquième opus, après Clou d’estrade (Yolk – 2007), Panthers’ Play (BMC – 2009), Travesti (Yellow Bird – 2011) et L’empereur (Les Productions du Vendredi – 2016), sort sur le label hongrois BMC le 26 mai.



Créé en 2004 à Toulouse, Pulcinella est un quartet avec Ferdinand Doumerc au saxophone alto ou ténor et à la flûte, Florian Demonsant à l’accordéon, Jean-Marc Serpin à la contrebasse et Pierre Pollet à la batterie. Doumerc signe sept des huit morceaux de ¾ d’once et c’est Demonsant qui composé le potache « TPDC ». Pulcinella a également demandé à Sylvain Rifflet de participer aux arrangements. Quant au disque, il a été enregistré dans le BMC’s Concert Hall, à Budapest.

Le concert reprend dans le désordre sept thèmes de ¾ d’once, plus une composition récente, « La sieste », et, en bis, « La tarentelle de Pulcinella », clin d’œil à la tarentelle du ballet Pulcinella, composé par Igor Stravinsky en 1919. C’est le directeur des lieux, Matthieu Malgrange, qui introduit le concert en rappelant qu’il y a douze ans, L’atelier du plateau n’avait pas voulu faire jouer Pulcinella… mais que les choses ont bien changé !  Pendant la descente de la mezzanine par l‘escalier escarpé et sans rambarde, les musiciens s’amusent à se coller le mur comme s’ils avaient le vertige… En réponse à Malgrange, Demonsant annonce que cela fait douze ans que Pulcinella se prépare pour ce concert ! Le ton de la soirée est donné : humour et bonne humeur sont de rigueur. Et peu avant la fin du set, le quartet fait même circuler un livre d’or dans le public…

Pulcinella démarre avec « La fille de l’ombre », morceau rythmique et minimaliste dans lequel chaque musicien intercale ses notes entre celles des autres. Après les legato de l’archet et de l’accordéon sur les sonnailles de la batterie, Demonsant joue un riff entraînant, soutenu par les shuffle puissants de Serpin et Pollet, pendant que Doumerc développe « Elle aimait l’été » dans un esprit festif. La structure de la plupart des morceaux s’appuie sur des changements de climat intempestifs : la tournerie de « TPDC » navigue d’abord entre moyen-âge et folklore, d’autant plus quand la flûte rejoint l’accordéon, la batterie et la contrebasse installent ensuite un rythme mi fandango, mi Europe centrale, avant de terminer par un unisson binaire. Même constatation avec « Les paris sont ouverts » qui rebondit de roulements furieux en bruitages colorés, d’un solo de « timbales » majestueux à un passage de french cancan bouffon, de cliquetis serrés à un rock endiablé… Sur un discours fluide et sinueux parsemé de touches bluesy, Doumerc laisse son saxophone faire « La sieste », mais là encore, Pulcinella ne résiste pas à interrompre le discours solennel du saxophone pour s’engager dans une course-poursuite aux accents funky, à laquelle ils mettent fin avec une ronde nostalgique, exposée par l’accordéon. « Melchizedec », une bonbonne de trente litre, comme le rappelle Doumerc, est une danse saccadée ponctuée par les tic-tacs astucieux de Pollet. Les boucles aigües et les grincements de « Mélatonine », dans un style musique répétitive, la comptine jouée par la flûte et le carillon, le slow binaire… tout évoque l’hormone du sommeil, même si le final flirte plutôt avec le rock progressif. « ¾ d’once » décrit les vingt-et-un grammes d’âme qui se libèrent lorsqu’une personne meure… enfin, selon la théorie que Duncan MacDougall a énoncée en 1907 ! Normal donc que le morceau tremble, soit grave et mystérieux… Pour terminer le concert, le quartet joue la « Tarentelle de Pulcinella », un morceau vif et entraînant, qui juxtapose de multiples tableaux, aussi divers qu’une tarentelle, des contrepoints virtuoses, une valse, du free…  


Pulcinella mérite son nom à plus d’un titre : le quartet joue sérieusement sans se prendre au sérieux, manie l’humour musical avec dextérité, construit une musique substantielle à partir de danses légères et chacun de ses morceaux raconte une histoire... La musique de Pulcinella foisonne tellement, que ¾ d’once peut s’écouter à satiété.



Le disque


¾ d’once
Pulcinella
Ferdinand Doumerc (ts, fl), Florian Demonsant (acc), Jean-Marc Serpin (b) et Pierre Pollet (d).
BMC – CD 248
Sortie le 26 mai 2017






Liste des morceaux

01.  « TPDC », Demonsant (5:15).
02.  « Elle aimait l’été » (8:49).
03.  « Melchizedec » (6:13).
04.  « ¾ d’once » (6:24).
05.  «  Devant ta porte » (5:37).
06.  « Les paris sont ouverts » (7:07).
07.  « Mélatonine » (5:36).
08.  « La fille de l’ombre » (3:51).


Toutes les compositions sont signées Doumerc, sauf indication contraire.

18 juin 2017

Vibrations et mélancolie au Sunset…

Le 26 mai 2017, le trompettiste Yoann Loustalot se produit au Sunset pour présenter Atrabile, nouveau disque du trio Aérophone qui sort chez Bruit Chic.

Depuis Primavera (Elabeth – 2007), Loustalot a sorti sept albums avec ses différents groupes : YO5 (Petit Label – 2008) et Derniers Reflets (FSNT – 2012) en quartet, Aérophone (FSNT – 2009), Flyn’With (Bruit Chic – 2013) et Atrabile (Bruit Chic – 2017) avec le trio Aérophone, Lucky Dog (FSNT – 2014) avec le quartet éponyme, et Pièces en forme de flocons (Bruit Chic – 2015) en trio.

Aérophone, c’est Blaise Chevallier à la contrebasse et Frédéric Pasqua à la batterie. Pour le projet Atrabile (« bile noire à laquelle on attribuait autrefois la mélancolie »…), le trio invite le tromboniste Glenn Ferris. Le concert reprend des titres du disque, tous signés Loustalot, à l’exception de deux morceaux entièrement improvisés (« Aspiration » et « Inspiration »).

Le Sunset est quasiment plein. Après quelques réglages de micro sur le trombone de Ferris, le quartet part dans une improvisation collective et développe une ambiance mystérieuse sur fonds d’arco. Cette atmosphère majestueuse, un brin mélancolique, se retrouve dans « Atrabile », « Ancient Empire » et « Doloroso » : la batterie se fait emphatique et la contrebasse devient minimaliste, tandis que le trombone et la trompette (ou le bugle) croisent leurs phrases dans d’élégants contrepoints, mis en relief par leur sonorité ronde et velouté. Sur disque, les deux improvisations, « Aspiration » et « Inspiration », flirtent avec un free expressionniste qui s’appuie sur des effets de souffles, de voix, de sourdine… Avec leurs dissonances mélodieuses et leurs rythmiques touffues, La première partie de « Spongious » et la
« Spontaneous Suite » penchent davantage du côté d’Ornette Coleman. Pourtant c’est « Sornette » qui est un hommage à Coleman. Mais ce morceau, composé le 11 juin 2015, jour de la disparition du saxophoniste, comme « Moustal » et « Pousse-pousse », s’inscrit plutôt dans une lignée hard-bop : thème énoncé à l’unisson sur une rythmique à base de walking et de chabada, souvent ultra-rapides, stop-chorus, solos véloces... Pasqua joue compact et entretient le feu du swing ! La sonorité grave et puissante, les lignes dynamiques  et le jeu rythmique de Chevallier se marient parfaitement avec la batterie. Le lyrisme au parfum bluesy de Ferris et sa finesse mélodique vont comme un gant à la musique d’Aérophone. Agile et chantant, Loustalot navigue dans les eaux d’un néo bop marqué par la sensibilité de la musique classique française du début XXe.

Avec Atrabile, Loustalot poursuit opiniâtrement son chemin, fait de mélodies souvent nostalgiques, de rythmes énergiques à tendance bop, de dissonances subtiles et de sonorités franches.

Le disque

Atrabile
Aérophone
Yoann Loustalot (tp bg), Blaise Chevallier (b) et Frédéric Pasqua (d), avec Glenn Ferris (tb)
Bruit Chic – BC0082674
Sortie en mai 2017




Liste des morceaux

01. « Atrabile » (3:51).
02. « Spongious » (6:23).
03. « Moustal » (7:13).
04. « Sornette » (1:50).
05. « Ancient Empire » (5:05).
06. « Pousse-pousse » (4:39).
07. « Aspiration », collectif (3:38).
08. « Doloroso » (6:17).
09. « Spontaneous Suite » (7:38).
10. « Inspiration », collectif (3:28).

10 juin 2017

A la découverte de Dominique Fonfrède…

Comédienne et musicienne, Dominique Fonfrède s’est illustrée dans le trio Pied de Poule et s’implique dans tout projet qui repousse les limites du conventionnel. En compagnie de la pianiste Françoise Toullec, elle vient de sortir Dramaticules : une belle occasion de partir à sa découverte…


La musique

J’ai découvert le jazz quand j’étais enfant : ma grande sœur avait des disques de Django Reinhardt, Ray Charles... Plus tard, comme comédienne, je me suis intéressée au théâtre musical, qui m’a permis de rencontrer plein de musiciens de jazz. Cela dit, j’ai toujours chanté et imité les sons que j’entendais.

En 1981 nous avons monté le trio Pied de Poule, avec Michèle Buirette à l’accordéon et Geneviève Cabannes à la contrebasse. C’est alors que je me suis plongée dans l’écriture musicale, l’improvisation, l’écriture de textes, l’utilisation de la voix d’une manière un peu expérimentale… Nous avons pas mal tourné et enregistré pendant douze ans.

Par la suite j’ai fait plein de rencontres et collaboré avec de nombreux musiciens : Annick Nozati, Bernard Vitet, Anne Ballester, François Tusques, Jean-Jacques Birgé, Carlos Zingaro, Jean-Fançois Vrod, Jean Bolcato, Alex Grillo, Mimi Lorenzini, Carol Robinson, Gérard Siracusa, François Cotinaud, Didier Petit...

Mais mes deux influences principales restent Georges Aperghis et Nozati.



Deux clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Le jazz permet que tous les instruments soient permis, tous les rythmes, les mélanges d’influences, les densités, les lieux d’écoute, les publics… Le jazz parle à la tête et au corps !

Comment découvrir le jazz ? Il faut être curieux et prêt à le trouver là où on ne l’attend pas forcément…


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un doryphore parce que j’aime les pommes de terre, les tomates et les aubergines,
Si j’étais une fleur, je serais une tulipe,
Si j’étais un fruit, je serais un citron,
Si j’étais une boisson, je serais une Suze,
Si j’étais une lettre, je serais Ç,
Si j’étais un mot, je serais tube,
Si j’étais un chiffre, je serais 367… Je trouve ça beau à regarder !
Si j’étais une couleur, je serais rouge,
Si j’étais une note, je serais mi bémol,


Les bonheurs et regrets musicaux

La plupart des projets que j’ai réalisés sont des créations. Je les revendique et j’en suis fière ! Il y a de la recherche, du travail de collaboration et de grandes joies… C’est avec Pied de Poule que j’ai le plus tourné et bien « gagné ma vie ».

En revanche je regrette de ne pas avoir réussi à vendre plus de cinq fois un spectacle musical exceptionnel – et il n’y a pas que moi qui le dis ! – qui s’appelle Ce que j’aurais aimé le plus au monde.


Sur l’île déserte…

Quels disques ? Am I Blue de Ray Charles, Kulu Sé Mama de John Coltrane, Focus de Stan Getz… Que du vieux ! Je pense à eux parce que je les adore mais je ne les écoute jamais.

Quels loisirs ? Un enregistreur pour enregistrer ce qui me passe par la tête… C’est souvent très drôle mais ça disparait vite !


Les projets

Je veux développer le duo Karla Vox, avec Laurence Bouckaert au karlax et m’associer avec d’autres musiciens électroacousticiens.


Trois vœux…

1. Que les programmateurs pensent moins à la place du public… Moi j’adore, mais ça va être difficile pour mon public !

2. Que ces foutues élections présidentielles 2017 ne rendent pas la vie encore plus difficile à la culture. 

3. Que Dramaticules tourne ! Que nous soyons invitées dans les festivals en France, à Berlin, en Suisse, en Belgique, au Japon, aux US...

04 juin 2017

Un Label Bleu salutaire…



En 1986, Michel Orier crée Label Bleu, filiale de la Maison de la Culture d’Amiens – MCA pour les intimes. D’abord exclusivement dédié au jazz le label élargit son catalogue aux musiques du monde en 1992 avec la collection Indigo. En 2000 Orier cède les rênes à Pierre Walfisz, qui monte notamment Bleu Electric, label consacré aux musiques électroniques. Mais, en 2007, après moult déboires financiers, la MCA doit mettre le label en sommeil pendant quelques années. Sous la houlette de Benoît Delaquaize, le label est reparti de plus bel, à raison de quatre à cinq disques par an, du festival Tendance Jazz, du Studio Gil Evans, d’un partenariat avec L’Autre distribution…

C’est l’occasion de revenir sur quelques disques qui reflètent l’ouverture d’esprit et la diversité de Label Bleu : afro — groove avec Tankadi de Mamadou Barry, jazz expérimental avec Kind of Red de Das Kapital, neo bop funky avec Montagnes russes de Daniel Zimmermann, jazz flamenco avec For Paco de Louis Winsberg, free orchestral avec Sons Of Love de Thomas de Pourquery et jazz moderne avec 1986 – 2016: 30 ans – Concert anniversaire d’Henri Texier.




Tankadi - Mamadou Barry & Afro Groove Gang

Tankadi
Mamadou Barry & Afro Groove Gang
Ibrahima « Rizo » Bongoura (voc), Mamadou Barry (as, ts, ss, fl), Mamady Diabaté (g), Malick Condé (g), Mohamed Kouyaté (b), Lamine Condé (perc), Emile Biayenda (perc) et Ansoumane Kaloga (d)
Label Bleu – LBLC 2605
Sortie en juin 2016

Un peu plus de dix ans après Niyo, Mamadou Barry revient sur disque avec Tankadi, qui sort chez Label Bleu en juin 2016. Le musicien guinéen joue avec son Afro Groove Gang onze morceaux, souvent inspirés de chants traditionnels, mais revus par Barry et sa formation, plus « Afro Blues », signé Mongo Santamaria.

Fils d’un batteur accordéoniste guinéen, Barry commence les percussions et le saxophone en autodidacte, puis devient instituteur. Mais la passion de la musique reprend le dessus et il se forme auprès du clarinettiste martiniquais Honoré Copé, avant de devenir tour à tour chef des orchestres Kaloum Star, Gombo Jazz, les Amazones de Guinée… et l’Afro Groove Gang.

Une guitare rythmique, deux percussionnistes et un batteur : la moitié du combo est dédiée aux rythmes… Tankadi sera dansant ou ne sera pas ! Des riffs répétitifs, superposés, et d’une régularité imperturbable, forment une polyrythmie qui évoque ici des motifs mandingues (« Saramaya »), là du highlife (« Tankadi »), mais aussi du funk (« Soumbara »), de l’afro-beat (« Gonga »), du reggae (« Kankalabé »), voire du rock’n roll (final de « Djérélélé »)… Bongoura est un chanteur mélodieux (« Mousso Kelen »), qui joue avec les modulations (« Café café ») et s’appuie sur le répons des chœurs (« Gonga »). Quant à Barry, c’est un saxophoniste – et flûtiste – lyrique (« Mousso Kelen »), expressif (« Félenko ») et avec une mise en place rythmique particulièrement entraînante (« African Groove »).

Tankadi est un album dansant efficace : Barry propose de la musique africaine parfumée au jazz, à moins que ce ne soit l’inverse…

Montagnes russes - Daniel Zimmermann

Montagnes russes
Daniel Zimmermann
Daniel Zimmerman (tb), Pierre Durand (g), Jérôme Regard (b) et Julien Charlet (d)
Label Bleu – LBLC 6722
Sortie en octobre 2016

Spice’Bones, DPZ, Le sacre du tympan, Supersonic, Ping Machine, Surnatural Orchestra… Daniel Zimmermann promène son trombone dans de nombreuses formations. Après Bone Machine (2013), Montagnes russes est son deuxième disque en leader.

Jérôme Regard et Julien Charlet composent toujours la section rythmique, mais c’est Pierre Durand qui est à la guitare électrique, au lieu de Maxime Fougères. Zimmermann a composé les onze morceaux.

Entre Charlet et Regard, il fallait s’y attendre, Montagnes russes s’appuie sur une section rythmique imposante (« Mamelles »), avec une batterie puissante (« dans le nu de la vie ») et des lignes de basse sourdes (« Mr. Squale »),  le plus souvent dans une veine funky (« Mountain Girl ») et soul (« Come on Baby »), mais aussi binaire en mode slow (« Montagnes russes ») ou encore hard bop, avec son chabada et sa walking (« Vieux beau »). Toujours expressif à souhait, Durand apporte une bonne dose de blues, tout droit sorti du bayou (« Mountain Girl »), prend un solo lyrique, digne d’un guitar hero (« Come On Baby »), part dans un chorus déjanté servi par une guitare saturée (« Mamelles ») ou, à l’inverse, avec sa guitare acoustique, plante un décor folk évocateur d’une musique de western (« Believe »). Quant au trombone de Zimmermann, si sa sonorité ronde et soyeuse met les mélodies en relief (« Au temps ôtant ») et son phrasé sinueux amène de la majesté (« Tiens aujourd’hui il ne fait pas beau »), les glissandos gouailleurs (« Mr. Squale » ), les riffs funky (« Mountain Girl ») et les effets de souffles, de cris, de pleurs… (« Dans le nu de la vie ») révèlent un caractère bien trempé.

Montagnes russes porte bien son titre : la musique monte et descend dans une ambiance festive et attrayante, portée par quatre musiciens qui mettent du cœur à l’ouvrage.

Kind of Red - Das Kapital

Kind of Red
Das Kapital
Daniel Erdmann (ts), Hasse Poulsen (g) et Edward Perraud (d)
Label Bleu – LBLC 6721
Sortie en novembre 2016

Daniel Erdmann, Hasse Poulsen et Edward Perraud ont formé Das Kapital en 2002. Le trio compte cinq disques à son actif. Dans Kind of Red, publié en 2016  chez Label Bleu, ils s’écartent du répertoire d’Hanns Eisler pour interpréter leurs propres compositions. Poulsen signe quatre morceaux, Perraud, trois, et Erdmann, deux.

Kind of Red s’ouvre sur un thème aux consonances folks, « Webstern », accentué par les accords rythmiques de la guitare acoustique, une batterie légère et un ténor qui commence sur un mode relax et chaleureux, puis décolle peu à peu vers un free soft. Le morceau termine en apothéose sur un chorus dans une veine rock folk, que The Eagles n’auraient pas renié. Sous le saxophone soprano d’Erdmann, « Claudia’s Choice » s’étire, portée par les nappes aériennes de Poulsen et les bruissements de Perraud. Toujours plein d’humour, le trio emmène d’abord « Iris » sur les pas d’Ennio Moriconne, avant que la guitare électrique ne parte dans un chorus métallique. Les accords d’outre-tombe de la guitare et le thème heurté que le soprano, lointain, expose à l’unisson avec la batterie, donnent une allure de science-fiction à « Macht Nix, In Der Mitte Ist Noch Platz ». Après un démarrage foisonnant, « Just Like That » revient à des fondamentaux hard bops à la sauce moderne, avec la walking de Poulsen, le jeu touffu de Perraud et les pirouettes véloces du ténor d’Erdmann, bientôt suivies par celles de la guitare, puis de la batterie. « Jenseits Von Gut Un Böse » passe d’une atmosphère moderne et tendue à une ambiance folk, presque gipsy : clin d’œil amusant au Par-delà bien et mal de Friedrich Nietzsche… Dans le même esprit que « Claudia’s Choice », « How Long, So Low » se déroule lentement, en suspension, avec une batterie minimaliste. Le contraste avec « Au fond des yeux », dédié au photographe Jacques Henri Lartigue (Perraud joint le reflex aux baguettes), est d’autant plus saisissant que la guitare électrique de Poulsen déchire l’espace, sur un ténor shouter et une batterie foisonnante. Avec « Claudia’s Choice » et « How Long, So Low », « Nothing Will Ever Be Enough » pourrait être le troisième mouvement d’une suite dépressive…  

Les trios saxophone – guitare – batterie ne courent pas les rues et Erdmann – Poulsen – Perraud n’ont pas leurs notes dans leurs poches ! Das Kapital manifeste toujours autant de verve : Kind of Red est vif et réjouissant.

For Paco - Louis Winsberg Jaleo

For Paco
Louis Winsberg Jaleo
Louis Winsberg (g), Sabrina Romero (cajon, voc), Cédric Baud (g), Jean-Christophe Maillard (b) et Stéphane Edouard (perc), avec Alfio Origlio (p), José Montealegre (voc), Jean-Luc Di Fraya (Voc), El Piculare (voc), Jorge Pardo (fl), Nantha Kumar (perc), Miguel Sanchez (cajon, perc), Leila Negrau (Kayamb), Veya Santiago (voc), Vicente Abardonado, José King, David Paniagua, Pol Vaquer et Sergio Aranda (palmas y jaleo)
Label Bleu – LBLC 2607
Sortie en novembre 2016

Louis Winsberg évolue d’abord dans la sphère des Gypsy King, puis, en 1984, avec Jean-Pierre Como et Paco Sery, il crée Sixun. En parallèle, le guitariste forme le quintet La Danse du Vent, joue avec Marc Berthoumieux, Claude Nougaro, Dee Dee Bridgewater, Maurane… En 2000, Winsberg monte Jaleo, entre jazz et flamenco. Jaleo, leur premier opus, sort en 2001, suivi du Bal des Suds, en 2003.

Pour For Paco, publié par Label Bleu en novembre 2016, Jaleo est composé de la chanteuse, percussionniste et danseuse flamenca Sabrina Romero, Cédric Baud à la guitare, mandoline, sitar, saz… Jean-Christophe Maillard à la guitare, saz, voix… et Stéphane Edouard aux percussions. Winsberg convie de nombreux invités à l’instar du pianiste Alfio Origlio, le chanteur José Montealegre, les percussionnistes Nantha Kumar et Miguel Sanchez etc.

Comme l’indique clairement le titre, For Paco est un hommage à Paco de Lucía, « qui a su ouvrir le monde du flamenco au jazz et à l’improvisation, et mener son art à un niveau de pureté et de puissance très rare » (Winsberg). Winsberg a composé dix des onze morceaux et Maillard propose « Qué más ». C’est – évidemment – Gérard de Haro qui est derrière les manettes de l’enregistrement. Winsberg a également demandé à Pierre Bertrand, autre méditerranéen patenté (écoutez Caja Negra), d'arranger quelques morceaux. Enfin, les jolis collages de la pochette sont signés Paloma Winsberg.

Dans le flamenco, le jaleo correspond aux encouragements vocaux ou rythmiques lancés par les musiciens au soliste. For Paco fusionne des ingrédients jazz avec de la musique andalouse : mélodies aux accents orientaux (« Bulerhimalaya »), voix gutturales (« For Paco »), frappes de mains (« Que Más »), rythmes composés (« El Pescador ») et traits virtuoses (« Paloma »)… Si la musique gipsy n’est jamais très loin (« Podemos »), For Paco passe par des moments purement flamenco (« Viva Jerez »), des mélodies accrocheuses (« Sentimiento »), des hymnes lyriques (« Libertad »), des morceaux dansants («  Qué más »), mais aussi un savoureux duo spakr – mandoline sur fond discret de cajon (« Salsita »).

For Paco rapproche encore un peu plus Winsberg de « sa Méditerranée », une fusion de mélodies chamarrées et de rythmes bigarrés, ouverte sur des cultures bariolées…

Retour à Un Label Bleu salutaire...

Sons of Love - Supersonic

Sons of Love
Supersonic
Thomas de Pourquery (as, voc, elec, perc), Fabrice Martinez (tp, bg, voc, perc), Laurent Bardainne (ts, voc, synth), Arnaud Roulin (p, synth, elec, acc, perc), Frederick Galiay (b, voc) et Edward Perraud (d, elec, voc)
Label Bleu – LBLC 6723
Sortie en mars 2017

Après les bancs du CNSMDP (classe de François Jeanneau), Thomas de Pourquery joue dans le Big Band Lumière de Laurent Cugny, l’ONJ (toujours avec Cugny), DPZ, Rigolus, le MégaOctet… et crée Supersonic en 2011. Le sextet sort Play Sun Ra en 2014, dédié au mythique claviériste américain. Supersonic revient sur disque avec Sons of Love, qui sort en mars 2017.

Sons of Love ne compte qu’une composition de Ra, « We Travel The Space Ways », et dix morceaux signés de Pourquery. Supersonic, c’est Fabrice Martinez à la trompette et au bugle, Laurent Bardainne au saxophone ténor, Arnaud Roulin aux claviers, Edward Perraud à la batterie et de Pourquery à l’alto et au chant.

La musique de Sons of Love foisonne : la batterie bouillonne, la basse vrombit, les claviers grondent et les soufflants hurlent (« Mermaids). Avec des pédales sourdes, des cliquetis mystérieux, des interactions free, et des chœurs aériens, la science-fiction est également au rendez-vous (« We Travel The Space Ways »). Si Sun Ra est évidemment omniprésent (« Simple Forces »), Ornette Coleman n’est pas loin non plus (les dissonances de « Mermaids »), ni John Coltrane (les incantations de « Sons of Love» ne sont pas sans rappeler « A Love Supreme »), mais aussi le rock progressif de Yes, King Crimson et autre Soft Machine : voix de tête diaphane (« From Planet To Planet »), lignes de basse entêtantes (« Slow Down »), batterie exubérante (« Sons of Love »), effets électro (« Sons of Love ») et soufflants mélodieux (« Revolutions »). Supersonic ne perd pas son sens de l’humour, comme en témoignent « Diamond Brown »,  interlude romantique du piano, le final en calypso de « Simple Forces » sur fond de sirène, ou encore le morceau de dance floor « Give The Money Back » et ses répons bouffons.

Dans Sons of Love, Supersonic assaisonne son free de rock alternatif, dont la voix et les rythmes se font le porte-parole.

1986 – 2016 30 ans - Henri Texier

1986 – 2016 30 ans
Henri Texier
Michel Portal (cl, b cl, ss, bandonéon), Thomas de Pourquery (as), Manu Codjia (g), Bojan Z (p, org), Henri Texier (b) et Edward Perraud (d)
Label Bleu – LBLC 6730
Sortie en mai 2017

Le 4 mars 2016, Label Bleu fête ses trente ans à Amiens et donne une carte blanche au musicien qui a enregistré le plus de disques pour le label : Henri Texier.

Pour l’occasion Texier réunit un All Star avec Michel Portal aux clarinettes, saxophone soprano et bandonéon, Thomas de Pourquery au saxophone alto, Manu Codjia à la guitare, Bojan Z aux claviers et Edward Perraud à la batterie.

Côté programme, Texier reprend des titres tiré de ses disques publiés par Label Bleu : « Colonel Skopje » et « Desaparecido » du double album Izlaz – Colonel Skopje (1996), « Mucho Calor » de Canto Negro (2011), « Don’t Buy Ivory Anymore » d’Indian’s Week (1993), « Barth’s Groove » co-signé avec Claude Barthélémy et tiré de Strings Spirit (2002), « Y’a des vautours au Cambodge ?... » d’Holly Lola (2004) et « Noises » de Paris – Batignolles (1986).

Décidément à l’aise dans n’importe quelle configuration, Perraud passe d’un drumming débridé (« Colonel Skopje ») à un chabada de derrière les fagots (« Barth’s Groove »). Texier mène son sextet avec des ostinatos puissants (« Desaparecido »), des walking dansantes (« Barth’s Groove »), des introductions chantantes (« Y’a des vautours au Cambodge ?... »)… Toujours émouvant (« Don’t Buy Ivory Anymore ») et moderne (« Desaparecido »), Bojan Z maintient contre vents et marées un groove contagieux (« Noises »). Codjia dégage une énergie rock (« Mucho Calor ») et ses phrases mélodieuses soulignent le discours de ses compères (« Y’a des vautours au Cambodge ?... »). De Pourquery introduit des accents de blues (« Don’t Buy Ivory Anymore ») et un free lyrique plein d’humour (« Desaparecido »). Quant à Portal, il s’amuse autant dans le free (« Desaparecido ») que dans la mélodie (au bandonéon dans « Y’a des vautours au Cambodge ?... ») ou la danse (« Noises »). Des mélodies séduisantes, des rythmes enjoués, une matière sonore compacte, des unissons et des contrepoints familiers, un son de groupe unique… la musique de Texier n’a pas fini de   marquer son époque. 

Il fallait s’en douter, avec un tel casting, 1986 – 2016 30 ans est une parfaite réussite et, même s’il manque ce brin de folie qui en aurait fait un disque mythique, c’est un album qui tourne en boucle dans le lecteur…