Le batteur s’entoure d’un trio de haut vol : Miguel Zenón au saxophone alto (David Sánchez, Ray Barretto, SFJazz Collective, Liberation Music Orchestra…), Aaron Goldberg au piano (Joshua Redman, Kurt Rosenwinkel, Wynton Marsalis…) et François Moutin à la contrebasse (Jean-Michel Pilc, Antoine Hervé, Rudresh Mahanthappa…). Le pianiste classique Giorgi Mikadze est également invité sur trois morceaux.
Le répertoire de Faune s’articule autour de sept compositions de Pannier, deux standards jazz – « Lonely Woman » d’Ornette Coleman, tiré de The Shape of Jazz to Come de 1959, et « E.S.P. » de Wayne Shorter, extrait du disque éponyme de 1965 –, un thème signé Hamilton de Holanda, « Capricho de Raphael » (Caprichos – 2014) et deux morceaux classiques : « Le baiser de l’enfant Jésus » d’Olivier Messiaen (quinzième pièce de Vingt Regards sur l’Enfant-Jésus – 1944) et « Forlane » de Maurice Ravel (troisième mouvement du Tombeau de Couperin – 1917). A noter sur la pochette du disque une inversion de titre entre « Forlane » et « Fauna ».
D’entrée de jeu, le quartet frappe fort : « Lonely Woman » fait sans doute partie des plus beaux standards du jazz et Zenón l’interprète avec beaucoup de sensibilité, soutenu par les accords arpégés de Goldberg, le balancement subtil de Moutin et les frappes profondes de Pannier. D’abord lent et tendu, le morceau s’emballe quand le saxophone alto se lance dans des phrases véloces, tandis que la contrebasse joue des lignes grondantes et que la batterie tonne. « Midtown Blues », joué en trio piano – contrebasse – batterie, démarre comme du hard-bop : un exposé abrupt et rapide à l’unisson. Le trio dialogue avec verve ! Goldberg montre la variété de son jeu : accords malins et série de questions-réponses astucieuses. Moutin n’est pas en reste, avec un chorus vif et boisé et des passages en walking basse rapide, accompagnée par le chabada impétueux de Pannier Dans « Lullaby », Zenón parsème son discours de touches moyen-orientales et développe le thème en boucles avec Goldberg et Moutin, alors que Pannier passe d’un drumming en suspension à des coups puissants et touffus. C’est un quatuor sans contrebasse, mais avec le saxophone alto et Mikadze au piano, qui interprète « Le baiser de l’Enfant-Jésus », dans un style chambriste élégant, agrémenté de contre-chants, et souligné par le glissement souple des balais. Un déferlement de vagues introduit « E.S.P. ». Le thème est d’autant plus entraînant que Zenón et Goldberg prennent des solos fluides et nerveux, dans un esprit néo-bop, pendant que Moutin et Pannier déroulent une walking et un chabada énergiques. Retour à la musique de chambre : « Forlane » est interprétée avec légèreté, dans une veine classique. Quant à « Fauna », il fleure bon la musique latino : thème chaloupé, riff déhanché de la contrebasse, jeux en accords du piano et batterie dansante. Dans le « Capricho de Raphaël », les chorus lestes de Moutin et Goldberg évoquent un peu les phrases allègres du bandolim d’Holanda, puis, sur les cliquetis de Pannier, le trio fait monter la tension. Le motif de « Monkey Puzzle Tree » se rapproche lui aussi de la musique de chambre. Le chorus du saxophone alto est séduisant, les interactions ingénieuses et la batterie particulièrement musicale.
Pannier peut être fier de sa Faune bigarrée et fougueuse : à quand sa Flore ?
Le disque
FauneRaphaël PannierMiguel Zenón (as),
Aaron Goldberg (p), François Moutin (b) et Raphaël Pannier (d), avec Giorgi
Mikadze (p).French Paradox – FP.004Sortie le 18 septembre
2020.
Liste des morceaux
01.
« Lonely Woman », Coleman (10:00).02.
« Midtown Blues » (5:23).03. « Lullaby »
(6:38).04. « Le baiser de l’Enfant-Jésus
», Messiaen (8:38).05.
« Intro to ESP » (0:53).06.
« E.S.P. », Shorter (6:00).07.
« Outro to ESP » (0:51).08.
« Forlane », Ravel (7:21).09. « Fauna », (6:36).10. « Capricho de
Raphael », de Holanda (5:15)11.
« Monkey Puzzle Tree » (5:23).12.
« Monkey Puzzle Tree Final » (2:09).
Tous les morceaux sont signés Pannier sauf indication contraire.