Le Grand Six, YO5, Aérophone, Lucky Dog, Old & New Songs, Slow… autant de projets qui permettent d’apprécier l’originalité de la musique de Yoann Loustalot. Le 12 mars 2021, le trompettiste propose Sleeper Train, un nouvel opus publié chez Bruit Chic, label que Loustalot a fondé avec Victor Michaud en 2010.
Loustalot poursuit ses pérégrinations en quartet, format avec lequel il enregistre souvent depuis Primavera, son premier disque, sorti en 2006. Sleeper Train réunit quatre compagnons de scène qui se connaissent sur le bout des notes : le pianiste François Chesnel, le contrebassiste Frédéric Chiffoleau et le batteur Fred Pasqua.
Au programme de Sleeper Train, neuf étapes multiculturelles qui tournent essentiellement autour d’airs traditionnels : « Sanza tristesse » de Francis Bebey (Psychedelic Sanza 1982 – 1984), deux thèmes japonais – « Le chemin vers Izumo : le soleil se couche sur le temple de Kyoto » de Toshio Funagawa et « Kuroda Bushi », chanson folklorique de la ville de Fukuoka – , le célèbre « Oy, moroz moroz » composé par Maria Pavlovna Morozova-Uvarova en 1954, « Mangé pou le cœur » du poète réunionnais Alain Péters (1984), « Gente humilde » d’Anibal Augusto Sardinha, Vinicius de Moraes et Chico Buarque (1945), la comptine américaine « Oh Where », la ballade écossaise « Tam Lin » et un traditionnel mongol, « Ekh ornii magtaal ».
Des ambiances intenses (« Sanza tristesse »), intimistes (« Oy, moroz moroz »), voire mystérieuses (« Gente humilde ») et empreintes de mélancolie (« Oh Where »), laissent place à des mélodies cinématographiques (« Le chemin vers Izumo… »), des comptines (« Kuroda Bushi »), des ballades solennelles (« Tam Lin »), des envolées néo-bop (« Ekh ornii magtall »), ou encore, des mouvements qui balancent tranquillement (« Mangé pou le cœur »). Le quartet est en parfaite osmose. Constamment aux aguets, Pasqua passe de cliquetis et rim shot entraînants (« Sanza tristesse ») à un feulement subtil (« Gente humilde »), de frappes dynamiques et véloces (« Ekh ornii magtall ») à un jeu aux balais plein de swing (« Oy, moroz moroz »)… Le gros son boisé de Chiffoleau met en relief ses motifs minimalistes (« Oh Where »), la souplesse de ses lignes (« Le chemin vers Izumo… »), ses riffs dansants (« Mangé pou le cœur ») et ses chorus mélodieux (« Tam Lin »). En accompagnateur attentif, Chesnel alterne suites d’accords discrètes (« Oy, moroz moroz »), contre-chants élégants (« Tam Lim ») et autres phrases délicates (« Oh Where »). Ses dialogues avec Loustalot swinguent efficacement (« Oy, moroz moroz »), ses discussions avec la contrebasse et la batterie foisonnent joyeusement (« Le chemin vers Izumo… ») et si, dans l’ensemble, son approche est plutôt franche et sobre (« Ekh ornii magtaal »), il laisse parfois percer une pointe de lyrisme (« Kuroda Bushi »). Quant à Loustalot, sa sonorité ronde et velouté (« Le chemin vers Izumo... »), ses volutes aériennes (« Sanza tristesse »), son phrasé net et précis (« Ekh ornii magtaal »), son jeu décontracté (« Gente humilde ») et ses développements placides (« Oy, moroz moroz ») emmènent l’auditeur dans un voyage où contemplation et action se côtoient sans cesse.
Sleeper Train s’approprie les mélodies traditionnelles avec beaucoup de bonheur et les met à sa sauce, moderne, raffinée et savoureuse !
Le disque
Sleeper Train
Yoann Loustalot (tp, bugle), François Chesnel (p), Frédéric Chiffoleau (b) et Fred Pasqua (d).
Bruit Chic – BC0152
Sortie le 12 mars 2021
Liste des morceaux
01. « Sanza tristesse », Bebey (5:30).
02. « Le chemin vers Izumo : le soleil se couche sur le temple de Kyoto », Funagawa (9:58).
03. « Oh Where », traditionnel américain (3:36).
04. « Ekh ornii magtaal », traditionnel mongol (6:04).
05. « Oy, moroz moroz », Maria Pavlovna Morozova-Uvarova (5:57).
06. « Mangé pou le cœur », Alain Péters (4:53).
07. « Kuroda Bushi », traditionnel japonais (6:30).
08. « Tam Lin - Child 39 », traditionnel écossais (6 :46).
09. « Gente humilde », de Moraes, Buarque & Sardinha (3:07).