13 octobre 2017

Trio Barolo à l’Ermitage…

Créé il y a cinq ans, Trio Barolo enregistre Le ballet des airs en 2013 et c’est à l’occasion de leur deuxième opus, Casa Nostra, qu’il se produit au Studio de l’Ermitage le 19 septembre 2017.

Quand l’Italie, la France et la Crète se rencontrent : Trio Barolo est formé du tromboniste Francesco Castellani (Conservatoire Royal de Bruxelles, et Académie Internationale de Musique de Cologne…), du contrebassiste Philippe Euvrard (Opéra de Paris, Jane Birkin, Jérôme Savary…) et de l’accordéoniste – pianiste – chanteur Rémy Poulakis (Conservatoire National de Lyon…). Trio Barolo collabore également avec la compagnie circassienne les Nouveaux Nez et, depuis une résidence à l’Amphi Jazz de l’Opéra de Lyon en 2016, il se transforme souvent en quartet ou quintet en compagnie du guitariste Kevin Seddiki, du percussionniste Anthony Gatta ou du clarinettiste Carjez Gerretsen (invité sur deux titres de Casa Nostra).

Produit par La Belle Anaphore, Casa Nostra a été enregistré au Studio La Buissonne par Gérard de Haro. Le concert reprend huit des neuf morceaux du disque, tous signés Castellani ou Euvrard, sauf « Mike P », un thème de Philippe Petrucciani, et « E lucevan le stelle », tiré de la Tosca de Giacomo Puccini. Le trio joue également « Le ballet des airs » du premier album éponyme, une valse musette d’Euvrard et « Maghreb » de Castellani.

Le déroulé du « ballet des airs », qui entame le concert, reflète plutôt bien l’esprit de la musique du Trio Barolo. Souffle, sifflements et ostinato introduisent le morceau, suivi de l’exposition du thème par le trombone et l’accordéon à l’unisson, sur un motif répétitif de la contrebasse. Castellani, sonorité soyeuse et sens mélodique infaillible, enchaîne sur un solo élégant, repris par Poulakis, qui double es phrases véloces de l’accordéon avec des vocalises, tandis qu’Euvrard joue son riff, imperturbable. Les morceaux transgressent joyeusement les genres. Trio Barolo assaisonne son jazz de valse (« Chel’Pro Valse » - titre approximatif), musique de film (Ennio Morricone dans « Mike P »), folklore oriental (« Malahim »), airs des Balkans (« Barolo Nuevo »), musique classique (« E lucevan le stelle »), dialogues échevelés (« Tirana »)…



Tout au long du concert, le trombone se montre majestueux (« Malahim »), velouté (« Barolo Nuevo »), voire touchant (« Carla »), avec une mise en place rythmique entraînante (« Tirana ») et un à propos mélodique affuté (« Casa Nostra »), pimenté de citations («  My Favorite Things » dans « Mike P »). Quand Castellani chante, les airs traditionnels d’Ombrie pointent à la surface (« Barolo Nuevo », « Tirana »)... L’accordéon passe du rôle d’accompagnateur, avec ses suites d’accords (« Carla »), ses contrepoints (« Maghreb ») ou ses ostinatos (« Casa Nostra »), à celui de soliste virevoltant (« Tirana »), dansant (« Chel’Pro Valse »), orientalisant (« Casa Nostra »)… Comme les contrebassistes Slam Stewart et Major Holley en leur temps, Poulakis chantonne à l’unisson de l’accordéon avec virtuosité (« Barolo Nuevo »), ce que lui permet sa solide formation de chanteur lyrique. L’opéra s’invite d’ailleurs à la soirée quand le ténor se lance dans la célébrissime romance « E lucevan le stelle ». Euvrard met sa belle sonorité grave et boisée au service du trio : riffs (« Malahim »), boucles (« Casa Nostra »), lignes dansantes parsemées de shuffle (« Chel’Pro Valse ») et pédales (« E lucevan le stelle ») soutiennent d’autant mieux les solistes que le jeu du contrebassiste est carré (« Carla »), à l’instar du chorus mélodieux et tendu de « Barolo Nuevo ».  L’archet permet d’ajouter non seulement des effets électro (« Mare Nostrum ») ou rythmiques (« Maghreb »), qui viennent relever les morceaux, mais aussi de l’ampleur au discours du quartet (« Mike P »). De sa formation classique, Gerretsen en tire une aisance technique à toute épreuve (« Tirana »), une sonorité limpide (« Barolo Nuevo ») et un phrasé précis (« Mike P »). La clarinette amène une touche mélancolique, notamment dans les duos avec l’accordéon, quelques couleurs orientales (« Maghreb ») et beaucoup d’élégance (« Carla »).

Euvrard et Castellani se partagent la présentation des morceaux et racontent volontiers des anecdotes : « Malahim », qui signifie les anges, est la langue des séfarades espagnols ; Castellani est originaire d’Ombrie et, d’ailleurs, le nom du trio est un hommage direct à l’Italie et au vin éponyme de la région du Piémont ; « Carla » est dédié à l’épouse du tromboniste et Gerretsen n’est autre que le fils de Castellani, avec lequel le trio a joué lors d’une résidence à l’Opéra de Lyon en 2016 ; c’est aussi le clarinettiste qui a soufflé à son père le nom de Pouliakis ; « les voyages forment la jeunesse, mais  les voyages forment aussi la musique… » constate philosophiquement Euvrard, en présentant « Tirana » ; quant au titre du disque, « Casa Nostra », il évoque une résidence à Casablanca en compagnie de musiciens d’Agadir, avec lesquels le trio s’est senti « comme à la maison » ;  « Mike P » est un clin d’œil à Michel Petrucciani, à qui Bill Evans avait suggéré de raccourcir son nom s’il voulait faire carrière en Amérique ; « Chel’Pro Valse » est une valse musette inspirée par les guinguettes du Val de Marne et « Maghreb », un air rapporté par Castellani d’une tournée en Algérie… 

Généreux et enthousiaste, Trio Barolo propose une musique chaleureuse, dans laquelle mélodies et rythmes entraînent l’auditeur dans un univers lumineux : Casa Nostra est un beau un voyage autour de la Méditerranée, la « Mare Nostrum » et ses civilisations.



Le disque

Casa Nostra
Trio Barolo
Rémy Poulakis (acc, voc), Francesco Castellani (tb, Conque, voc) et Philippe Euvrard (b), avec Carjez Gerretsen (cl, bcl)
Ana Records – ANA 102/2
Sortie en août 2017

Liste des morceaux

01.  « Malahim », Euvrard (4:22).
02.  « Casa Nostra », Euvrard (6:46).
03.  « Carla », Castellani (5:30).
04.  « Barolo nuevo », Euvrard (5:44).
05.  « Mare nostrum », Euvrard (1:59).
06.  « Mike P », Philippe Petrucciani (7:05).
07.  « Tirana », Euvrard (5:24).
08.  « E lucevan le stelle », Giacomo Puccini (5:18).
09.  « Carossello », Castellani (5:15).