27 décembre 2022

Jazz Migration souffle ses vingt bougies…

Née en 1993, l’Association Jazzé Croisé (AJC et ex-AFIJMA) regroupe près de quatre-vingt-dix diffuseurs, dont la programmation tourne essentiellement autour d’un jazz contemporain novateur. Les actions de l’AJC visent à développer les échanges entre des musiciens étrangers et français : Una striscia di terra feconda est un festival italo-français, The Bridge rapproche des artistes nord-américains et français, c’est la Scandinavie qui est à l’honneur du French Nordic Jazz Transit, Jazzdor se partage entre Strasbourg et Berlin...

Jazz Migration a été créée en 2002 pour proposer un accompagnement professionnel (formations autour des métiers de la diffusion musicale, atelier avec des professionnels européens de la diffusion…) et artistique (résidence, concerts, festivals…) de deux ans aux groupes lauréats du concours. Depuis sa création, plus de deux cent trente musiciens sont passés par Jazz Migration et plus de mille concerts ont été organisés… 


Pour fêter ses vingt ans, Jazz Migration organise deux soirées à la Dynamo, à Pantin. Les lauréats de Jazz Migration #8 se produisent le mardi 29 novembre et vingt musiciens passés par Jazz Migration se donnent rendez-vous sur scène le mercredi 30 novembre pour un grand concert gratuit, précédé d’un cocktail. La Dynamo, convertie en fosse sans sièges, a quasiment fait le plein. Jazz Migration célèbre son anniversaire avec panache : une bière artisanale brassée en Seine-Saint-Denis et un sous-verre à l’effigie des vingt musiciens sont offerts aux spectateurs dans le sac des vingt ans ! Le concert est également retransmis le 3 décembre sur France Musique, dans le Jazz Club d’Yvan Amar.


Philippe Ochem - 30 novembre 2022 - La Dynamo (c) PLM

La première partie dure environ une heure, avec sept morceaux au programme. Philippe Ochem introduit le concert et en profite pour remercier tous les partenaires. Benjamin Flament coordonne cette soirée exceptionnelle avec Leïla Martial à la voix, Théo Ceccaldi et Clément Janinet au violon, Maëlle Desbrosses à l’alto, Bruno Ducret au violoncelle, Hélène Duret à la clarinette, Emile Parisien au saxophone soprano, Raphaël Quenehen au saxophone alto, Laurent Bardainne au saxophone ténor, Morgane Carnet au saxophone baryton, Aymeric Avice à la trompette, Fidel Fourneyron au trombone, Christophe Girard à l’accordéon, Paul Jarret à la guitare, Anne Quillier au Fender Rhodes, Sébastien Palis au piano, Christophe Hache à la contrebasse, Jean-François Riffaud à la basse, Héloïse Divilly et Antonin Leymarie à la batterie.

Quillier et Palis improvisent d’abord dans une ambiance de science-fiction, avec des nappes de sons électro minimalistes et des bruitages spatiaux. Le dialogue s’emballe et les crépitements de notes au milieu des grésillements, bourdonnements, déflagrations, vrombissements et autres claquements, penchent vers la musique contemporaine. « Tân Sơn Nhất » – en référence à l’aéroport international d’Hô Chi Minh-Ville – est une composition signée Hache pour le Circum Grand Orchestra. Le morceau, touffu, est construit en plusieurs parties. Dans un décor toujours très électro, Martial déclame un texte en yaourt, sa diction rappelle parfois celle des Muezzins. L’orchestre joue ensuite une longue phrase rubato, lente et lancinante, comme une transition, avant le duo pétillant d’Avice et de Fourneyron. Dans le mouvement suivant, l’orchestre part à l’unisson sur une rythmique musclée, avec quelques voix qui se décalent de temps en temps, un peu dans l’esprit M’Base. Hache prend ensuite un chorus a capella, véloce mélodieux et profond. La conclusion est une sorte de lamentation…

Leïla Martial - 30 novembre 2022 - La Dynamo (c) PLM

Un sextet – Martial, Desbrosses, Ceccaldi, Janinet, Ducret et Parisien – s’installe sur une coursive latérale pour jouer « Spam d’oie future II », une compilation de morceaux. Sur une pédale lancinante en pizzicato, les vocalises incantatoires soulignées par les traits de l’alto évoquent ça-et-là la musique moyen-orientale, mais aussi la musique folk, notamment lors des passages en scat ou en yaourt. Ce tour de chant débouche sur une envolée manouche, avec une pompe, un discours virtuose du soprano et des vocalises rythmiques. Après des échanges entre free et musique contemporaine, le soprano joue une mélodie nostalgique sur fond de cordes, puis Martial oriente le morceau dans une direction quasiment arabo-andalouse, avec une montée en tension renforcée par les pompes, la voix, tendue et la ligne ardente du soprano. Changement de décor avec le « Hula Vamp » de Jean-François Riffaud : après une introduction mécaniste – grincements, sifflements, grondements, sirènes… dignes d’une usine – l’auditoire est propulsé à Hawaï ! Chœur des soufflants nonchalant, guitare slide, batterie régulière et froufroutante, couleurs bluesy… le climat est nostalgique et vaporeux. Retour sur la coursive, où Martial, Girard et Divilly (au frottoir) interprètent « Valse à vingt temps », chanson-anniversaire composée par la chanteuse et l’accordéoniste pour l’occasion. Sur un air de musette entraînant, Martial chante une chanson à texte sur Jazz Migration, pleine de verve et de clins d’yeux. Duret, Carnet, Fourneyron et Quenehen reprennent le « Gloria » de la Messe de Nostre Dame de Guillaume de Machaut, sur une adaptation de l’arrangement de Quentin Biardeau pour les quatre saxophones du Quatuor Machaut. La ligne élégante de la clarinette flotte sur l’alto, le baryton et le trombone, qui jouent un unisson majestueux. Fort de ses contrepoints mélodieux et de ses croisements de voix gracieux, le développement plonge l’auditoire dans la Renaissance et le Baroque. Le premier set s’achève sur « Lila », un thème de Bardainne, écrit pour le quartet Limousine. Après une courte introduction mélodique au saxophone ténor, Bardainne se met derrière un clavier et fait place à un jazz qui navigue entre pop et musique de film. Ostinato du quatuor à cordes, basse grondante, batterie puissante et régulière, phrases minimalistes de la guitare et motifs mélodiques en boucle du clavier montent en puissance tout au long du morceau jusqu’au final qui éclate en effets électro. 

Un concert éclectique, audacieux, foisonnant et intense, parfaite image de l’Association Jazzé Croisé et superbe cadeau pour les vingt ans de Jazz Migration !