Aqisseq est un
disque du trio de la pianiste Sophie Agnel, du contrebassiste John Edwards
(Louis Moholo Moholo, Peter Brötzmann, Wadada Leo Smith, Evan Parker…) et du
batteur Steve Noble (Derek Bailey,
Smith, Matthew Shipp, Joe McPhee…). Enregistré en 2016 lors du Brighton
Alternative Jazz Festival et du Konfrontationen Festival de Nickelsdorf, Aqisseq est le dernier né des disques
produit par la Jazz Fabric sous le mandat d’Olivier Benoît et il sort
le 7 décembre 2018 chez ONJ Records.
L’aqisseq est le nom inuit d’un lagopède qui vit dans les
régions arctiques et c’est aussi le titre du troisième et dernier morceau du
disque éponyme dont il est question... Cet oiseau est à l’origine du prénom
Aqissiaq, titre du deuxième morceau d’Aqisseq.
Quant au premier morceau de l’album, « Aqissit », c’est juste le
pluriel d’aqisseq… Après ces précisions ornithologiques, étymologiques et
orthographiques, place à la musique…
Le disque se présente sous forme de deux pièces d’environ
dix-sept minutes et d’une coda de deux minutes. Habitués de l’univers de
l’improvisation libre, les trois musiciens dialoguent sur un pied de parfaite
égalité. Ils passent d’un monde bruitiste – les cliquetis cristallins du
piano conversent avec les palpitations de la batterie et le bourdonnement de la
contrebasse – à un monde entomologique fait de grincements, frottements et
grésillements, avant de monter en intensité, porté par le grondement des fûts,
les stridences de l’archet et l’ostinato hypnotique du piano… Le trio malaxe
les timbres et tord les rythmes : une complainte de la contrebasse se mêle
aux riffs et clusters du piano, qui répondent aux roulements secs de la
batterie. Ces interactions rythmiques particulièrement expressives évoquent
évidemment la musique contemporaine. Même esprit pour le deuxième mouvement,
avec des sculptures sonores à base de jeu étendu : les glissandos,
crissements, murmures, mais aussi les lignes tendues de la contrebasse, font
échos aux frémissements, frottements et autres carillonnements de la
batterie, sur des craquements, motifs répétitifs, bribes de thèmes et notes
éparses du piano. Dans la coda, Edwards esquisse une mélodie lointaine et
étouffée, tandis que Noble parsème ses crissements de splash et qu’Agnel lance
des petites phrases bruitistes…
Aqisseq propose
une musique d’avant-garde expérimentale exigeante, certes, mais captivante car étrangement
familière.