22 mai 2018

Onze Heures Onze Orchestra au Studio de l’ermitage…


Formé en 2014 par Alexandre Herer (claviers), Olivier Laisney (trompette) et Julien Pontvianne (saxophone ténor et clarinette), le Onze Heures OnzeOrchestra ne chôme pas : en septembre 2017, il se produit au Studio de l’Ermitage dans le cadre du festival Jazz à la Villette pour la sortie de leur Volume 1… Et rebelote le 11 mai 2018 pour le Volume 2 !

En dehors de Joachim Govin, tous les musiciens du Volume 2 ont répondu présents : Franck Vaillant et Thibault Perriard à la batterie, Florent Nisse à la contrebasse, Stéfan Caracci au vibraphone, Johan Blanc et Michel Massot au trombone (ou au tuba pour le deuxième), Stéphane Payen et Denis Guivarc’h au saxophone alto, et Magic Malik à la flûte et au chant pour les deux morceaux qui clôturent le concert.

L’orchestre joue des morceaux tirés du répertoire des deux volumes et poursuit sa route le long de la musique contemporaine. Steve Reich, Maurice Ohana, Isaac Albeniz, György Ligeti, Conlon Nancarrow, Edgar Varese, Olivier Messiaen, Morton Feldman… s’invitent à la fête, le plus souvent en filigrane. Les deux sets commencent d‘ailleurs par des œuvres contemporaines interprétées par le duo Les Discordantes. C’est d’abord la percussionniste Amélie Grould qui joue « Having Never Written a Note For Percussion (for John Bergamo) », œuvre composée par James Tenney, en 1971 : sur la mezzanine du Studio de l’Ermitage, les vibrations du gong croissent progressivement en intensité, du pianissimo au fortissimo, avant de décroître dans un mouvement continu jusqu’à retrouver le pianissimo initial. La saxophoniste Safia Azzoug enchaîne ensuite sur « Tre pezzi per sassofono », écrites par Giacinto Scelsi en 1956. Les trois pièces sont imbriquées : après un démarrage lent et mystérieux, ponctué de sauts d’intervalles et de quelques accents médiévaux, le soprano égrène une belle mélodie étrange… Quant au duo qui introduit le deuxième set, il s’inscrit dans la musique répétitive et l’esprit de Terry Riley (« A Rainbow In Curved Air ») plane au-dessus de cette composition signée Pontvianne : les pédales du soprano d’Azzoug s’immiscent dans les boucles du vibraphone de Grould et l’ensemble évolue par petites touches, puis débouche sur un passage minimaliste.


Le Onze Heures Onze Orchestra attaque la première partie avec « Proverb » de Reich, arrangé par Herer. Sur une rythmique solide, des nappes d’accords au clavier et un riff de vibraphone, les soufflants juxtaposent leurs voix dissonantes et Laisney s’envole dans un chorus tendu. Caracci a écrit « Densité 11.11 » (évidemment !) à partir du « Densité 21.5 » de Varese. Ce morceau ludique démarre avec Massot, qui souffle et crie dans son tuba bouché, sur une rythmique minimaliste, avant que l’orchestre entre en jeu petit à petit et qu’Herer prenne un solo à base de clusters et de motifs économes dans une lignée free contemporain. La « Fanfare pour Denis » (Guivarch’) de Payen, inspirée par Ligeti et Nancarrow, commence par un cri d’oiseau à l’unisson et s’oriente vers un concerto déchaîné pour saxophone alto, porté par un accompagnement touffu. Signé Vaillant, « Raja » est un morceau soigné et plutôt méditatif. A contrario, « Kung Fu 37 », écrit par Guivarch’ à partir de modes développés par Messaien, foisonne et se base sur des questions – réponses entre tous les instruments.


C’est avec l’« Autoportrait » d’Alban Darche, mélange d’Ohana et d’Albeniz, que débute la deuxième partie. Sur une rythmique puissante, le saxophone alto brode des lignes impétueuses, tandis que les chœurs rappellent une fanfare. Laisney a cherché chez Messiaen les racines d’« Arcane 4 ». Après des contrechants du tuba et du vibraphone, des mouvements des soufflants à l’unisson et un chorus sombre de la contrebasse, le morceau décolle sur un rythme quasiment funky. Malik rejoint l’orchestre pour « From Crippled Symmetry », un arrangement d’Herer de la pièce éponyme de Feldman. Les développements en suspension de la flûte, puis du saxophone alto, sur les ostinatos étirés des chœurs et les notes éparses du piano contrastent avec la rythmique entraînante. L’orchestre enchaîne avec « XP32 » de Malik : son chant, entre blues et incantations africaines, est particulièrement expressif, avec son lot de cris, passage en voix de tête et autres effets expressionnistes.


Dans Volume II, « Little Thing To », morceau dansant aux accents orientaux et bop, de Payen, et « Study For Player Piano N°20 », une transcription par Pontvianne de l’étude éponyme de Nancarrow, constituée d’alternances d’échanges minimalistes et de contrepoints recherchés, viennent compléter le programme. A noter la prise de son et le mixage impeccable du disque.

Fanfare contemporaine, le Onze Heures Onze Orchestra réussit à présenter un propos complexe sous une forme séduisante : les structures musicales sophistiquées s’appuient sur une rythmique charnelle.

Le disque

Vol II
Onze Heures Onze Orchestra
Olivier Laisney (tp), Julien Pontvianne (cl, ts), Stéphane Payen (as), Denis Guivarc’h (as), Johan Blanc (tb) ou Michel Massot (tb, tu), Stéfan Caracci (vib), Alexandre Herer (p, org), Joachim Govin ou Florent Nisse (b) et Franck Vaillant ou Thibault Perriard (d), avec Magic Malik (fl).
Onze Heures Onze – ONZ027
Sortie en mai 2018



Liste des morceaux

01. « Little Thing To », Payen (5:32).                       
02. « Densité 11.11 », Caracci (5:41).                     
03. « From Crippled Symmetry », Herer (8:04).                 
04. « Arcane 4 », Laisney (7:32).                 
05. « Study For Player Piano N° 20 », Pontvianne (6:20).
06. « Kung Fu 37 », Guivarch’ (5:48).
07. « XP32 », Malik (6:06).