21 décembre 2017

Body and Blues au Studio de l’Ermitage…

Après Folklores imaginaires en 2005, Espaces croisés en 2009 et Nomade sonore en 2015, le saxophoniste Eric Séva sort Body and Blues en octobre 2017 sur le label qu’il a créé, les Z’arts de Garonne. Le 28 novembre 2017, il présente son disque au Studio de l’Ermitage.

Marqué par King Curtis dans sa jeunesse, Séva a toujours été attiré par « la musique source de toutes les musiques improvisées, le blues ». En 2013, dans le cadre du festival Jazz & Garonne qu’il organise à Marmande, le saxophoniste demande à Sebastian Danchin de présenter une histoire du blues, illustrée par le chanteur canadien Harrison Kennedy. De cette rencontre est née l’idée de Body and Blues.

Pour interpréter son blues, Séva forme un quartet avec Manu Galvin aux guitares, Christophe Cravero aux claviers et au violon alto, Christophe Wallemme à la basse et à la contrebasse, et Stéphane Huchard aux percussions. En janvier 2017, ils entrent en studio pour enregistrer Body and Blues. Kennedy chante trois titres, le poème de Nougaro est confié à Michael Robinson. Sur deux morceaux Séva invite également l’accordéoniste Régis Gizavo. Body and Blues est dédié à Gizavo qui a disparu brutalement en juillet 2017, avant même la sortie du disque.

Séva signe dix titres et Kennedy deux. La direction artistique du disque a été confiée à Danchin et l’enregistrement à Ludovic Lanen. Le concert reprend tous les morceaux de Body and Blues avec, en deuxième bis, la version de « If You Go » mise en parole par Kennedy.


Pour commencer : les bals populaires avec l’orchestre familial, une formation classique à l’Ecole Normale de Musique de Paris et Dave Liebman… Pour continuer : d’un côté l’ONJ, Michel Marre, Khalil Chahine, Didier Lockwood, Daniel Yvinek… et, de l’autre, Michel Sardou, Zaz, Lara Fabian, Pascal Obispo, les Rita Mitsouko… Séva vit la musique. La mélodie facile (« Bivouac »), un lyrisme à fleur de peau (« Miniscropique Blues »), des envolées épicées (« Body and Blues »), des développements énergiques (« Trains clandestins »), une pédale wahwah  expressive (« Red Hat »)… : le saxophoniste marie avec succès tradition blues et modernisme.


Partenaire de Jean-Jacques Milteau, mais aussi de Jane Birkin, Maxime Le Forestier, Renaud… Galvin est également un homme de radio avec, notamment, son émission Mi La Ré Sol Si Mi sur TSF Jazz. Le blues sans guitare, c’est des frites sans sel… Ses unissons, accords et autres contrepoints mettent en relief les propos bluesy de ses compères, avec une touche d’humour bienvenue (la citation du Boléro de Maurice Ravel dans « A Gogo »). En solo, il s’illustre dans une veine de guitar hero (« Bivouac ») ou de rockeur bluesy (« Red Hat »). Dans « Le village d’Aohya », Galvin joue de la guitare acoustique dans un esprit entre folk et musique du monde.


Cravero apprend le violon alto, le piano et la batterie aux conservatoires de Marseille, puis de Saint-Maur des Fossés. Comme la plupart de ses comparses il accompagne aussi bien des chanteurs – Birkin, Thomas Fersen, Sanseverino… – que des musiciens de jazz – Billy CobhamRomane, Didier Lockwood… Au piano, comme aux claviers, les accords et phrases mélodiques de Cravero soulignent avec tact les propos des solistes (« Miniscropique Blues ») ou accentuent l’ambiance des morceaux (emphase dans « Monsieur Slide », foisonnement dans « Trains clandestins »).


Avec Pierre de Bethmann et Benjamin Henocq, Wallemme monte Prysm en 1994. Le trio laisse une empreinte durable dans le panorama du jazz hexagonal. Formé à l’école des clubs, le contrebassiste est aussi bien aux côtés de Louis Winsberg, Daniel Mille, Stefano Di Battista… que Maxime Leforestier, Françoise Hardy, James Taylor… Entre un riff sourd (« Monsieur Slide ») ou un leitmotiv grave (« A Gogo ») et une ligne entraînante (« Trains clandestins »), le bassiste prend des solos imposants et vifs (« Body and Blues ») ou mélodieux, rapides et souples (« Bivouac »).


Passé par l’école de batterie Dante Agostini, Huchard a joué avec pléthore de musiciens d’esthétique complétement différente : du Big Band Lumière de Laurent Cugny à Stochelo Rosenberg, en passant par l’ONJ, François Jeanneau, Andy Emler, Marc Berthoumieux… Des rythmes funky (« Monsieur Slide »), rock’n roll (« Red Hat »), slow (« Bivouac »), groovy (« Trains clandestins »)… Huchard sait s’y prendre pour insuffler des motifs entraînants et ses chorus sont pour le moins survoltés (frappes mates et serrées dans « A Gogo » et roulements ultra-rapides dans « Trains clandestins »).


Dans les années soixante-dix Kennedy s’est fait un nom au sein du groupe soul Chairmen of the Board. Après s’être éloigné de la musique pendant quelques décennies, Kennedy est revenu au blues en 2003, avec Sweet Taste. Dans « No Monopoly On Hurt », co-écrit avec Danchin, les intonations bluesy expressives de Kennedy font des merveilles. Outre l’harmonica typé de Kennedy, l’ensemble du morceau respire le blues : le répons du soprano, le contrechant de la guitare qui souligne la voix et la ligne marquée de la section rythmique. « Jolie Marie Angélique » est une chanson plus triste : cette esclave africaine importée du Portugal fût brûlée vive à Montréal en 1734. Elle n’avait que vingt-quatre ans. Séva passe au sopranino. Son duo avec le banjo et le chant de Kennedy sont émouvants. Dans « If You Go » tout est fait pour danser : rythmique funky puissante, baryton chauffeur et chant explosif !


Originaire de Chicago, mais installé à Paris, Robinson passe de Milteau à Etienne Daho, sans oublier Bob Sinclair ou Angélique Kidjo… Après que Séva ait récité respectueusement « Ici », un poème de Claude Nougaro, Robinson le chante dans « Blues Diaphane », en duo avec le soprano. Un morceau tranquille servi par la voix souple et gracieuse de Robinson.

Body and Blues porte bien son titre : Séva et sa troupe se donnent corps et (vague à l’) âme à leur musique. Un disque et un concert dans lesquels la vitalité et le blues cohabitent… comme dans la vraie vie.

Le disque

Body And Blues
Eric Séva
Éric Séva (bs, ss, sopranino), Manu Galvin (g), Christophe Cravero (p, kbd, alto), Christophe Wallemme (b) et Stéphane Huchard (perc), avec Régis Gizavo (acc), Harrison Kennedy (voc, bj, mandolin) et Michael Robinson (voc).
Les Z’Arts de Garonne – ESBB6412
Sortie en octobre 2017



Liste des morceaux

01.  « Monsieur Slide » (4:21).
02.  « Miniscropique Blues » (4:25).             
03.  « No Monopoly on Hurt », Kennedy & Danchin (5:44).
04.  « Body and Blues » (4:43).
05.  « A Gogo » (3:51).
06. « Trains clandestins » (6:47).                 
07. « If You Go » (3:24).        
08. « Blues diaphane », Séva & Nougaro (3:46).
09. « Bivouac » (6:36).
10. « Jolie Marie-Angélique », Kennedy (4:03).
11. « Red Hat » (5:35).
12. « Le village d'Aoyha » (4:36).


Toutes les compositions sont signées Séva, sauf indication contraire.