26 octobre 2015

Machado / Sieverts / Merville au Triton

Jeudi 15 octobre, il est vingt-et-une heure, il bruine et il fait froid, mais pas au Triton car Jean-Marie Machado et son trio réchauffent l’atmosphère du club des Lilas… 




Si, depuis quelques années, les duos avec Dave Liebman ou Antonio Placer et l’orchestre Danzas sont au centre de la discographie de Machado, c’est en trio piano – contrebasse – batterie, aux côtés des frères Moutin, que Machado enregistre ses premiers disques : Father Songs en 1988 et Kah ! Pob ! Wah ! en 1989, suivis, en 1993, de Séquence Thmiryque. Il faut ensuite attendre 2007 et Sœurs de sang pour retrouver Machado dans cette formule, en compagnie de Jean-Philippe Viret et Jacques Mahieux. 2015 marque l’avènement d’un troisième trio, avec Henning Sieverts à la contrebasse et François Merville à la batterie. Cela fait déjà quelques années que ces deux musiciens font partie de la sphère Machado : ils jouent notamment dans Fiesta Nocturna, enregistré en  2010 avec Danzas.

Le programme de la soirée s’articule autour de moreaux signés Machado : « El Mar », au répertoire de Lagrima latina, « Kah ! Pob ! Wah ! », tiré du disque éponyme, « Fado Amalia », extrait de Sœurs de sang, « Ruffle Bass », composé pour le trio, ou encore, trois morceaux inédits sur disque, « Aspirer la lumière », « Slow Bird » et « Le voleur de fleurs ». S’ajoutent « Nardis » de Miles Davis, « Les pas dans le ciel » de Merville, et « Tirana » de Sieverts.

Le trio joue en équipe : pas de soliste attitré, mais une circulation permanente des rythmes et des mélodies, d’un musicien à l’autre. Lignes denses (« El Mar »), ostinatos efficaces (« Les pas dans le ciel »), bruitismes contemporains (« Aspirer la lumière »), phrases heurtées (« Nardis »), discours bop parsemé de citations (« Kah ! Pob ! Wah ! ») et, toujours, un lyrisme à fleur de peau (« Fado Amalia »), autant d’ingrédients qui donnent à la musique de Machado un caractère original, à la croisée des anciens et des modernes. Les
traits puissants et graves de Sieverts (« Ruffle Bass ») soulignent à l’unisson le discours du piano (« Le voleur de fleurs »), ponctuent énergiquement les propos du trio (« El Mar »), distillent des motifs minimalistes (« Isela »), passent d’une walking énergique (« Tirana ») à une complainte à l’archet (« Slow Bird »)… le tout, avec une grande mobilité et une pertinence précieuse (« Aspirer la lumière »). Merville est un batteur vif et mélodieux (« Kah ! Pob ! Wah ! »), à l’instar de son jeu dansant sur les fûts (« Aspirer la lumière »), ses rim shots entraînants (« Les pas dans le ciel »), ses mailloches élégantes (« Isela »), ses chabadas affûtés (« Tirana ») et ses roulements subtils (« Fado Amalia »), mais il sait également se montrer brutal dans des passages binaires (« Les pas dans le ciel »), des stop-chorus imposants (« Tirana »), des grondements robustes (« Ruffle Bass »)…

La musique de Machado, Sieverts et Merville est à la fois inventive et familière : leurs trouvailles contemporaines ne se perdent pas dans une abstraction hermétique car elles s’appuient sur une base rythmique vigoureusement jazz !