23 janvier 2019

Petite Moutarde – Théo Ceccaldi


Le violoniste Théo Ceccaldi crée le quartet Petite Moutarde en 2014, dans le cadre de l’association Tricollectif. Le 25 septembre 2015 un disque éponyme est publié chez ONJ Records, premier album d’un label qui vient de voir le jour.

Ceccaldi s’entoure d’Alexandra Grimal (également collègue dans l’ONJ) aux saxophones, Ivan Gélugne à la contrebasse et Florian Satche à la batterie. Petite Moutarde est inspiré par Entr’acte, film de René Clair réalisé en 1924 sur un scénario de Francis Picabia et une musique d’Erik Satie. Petite Moutarde est un hommage à une chamelle de course : le ton dadaïste est donné ! Ceccaldi signe les huit morceaux du disque, tous nommés selon des épices : de « Petit citron vert » à « Petit gingembre », en passant par « Petit wasabi », « Petite harissa »…

Les huit morceaux se présentent comme autant de saynètes avec chacune leur caractère, un peu comme la juxtaposition des scènes qui composent Entr’acte : une cavalcade heurtée (« Petit citron vert » »), un déchaînement rythmique (« Petit wasabi »), une danse espiègle (« Petit piment d’Espelette »), une ode sombre (« Petit gingembre »), une discussion à bâton rompu (« Petit chipotle »)… L’humour est certes présent dans les titres des compositions, mais également explicite dans certains passages, « dromadaire » répété au vocodeur (« Petit citron vert »), ou généré par des contrastes amusants (« Petite harissa »). Le quartet n’a de cesse de jouer avec les textures : les aigus du sopranino se fondent à ceux du violon, les vocalises se marient aux lignes sombres de la contrebasse, les pizzicatos et les frisés se rejoignent, le rubato de l’alto fusionne avec le legato de la contrebasse, le ténor et le violon s’unissent… Ceccaldi met tout le monde au moulin à rôle égal. Le jeu luxuriant et polyrythmique de Satche assure une dynamique vigoureuse du début à la fin du disque (à l’instar du passage en chabada ultra-rapide dans « Petit citron vert »). Quelques soient les délires de ses comparses, Gélugne conserve une carrure robuste (« Petit chipotle »), ses ostinatos cadrent les discours (« Petit poivre de Sichuan ») et son archet se montre toujours expressif (« Petit wazabi »). Avec un sens de la répartie remarquable, Grimal alterne murmures (« Petit raifort »), envolées débridées (« Petit piment d’Espelette »), passages solennels (« Petit poivre de Sichuan »), volutes emportées (« Petite harissa ») et toutes sortes de dialogues et d’unissons épicés… Détaché, martelé, louré, staccato, ricoché, sautillé… toutes les techniques d’archet y passent ! Ceccaldi bondit d’un développement violent (« Petite harissa ») à un déroulé mystérieux (« Petit gingembre »), transforme un échange intime en un tumulte free (« Petit chipotle »), sautille joyeusement (« Petit citron vert ») et maintient une pression constante !

Savant dosage de musique contemporaine et de free, Petite moutarde monte aux oreilles toute en finesse et avec délectation…