10 mai 2015

You've Been Watching Me

You’ve Been Watching Me
Tim Berne’s Snakeoil
ECM – 472 2298

En plus de trente ans de carrière Tim Berne a joué avec la plupart des musiciens de l’avant-garde new-yorkaise et formé quelques groupes légendaires, dont Bloodcount avec Michael Formanek, Chris Speed et Jim Black, Big Satan avec Marc Ducret et Tom Rainey, BB&C (en concert à Sons d’hiver 2014) avec Nels Cline et Black… En 2009, Berne crée Snakeoil avec Oscar Noriega aux clarinettes, Matt Mittchel au piano et Ches Smith à la batterie. Le quartet sort un premier disque éponyme en 2012, suivi de Shadow Man, en 2013, toujours chez ECM.

Pour You’ve Been Watching Me, Snakeoil accueille le guitariste Ryan Ferreira. Les onze morceaux, tous composés par Berne, varient d’un peu moins de deux minutes pour le thème-titre à près de vingt minutes pour « A Small World In A Small Town ».

La musique Berne possède des caractéristiques qui la rendent immédiatement identifiable : des mélodies denses, tourmentées et dissonantes (« Lost In Redding »), exposées à l’unisson (« False Impressions ») ou sous forme de contrepoints (« Semi-Self Detached »), débouchent sur des échanges chambristes contemporains (« Embraceable Me »), puis des superpositions de tourneries s’amplifient et font monter la tension à son paroxysme (« False Impressions »). Pour fonctionner, c’est-à-dire éviter la cacophonie abstraite, cette approche nécessite un quintet parfaitement équilibré et une pulsation constante que Snakeoil a trouvé : une batterie puissante et touffue, mais régulière et mélodieuse ; un piano au jeu contemporain et minimaliste (pédales, ostinatos, notes isolées…) ; une clarinette aux réparties subtiles (vive dans « Lost In Redding », lointaine puis presque klezmer dans « Small World In A Small Town », mystérieuse dans « Embraceable Me ») ; une guitare aux contrechants aériens (« Lost In Redding ») ou aux lignes délicates (« You’ve Been Watching Me »), et aux accompagnements variés (bruitiste, accords dirty, nappes synthétiques…) ; un saxophone alto mélodieux (« Small World In A Small Town »), qui affectionne les boucles (« Embraceable Me ») et se plaît à transformer progressivement des phrases douces, presque fragiles, en cris aigus et tendus (« Semi-Self Detached »).

You’ve Been Watching Me est un opus typiquement « bernien », c’est-à-dire libre et sophistiqué, entre free jazz et musique contemporaine, avec une touche de rock underground.