En 1968, les architectes Jean-Claude Jallat et Michel Proux se voient confier la réalisation d’un immeuble de cent quatre-vingt logements, « Le Village », sur la dalle du Front de Seine. Adossé au nord à la centrale de chauffage urbain, l’immeuble est aveugle sur cinq niveaux et l’aménageur propose à la Direction des Affaires Culturelles de la Ville de Paris d’y installer une bibliothèque. Le 3 mai 1974 la bibliothèque Beaugrenelle ouvre ses portes. Forte de ses deux mille cent mètres carrés, de sa salle de projection et de ses cabines d’écoute musicale, c’est l’une des premières médiathèques en France. Pôle musical depuis la fin des années quatre-vingt dix, elle est rebaptisée bibliothèque Andrée Chedid en 2012.
Voilà près de quinze ans que la percussionniste Akiko Horii et le claviériste Jim Funnell ont formé AfuriKo, dont le nom est tiré d’un jeu de mots japonais : « Afurika », Afrique, et « Ko », enfant. Le duo compte trois disques à son actif : On The Far Side (2014), Style (2016) et Tao (2019).
Au programme du concert : quatre compositions originales (« Kotejuga », « Afro-Samba Funk », « No One Knows Where Willy Goes » et « Sukunya ‘s Soukous »), « Kassai », chanson de Taiji Nakamura et Ou Yoshida, immortalisée en 1972 par Naomi Chiaki, et qui figure sur Tao, « Flor de Lis » du musicien brésilien Djavan, « Pismo ti e doshlo », un chant bulgare, et « Red Dragonfly », un arrangement de deux morceaux traditionnels du Japon et de Guinée, au répertoire de Style.
Afuriko - Jim Funnell & Akiko Horii (c) PLM |
Inspiré du rythme Malinke éponyme, « Kotejuga » bondit du début à la fin ! Après un démarrage abrupt et dansant basé sur des percussions tintinnabulantes, la main droite swingue sur le piano, tandis que la main gauche joue une ligne de basse sourde sur un clavier midi et que la rythmique foisonne. « Afro-Samba Funk » est un thème-riff entraînant aux accents funky porté par des poly-rythmes fougueux et puissants. Pendant que Funnell déroule des motifs mélodico-rythmiques enjoués, Horii maintient le morceau sous pression avec ses frappes sur le cajón et le djembé, des pêches sur les congas, cymbales, carillon ou autre cowbells et le tintement des grelots-charleston. Afuriko interprète la ballade mélancolique « Kassai » dans un style comptine, mais les percussions restent exubérantes et le solo du piano rappelle ça-et-là Lennie Tristano. Changement de décor avec « Flor de Lis » : une mélodie chantante sur une rythmique chaloupée, agrémentée de variations typiques latin-jazz et de dialogues animés entre Horri et Funnell. Dédié à leur chat, souvent en vadrouille, « No One Knows Where Willy Goes » est quasiment figuratif et évoque les balades du chat, avec un thème circulaire qui s’appuie sur un ostinato et une cadence régulière, mais parsemée de splash et autres coups impromptus. Les riffs du piano et les envolées poly-rythmiques des percussions créent une ambiance intense. A « Pismo ti e doshlo », air folklorique touchant, succède un hymne quasiment romantique, « Red Dragonfly » ou « Aka Tombo » en japonais, hommage à la libellule rouge ! Une mélodie solennelle aux accents extrême-orientaux, soutenue par des percussions toujours dynamiques, laisse place à des lignes aux couleurs bluesy et funky encadrées par une rythmique énergique. « Sukunya’s Soukous » s’inspire à la fois du mythe de la sorcière Sukunya de Trinidad et Tobago et de la danse congolaise. Pendant que les mains d’Horii virevoltent sur les peaux et les cymbales dans un feu d’artifice de rythmes, Funnell développe des phrases joyeuses et légères, aux parfums des Caraïbes...
Pittoresque, gaie et dansante, la musique d’Afuriko a enflammé le public venu en nombre fêter l’anniversaire de la bibliothèque Andrée Chedid.