Après s’être formé en France, Simon Denizart s’installe au Québec en 2011. Il commence par enregistrer trois albums pour The 270 Sessions, puis, en 2021, Nomad pour Laborie Jazz. Depuis 2023, le pianiste a rejoint Justin Time Records, chez qui il va sortir Piece of Mind le 29 mars 2024. L’occasion de partir à la découverte du plus Québécois des pianistes Français…
La musique
Mes parents avaient des amis dont les enfants jouaient du piano, ce qui m’a donné envie de jouer de cet instrument. Par ailleurs, il y avait un piano dans le hall de mon école maternelle et j’aimais m’y arrêter pour pianoter… Lorsque j’ai dit à mes parents que je voulais faire des cours de piano, ils m’ont acheté une flûte à bec ! Après un an de flûte à bec, j’ai eu le droit de commencer le piano...
Très jeune j’ai eu la chance de rentrer au conservatoire de Créteil en piano classique : dès le CE2, j’ai été admis en classe à horaires aménagés musique de mon école primaire. Parallèlement, j’ai intégré le chœur d’enfants Sotto Voce, dirigé par Scott Alan Prouty, avec qui j’ai fait mes premières scènes, notamment dans des cadres prestigieux, comme une soirée au profit de l’UNICEF aux côtés d’Isabelle Boulay.
J’ai découvert le jazz à l’adolescence, grâce au disque de Keith Jarrett, The Köln Concert. Avec un autre disque de Jarrett, c’était l’un des seuls disques de jazz qu’il y avait à la maison. Dès la première écoute j’ai été envoûté par The Köln Concert, que j’ai écouté en boucle, et qui a été mon introduction au jazz... A la fin de mes études musicales classiques, je me suis initié à la musique pop et au jazz en rejoignant l’EDIM et le Conservatoire de Limeil-Brévannes. J’ai pu y côtoyer de nombreux professeurs actifs sur les différentes scènes musicales.
En 2011, j’ai intégré l’Université de Montréal, suivi les cours du professeur de piano Luc Beaugrand et fini mon parcours scolaire en 2014. J'ai alors décidé de rester au Québec. En 2015, j’y ai produit mon premier disque, Between Two Words, sur le label The 270 Sessions. Ensuite, j’ai sorti Beautiful People en 2016, et Darkside en 2017, toujours chez The 270 Sessions. J’ai aussi été nommé « Révélation Radio Canada » en 2016, et nominé à l’ADISQ à trois reprises : en 2017, 2018 et 2021, pour mon quatrième disque Nomad, sorti chez Laborie Jazz, en France. Au printemps 2022, Justin Time Records m’a proposé de produire mon cinquième album, Piece of Mind, qui sort le 29 mars 2024.
Parallèlement à ma carrière de compositeur, j’ai eu la chance de partager la scène avec de nombreux artistes français, canadiens et internationaux tels que Fred Wesley, Dominique Fils-Aimé ou encore Kid Be Kid.
Lors de ma découverte du jazz, Jarrett et Miles Davis sont rapidement devenus des artistes incontournables, grâce à qui j’ai pu découvrir différents styles et comprendre l’histoire du Jazz. Par la suite, je suis tombé amoureux du trio suédois d’Esbjörn Svensson, puis du pianiste arménien Tigran Hamasyan et du pianiste américain Robert Glasper. Ils sont, à ce jour, mes principales références et inspirations en ce qui concerne le piano. Mais j’ai aussi beaucoup écouté des artistes de musiques populaires tel que Elton John, Stevie Wonder, Bob Marley, ainsi que le groupe anglais Queen. Sinon, dans ma jeunesse et pendant mon adolescence, j’écoutais surtout des rappeurs français et américains tels que 113, NTM, Sniper, Saïan Supa Crew et Eminem...
Cinq clés pour le jazz
Qu’est-ce que le jazz pour vous ? Le jazz est avant tout une forme d’art qui fusionne deséléments de la musique africaine, européenne et américaine, et qui résulte de la traite des esclaves envoyés contre leur gré en Amérique du Nord et exploités par les colons européens. C’est pour moi l'expression d'une forme de résistance.
Pourquoi la passion du jazz ? Pour moi, le jazz représente la recherche de la liberté et il incarne l’émotion pure. Dès les premiers enregistrements que j’ai écoutés, j’ai ressenti des émotions uniques, et senti que cette musique venait éveiller une spiritualité en moi, que je ne connaissais pas. La transe que dégage cette musique a changé aussi ma façon de vivre et de voir le monde.
Où écouter du jazz ? L’endroit privilégié pour écouter cette musique, c'est un club de jazz... C’est le lieu où il y a le plus de proximité avec les musiciens. Cela dit, personnellement, je préfère écouter du jazz dans des salles de spectacle parce que je peux entrer dans une « bulle », alors que les clubs de jazz sont souvent des endroits où il y a des bruits ambiants, du bar ou du restaurant.
Comment découvrir le jazz ? Selon moi, la meilleure façon de découvrir le jazz est avant tout d’écouter des enregistrements... Il est tout aussi intéressant d’écouter un album concept qu’un album live. Pour ma part, j’ai toujours eu un faible pour les albums et les musiciens mettant l’accent sur la mélodie.
Une anecdote autour du jazz ? En 2011, lorsque j’ai eu la chance d'enregistrer en studio avec Wesley, je l'ai ramené à son hôtel à Vitry-sur-Seine, à deux pas de chez moi. A l’époque, j’écoutais beaucoup de chanteurs et d'instrumentistes Funk. Lorsqu’il s’est assis dans ma voiture, il a regardé les CD que j’avais : il avait joué sur plus de la moitié d’entre eux... J’ai eu le droit à plusieurs anecdotes ! Mais, à l’époque, mon niveau d’anglais ne m’a permis d’en comprendre qu’une partie… Quand je suis arrivé à mon test de son au New Morning, pour jouer avec lui, j’ai joué les accords de The Days of Wine and Roses. Il s’est mis à jouer et à improviser. A la fin de mon test de son, il est venu me dire : « Ah ! Oui, j’ai oublié de te dire que j’ai joué pendant plusieurs années dans l’orchestre de Count Basie ». Cette semaine à ses côtés fut probablement l’une des plus grandes leçons musicales de ma carrière.
Le portrait chinois
Si j’étais un animal, je serais un loup,
Si j’étais une fleur, je serais une orchidée,
Si j’étais un fruit, je serais une mangue,
Si j’étais une boisson, je serais du rhum,
Si j’étais un plat, je serais une épaule d’agneau,
Si j’étais une lettre, je serais le Z,
Si j’étais un mot, je serais exigence,
Si j’étais un chiffre, je serais 7,
Si j’étais une couleur, je serais rouge,
Si j’étais une note, je serais le Sol.
Les bonheurs et regrets musicaux
L’un de mes grand bonheur est mon premier album, Between Two Worlds, qui a débouché sur la nomination « Révélation Jazz Radio Canada », qui m’a permis de signer sur mon premier label. Je ne pensai pas avoir la chance de produire un jour ma musique, et ce fut le début de ma carrière de compositeur. Côté regrets, je suis encore trop jeune pour en avoir ! Je n’ai aucune limite et vis la vie au jour le jour avec beaucoup de gratitude pour mon parcours musical !
Sur l’île déserte...
Quels disques ? The Köln Concert de Jarrett, Live in Hamburg d’Esbjörn Svensson Trio, In My Element de Glasper et A Fable de Tigran Hamasyan.
Quels livres ? Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson et L’homme qui voulait vivre sa vie de Douglas Kennedy.
Quels films ? Le Dîner de Cons de Francis Weber, La Tour Montparnasse infernale de Charles Nemes, A bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson et La Cité de la peur d’Alain Berbérian et Les Nuls.
Quels loisirs ? La cuisine, le sport et la musique.