29 juillet 2016

Tezet Reset - Ethioda

En 2010, le claviériste Daniel Moreau crée le groupe Ethioda pour reprendre des morceaux de Mulatu Astatke : Ethiopian Jazz Groove sort l’année d’après. Dans Araray, qui sort en 2014, Ethioda ajoute des compositions inédites. Tendance confirmée avec Tezet Reset, publié en mars 2016 : tous les morceaux sont originaux.

A la base, Ethioda est un est un quintet constitué de Moreau, bien sûr, mais aussi d’Armel Courrée aux saxophones, Pascal Bouvier au trombone, Romain Delorme à la basse et Julien Grégoire à la batterie. Le guitariste Baptiste Clerc rejoint Ethioda à partir de 2013, suivi, en 2015, par l’arrivée du percussionniste Eric Durand. Sur Tezet Reset, Ethioda invite le trompettiste Muyiwa Kunnudji sur deux morceaux, et Mac Singe et Maoré pour une chanson chacun.

Neuf des onze morceaux sont signés Moreau, Courrée propose « Echi » et Clerc, « Opale ».  Comme à son habitude, Ehtioda prend soin de sa charte graphique : c’est toujours Tetovitch qui a conçu la pochette de Tezet Reset : sur un fond jaune, des motifs géométriques colorés qui rappellent les alphabets mandé...

Les titres évoquent clairement l’Ethiopie, à l’image des jeux de mots « (Satie a dit ça) Beba », « Pentatiopik » ou « Ethiodawa », et des références directes comme « Ambassel Groove » (un district de la région Amhara) et « Azmari » (griot en amharique), mais aussi le Burkina Faso : « Taaba » veut dire « ensemble » en moorè.

Tezet Reset alterne les ambiances éthio-jazz (« Ambassel Groove », « Respecto », « Opale »), plutôt funky (« Azmari »), reggae (« (Satie a dit ça) Beba »), folk-rock (« Ethiodawa »), dans une veine africaine (« Taaba »)… Les mélodies sautent d’un riff entraînant (« Respecto ») à des tourneries aux accents folks (Ehiodawa »), en passant par des motifs exposés en chœur, un peu dans l’esprit d’Henri Texier (« Taaba »). La rythmique, bâtie sur des superpositions de percussions, fait la part belle aux poly-rythmes dansants (« Tezet Reset »). En dehors du flux scandé d’une voix chaude par Mac Singe (« Azmari »), du slam qui tourne au chant haut et expressif de Maoré (« Taaba ») et de l’intermède du piano a capella (« Reset Tezet »), il n’y a pas vraiment de soliste, mais plutôt des interventions dans la continuité des mouvements d’ensemble, comme les contrepoints des soufflants dans « Pentatiopik » ou l’orgue à la sonorité vintage (« Azmari »).

Avec Tezet Reset, Ethioda poursuit son aventure dans les traces d’un éthio-jazz groovy ouvert aux influences afro-beat, rock et autres.

Le disque

Tezet Reset
Ethioda
Armel Courrée (as, bs), Pascal Bouvier (tb), Baptiste Clerc (g), Daniel Moreau (kbd), Romain Delorme (b, synthé), Eric Durand (percu) et Julien Grégoire (d) avec Muyiwa Kunnudji (tp), Mac Singe (voc) et Maoré (voc).
Sortie en mars 2016

Liste des morceaux

01.  « Ambassel Groove » (4:14).
02.  « (Satie a dit ça) Beba » (6:04).
03.  « Pentatiopik » (4:59).
04.  « Azmari », Moreau & Mac Singe (4:23).
05.  « Echi », Courrée (2:46).
06.  « Taaba », Moreau & Maoré (7:26).
07.  « Respecto » (5:03).
08.  « Reset Tezet » (1:47).
09.  « Tezet Reset » (6:29).
10.  « Ethiodawa » (6:25).
11.  « Opale », Clerc (6:54).


Toutes les compositions sont signées Moreau, sauf indication contraire.

17 juillet 2016

A la découverte de... Olivier Calmel

Pianiste, compositeur, orchestrateur, arrangeur, improvisateur… Olivier Calmel poursuit son aventure musicale depuis la fin des années quatre-vingts dix, à la croisée de la musique contemporaine et du jazz, sans se soucier des écoles. Une bonne occasion de partir à la découverte de ce musicien aux multiples facettes.


La musique

A trois ans j’ai commencé le violon, mais ça n’a pas duré... L’année d’après, j’ai suivi des leçons particulières de piano, puis, à sept ans, je suis entré au conservatoire pour apprendre le hautbois, tout en continuant les cours piano en parallèle. Vers douze ans j’ai commencé à vouloir composer. Quelques années plus tard, autour de quatorze ans, j’ai eu envie de jouer avec d’autres musiciens du répertoire de variété. La variété que j’écoutais à l’époque : Prince, Toto… Naturellement, dès qu’on s’intéresse à Prince, on finit par écouter James Brown, puis Maceo Parker… Et le doigt est mis dans l’engrenage ! Parce qu’ensuite, c’est Miles Davis électrique et tout ce qui va avec ! Je suis de cette génération-là : Davis électrique. Avant d’écouter John Coltrane et tous les musiciens d’avant, j’ai commencé par les disques de Davis et Marcus Miller… A côté de cette découverte du jazz, j’ai poursuivi mon cursus en musique classique, d’abord d’écriture au Conservatoire Darius Milhaud, puis d’orchestre et d’improvisation au Conservatoire Wolfgang Amadeus Mozart, pour finir par un prix et un CFEM d’orchestration au Conservatoire à Rayonnement Régional d’Aubervilliers – La Courneuve.



Les influences

Le début de « mon » jazz c’est Davis électrique : Keith Jarrett, Chick Corea et Herbie Hancock, les trois ensembles qui accompagnent Davis ! Après je me suis intéressé au jazz européen : c’est ce qu’écoutent les copains à l’époque. Mon meilleur ami habite un appartement juste à côté de celui de Thomas Bramerie. Or, à l’époque, Thomas joue avec les frères Belmondo. Le quintet des frères Belmondo joue monstrueux ! Pour moi c’est saturne, je n’ai jamais entendu ça ! Pareil pour « l’école du Label Bleu ». J’ai découvert Bojan Z, Henri Texier, Michel Portal, Louis Sclavis, Julien Lourau… Bien sûr j’ai écouté et relevé beaucoup d’autres musiciens, Duke Ellington, par exemple, mais aussi Astor Piazolla, EST, Bjök, Maurice Ravel, Claude Debussy, Igor Stravinsky… mais il y en a tant !

Olivier Calmel (c) Claude Vittiglio


Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ?

La liberté.

Pourquoi la passion du jazz ?

Il nous donne l’opportunité d’être sincère et libre.

Où écouter du jazz ?

Principalement en concert.

Comment découvrir le jazz ?

Aujourd’hui il y a tellement de choses différentes qu’il y a forcément des choses qui peuvent plaire, mais il faut les chercher. Découvrir le jazz, c’est une démarche active ! Et il faut aller écouter des concerts…

Une anecdote autour du jazz ?

Coltrane qui se fait siffler à l’Olympia, c’est une anecdote qui m’a marqué.


Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un bon chat,
Si j’étais un fruit, je serais une pêche,
Si j’étais une boisson, je serais un Orangina sanguine,
Si j’étais un plat, je serais un chicken pie au curry,
Si j’étais une lettre, je serais M,
Si j’étais un mot, je serais ciel,
Si j’étais un chiffre, je serais 7,
Si j’étais une couleur, je serais rouge,
Si j’étais une note, je serais do dièse.


Les bonheurs et regrets musicaux

Le concerto pour violoncelle est sans doute à ce jour ma plus belle réussite parce qu’il synthétise très bien ma culture de jazz, de musique écrite, de musique concertante... Et mon plus grand regret c’est que Prince soit déjà mort..


Sur l’île déserte…

Quels disques ? Le Requiem de Giuseppe Verdi dirigé par Ricardo Mutti à La Scala.

Quels livres ?  L’étranger d’Albert Camus.

Quels films ? Brazil.

Quelles peintures ? Celles de Claude Monet.

Quels loisirs ? Les jeux de société.


Les projets

Actuellement je travaille sur une commande pour la Maitrise de Radio France : une œuvre pour chœurs d’enfants et orchestre sur des textes de Victor Hugo. Sinon, j’ai aussi écrit pour l’Orchestre National d’Ile de France (ONDIF) et nous jouons en juin 2017. Le Chœur Régional Vittoria d'Ile de France m’a également passé commande d’une cantate. Elle sera créée en février prochain, en même temps qu’une cantate de mon père. C’est un projet  magnifique sur un texte original de Pierre-Henri Loÿs.


Côté jazz, j’ai deux projets qui défoncent et que j’aime : Cinematics et Double Celli. Double Celli est de la musique acoustique, alors que Cinematics relève de la musique électrique. A la rentrée, j’enregistre avec Double Celli. J’y crois beaucoup et c’est très important pour moi.

En bref, je suis pleinement avec mes projets actuels, et fais exactement ce qui me plaît…


Trois vœux…

1.    Que le jazz ne soit plus considéré comme une musique élitiste.

2.    Que le jazz revienne sur les ondes et à la télévision.

3.    Que mes proches soient en bonne santé.


09 juillet 2016

Les notes de la marée d'avril - I



         
  





April Fishes - Carpe d'or

Le guitariste Manuel Adnot (Sidony Box, Aeris, Ueno Park) a monté le quartet Carpe d’or en compagnie du violoncelliste – et guitariste – Adrien Dennefeld (Ozma), du saxophoniste baryton Romain Dugelay (Grolektif, Diagonal) et du batteur Sylvain Darrifourcq (Emile Parisien Quartet).

Adnot et Dennefeld se partagent les huit compositions d’April Fishes. Aucune vedette dans le quartette : l’interaction est le maître-mot de Carpe d’or. Sur des bruitages électro qui évoquent la musique concrète (grésillements électriques de « Offshore », martèlements sourds de « La fosse des Mariannes / Pays de neige ») ou des nappes synthétiques aériennes à la Brian Eno (« Tendance brique »), les musiciens déroulent des morceaux aux contours rock noisy (« Offshore »), marqués par la musique répétitive (ostinato et boucles de « Nishiki »). Carpe d’or joue également sur les contrastes de textures : « Nori et Wakame » commence sur une introduction baroque au violoncelle, soutenu par les contrepoints de la guitare acoustique, et s’achève sur un morceau contemporain de musique concrète ; les ambiances éthérées mystérieuses (« Carpe d’or ») côtoient les atmosphères rocks touffues (« Tendance brique ») ; poussé par la batterie, brutale, et les cris du baryton, le duo acoustique minimaliste des « [Les] eaux du gouffre aux tortues » s’enflamme pour aboutir à un morceau saccadé et entraînant ; le riff acoustique de « Nikishi » se fond dans des effets électro qui rappellent la science-fiction…

Adnot, Dennefeld, Dugelay et Darrifourcq s’engagent dans une voie résolument moderniste : Carpe d’or réussit une belle synthèse de musique classique et contemporaine, rock progressif, électro, free jazz… April Fishes est un disque plein de reliefs à explorer sans œillères...

Cosmic Dance – Julien Alour Quintet

Sorti du cursus classique du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Quimper, Julien Alour rejoint l’IACP, où il étudie le jazz avec les frères  Belmondo. Il intègre ensuite le CNSMDP, joue et enregistre avec Eric Legnini, Max Pinto, Samy Thiebault... et sort chez Gaya music, Williwaw en 2014, puis Cosmic Dance en avril 2016,

Alour a enregistré Williwaw et Cosmic Dance avec son quintet habituel composé de François Théberge au saxophone ténor, Adrien Chicot au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Jean-Pierre Arnaud à la batterie. Alour signe neuf thèmes et reprend « Think Of One » de Thelonious Monk.

Des chorus de bugle et de trompette brillants (« Cosmic Dance »), des solos de ténor pétulants (« Le bal des panthères »), un piano fougueux (« Parisian Cocotier »), une contrebasse et une batterie qui pulsent (« Big Bang ») : Cosmic Dance est un concentré d’énergie, même si, ça-et-là, des ballades bien senties (« Chrysalide », « Solstice ») viennent calmer l’impétuosité du quintet. Dans les traces du hard bop, les thèmes sont souvent exposés à l’unisson («  Black Hole In D »), les solos se succèdent, plus vifs les uns que les autres (« Super Lateef », bel hommage à Yusef Lateef), la walking et le chabada provoquent irrémédiablement un dodelinement de la tête (« Eternel »)…  

Alour et son quintet s’engouffrent avec enthousiasme dans un néo hard bop entraînant et parfaitement maîtrisé.


Labyrinthe – Dadèf Quartet

Raphaël Sibertin-Blanc s’est d’abord formé à la musique classique et au violon, avant de se tourner vers les musiques orientales et d’ajouter le kemençe à sa palette. Directeur artistique de l’association Concertons !, enseignant à Music’Halle, membre de l’ensemble FM de Christine Wodraska, mais aussi d’Alambic, de Lakhdar Hanou… Sibertin-Blanc sort Labyrinthe en février 2016 avec Dadèf Quartet.

Dadèf Quartet est constitué de Simon Charrier à la clarinette, Guillaume Gendre à la contrebasse et Carsten Weinmann à la batterie. Le répertoire repose sur neuf morceaux composés par Sibertin-Blanc. A noter, l’élégante pochette du disque, œuvre d’Alem Alquier.

Avec les unissons et contrepoints orientalisants du violon et de la clarinette sur l’ostinato de la contrebasse et le drumming sautillant et régulier de la batterie, « Nain rouge » emporte l’auditeur vers le Moyen-Orient. « Labyrinthe », porté par des riffs rythmiques hypnotiques, installe une ambiance folklorique, avec une ritournelle folk jouée en boucle. Sublimée par le son aigrelet et lancinant du Kemençe, la nostalgie de « Zephyrus Birth » est également mise en relief par les contrechants de la clarinette, la ligne souple et chaude de la contrebasse et les frappes légères de la batterie. « Départ » s’aventure de nouveau dans les territoires folkloriques avec un leitmotiv dansant soutenu par un quartet syncopé. Plus grave, « Cheminements » revient à une atmosphère moyen-orientale portée par le violon, un chorus émouvant de la contrebasse et un final klezmer de la clarinette. Dans « Kurdix », Sibertin-Blanc et Charrier jouent une mélodie étirée, sur une ligne minimaliste de Gendre et les balais guillerets de Weinmann. « Valsatraque » part sur une jolie valse, avec une rythmique entraînante – passages en walking et batterie touffue –, avant de laisser la place à un chorus relevé de la contrebasse. L’introduction « vingtièmiste » de Charrier dans « Minuit au fond des bois » laisse la place à une partition de cirque : la batterie cliquète, le violon et la clarinette dialoguent à qui mieux mieux, pendant que la contrebasse sort l’archet pour calmer tout le monde ! « Cinq Cinq » commence dans une veine médiévale sur des motifs décalées du violon et de la clarinette, accentuées par les tambours et splashes de Weinmann, mais aussi les phrases graves et fluides de Gendre.

Influencé par le Moyen-Orient, le Klezmer, la musique médiévale, les folklores… et tout le reste, Dadèf propose une musique dépaysante, enjouée et émouvante.

Notes from New York - Bill Charlap Trio

Bill Charlap compte près d’une trentaine de disques sous son nom, avec le New York Trio – Jay Leonhart à la contrebasse et Bill Stewart à la batterie – ou en duo avec Warren Vache, Phil Woods, Sean Smith… Il a également joué aux côtés de Gerry Mulligan, Benny Carter, Tony Bennett, Wynton Marsalis… Son trio avec le contrebassiste Peter Washington et le batteur Kenny Washington sort son premier opus, All Through the Night, en 1998. Depuis, les trois hommes écument les clubs, les festivals et autres studios d’enregistrement.

Comme la plupart du temps avec Charlap, Notes From New-York s’appuie sur neuf classiques du Great American Songbook : « I'll Remember April » (Gene de Paul pour la comédie Ride ‘Em Cowboy, 1942), « Make Me Rainbows » (John Wiliams pour le film Fitzwilly, 1967), « Not A Care In The World » (John La Touche pour la revue Banjo Eyes, 1941), « There Is No Music » (Harry Warren pour The Barkleys of Broadway, 1948), « A Sleepin' Bee » (Harold Arlen pour la comédie musicale House of Flowers, 1954), « Little Rascal On A Rock » (Thad Jones pour le disque New Life, 1976), « Too Late Now » (Burton Lane pour Royal Wedding, 1951), « Tiny's Tempo » (Tiny Grimes, 1944) et « On The Sunny Side Of The Street » (Jimmy McHugh pour le spectacle International Revue, 1930). La pochette du disque présente un portrait …. cubiste du pianiste

Charlap a le sens de la mélodie (« There Is No Music ») et maitrise le vocabulaire bop sur le bout des doigts (« I’ll Remember April »). Son phrasé est entraînant (« Tiny’s Tempo » ) et la dissociation de ses mains lui permet d’insuffler une bonne dose de suspens dans son jeu (« A Sleepin’ Bee »). L’influence des pianistes be-bop est incontestable, de Hank Jones à Tommy Flanagan, en passant par Red Garland et Duke Jordan, mais Charlap s’inspire également de Bill Evans (« Not A Care In The World »). Les Washington – qui ne sont pas de la même famille – restent fidèles au couple walking – chabada (« Little Rascal On A Rock »). La pulsation, nette et régulière, ne s’écarte pas de la ligne mainstream (« Make Me Rainbows »). Comme dans la plupart des trios be-bop, la structure des morceaux repose sur le thème – solos – thème avec des interventions profondes de la contrebasse (« Too Late Now ») et des stop-chorus vifs de la batterie (« Not A Care In The World »).

Notes From New York ne révolutionne pas le jazz, mais Charlap et son trio servent le be-bop avec savoir-faire et élégance.

Autour de Chet

Après Autour de Nina, disque dédié à Nina Simone et publié en 2014, Clément Ducol se voit confier la réalisation d’un album consacré à Chet Baker. Autour de Chet sort en avril 2016 chez Decca.

Ducol s’appuie sur un quartet composé de Pierre-François Dufour au violoncelle, Bojan Z au piano, Christophe Minck à la basse et Cyril Atef à la batterie. Comme pour Autour de Nina, Ducol fait appel à de nombreux invités, en général chant et trompette, pour interpréter les chansons favorites de Baker : Yael Naïm, accompagnée d’un quatuor constitué de Dufour, Guillaume Latour et Christelle Lassort au violon et Camille Borsarello à l’alto, chante « My Funny Valentine », tube fétiche du trompettiste ; Hugh Coltman et Erik Truffaz jouent « Born To Be Blue », également titre du biopic de Robert Budreau, sorti en 2015 ; Charles Pasi a choisi « It Could Happen To You », nom d’un album de Baker publié en 1958 ; Sandra Nkaké et Airelle Besson interprètent « Grey December », de la compilation éponyme sortie en 1992, à partir de sessions enregistrées en 1953 et 1955 ; Ibeyi et Benjamin Biolay s’emparent de « Moon And Sand », chanté par Baker dans la bande originale de Let’s Get Lost ; Camelia Jordana et Truffaz jouent « The Thrill Is Gone », qui figure sur le premier disque dans lequel Baker chante (Chet Baker Sings – 1953) ; Elodie Frégé et Alex Tassel se chargent de « But No For Me », également au programme de Chet Baker Sings ; Rosemary Standley et Stéphane Belmondo s’arrogent le morceau culte « Let’s Get Lost », titre du film sur Baker tourné en 1968 par Bruce Weber ; José James et Besson reprennent « Nature Boy », jamais enregistré par Baker (?), mais bien dans l’esprit ; Piers Faccini et Luca Aquino s’approprient « A Taste Of Honey », qui figure notamment sur Baby Breeze (1965).

Autour de Chet est avant tout un disque de ballades, tantôt dans une veine crooner (« But Not For Me »), tantôt davantage bluesy (« Born To Be Blue »), latino (« Grey December ») ou cross-over (« My Funny Valentine »), voire méditerranéenne («  A Taste of Honey »)... Le quartet rythmique est au service des solistes : il maintient une pulsation entraînante (« A Taste of Honey »), glisse des walking et chabadas (« But Not For Me ») au milieu d’un accompagnement plutôt fluide, sait jouer grat dirty (« Born To Be Blue »)… Les invités mettent le répertoire en valeur, dans la lignée de la voix fragile et la diction mâchée de Baker (Coltman, Pasi, Nkaké, Frégé), sur les traces de Billie Holiday (Jordana), avec une approche dansante (Ibeyi), intimiste (Standley), tendance chanteur de charme (Naïm, Faccini) ou chaude et rythmée (James).

Autour de Chet est un hommage respectueux au trompettiste et à l’esprit de sa musique, dont l’évocation est toujours aussi émouvante, vingt-huit ans après sa disparition...


Funambules – Vassilena Serafimova & Thomas Enhco

Voilà déjà sept ans que la percussionniste Vassilena Serafimova et le pianiste Thomas Enhco se produisent en duo. Leur premier disque, Funambules, sort en avril chez DeutscheGrammophon. Certes, le label de Hanovre (fondé en 1898…) est surtout connu pour son catalogue de musique classique, mais Funambules est à la croisée des chemins, et Serafimova et Enhco ont une solide formation classique, parfaite au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.

Le programme de Funambules est particulièrement éclectique : Serafimova et Enhco signent quatre morceaux, le duo joue également « Blood Pressure » de la suite Signs of Life du compositeur contemporain américain Patrick Zimmerli, la sonate en ré majeur pour deux pianos (K 448) de Wolfgang Amadeus Mozart, la Pavane (opus 50) de Gabriel Fauré, la sonate numéro un en sol mineur (BWV 1001) de Johann Sebastian Bach, « Aquarium » du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns et « Bitter Sweet Symphony » du groupe de rock The Verve.

La sonorité douce et boisée du marimba se marie bien au son plus cristallin du piano et son phrasé percussif vient compléter les atouts harmoniques et mélodiques du piano. Complémentarité particulièrement flagrante dans « Blood Pressure », écrit… pour marimba et piano. Les ambiances de Funambules passent d’une comptine mélodieuse (« Eclipse ») à une pièce aux accents folks (« Bitter Sweet Symphony »), en faisant un stop par les Balkans (superbe « Dilmano Dilbero » !) et la musique contemporaine (« Palimpseste », « Mare a Mare »), sans oublier les arrangements cross-over des compositions de Mozart, Fauré (plutôt joué dans le texte), Bach et Saint-Saëns. Deutsche Grammophon oblige, ces arrangements penchent clairement vers la musique classique : le piano joue « mainstream » classique, tandis que les contrepoints du marimba insufflent légèreté mélodique et vivacité rythmique (« Aquarium »).  

Funambules est certes construit, marqué par la musique classique, sans beaucoup d’espaces pour des improvisations débridées (« Dilmano Dilbero » est l’exception qui confirme la règle), mais Serafimova et Enhco réussissent à captiver les auditeurs grâce aux textures, inhabituelles et captivantes.