21 mai 2017

Dramaticules - Dominique Fonfrède et Françoise Toullec

Dramaticules
Dominique Fonfrède et Françoise Toullec
Dominique Fonfrède (voix) et Françoise Toullec (p).
Musea Gazul  Records – GA8870
Sortie en juin 2017

C’est en 2012 que Françoise Toullec et Dominique Fonfrède créent Dramaticules au Regard du Cygne, à Paris. Le disque sort sur le label Gazul de Musea Records, en juin 2017. Toullec vient au jazz via l’IACP d’Alan Silva, puis elle crée le quintet La Banquise, joue en duo avec le guitariste Mimi Lorenzini ou François Tusques forme Le Cœur sans doute avec Tania Pividori, collabore avec des peintres, vidéastes, sculpteurs… D’abord comédienne, Fonfrède se tourne vers la musique au début des années quatre-vingt, après avoir rencontré Georges Aperghis et Annick Nozati. Elle commence par la musique contemporaine avant de bifurquer vers l’improvisation, avec le trio Pied de poule.

Au programme de Dramaticules, seize morceaux inspirés par Catastrophe et autres dramaticules de Samuel Beckett, bien sûr, mais aussi des six livres de Grabinoulor de Pierre Albert-Birot (« De la rencontre avec Irène »), de la musique du compositeur hongrois György Kurtag (« Eponge et pierre ponce », « L’homme est une fleur) et des Etudes pour agresseurs d’Alain Louvier (« Morsokipett »). Au chapitre des références, dans le livret le duo cite également Jacques Tati, Francis Ponge, Bobby Lapointe, Robert Desnos, Georges Simenon

Il n’est pas question ici de chant jazz traditionnel à la Ella Fitzgerald et consorts, ou de jazz contemporain à la Elise Caron, ni de scat à la Bobby McFerrin, ni même de jeux de mots à la André Minvielle… mais plutôt d’expérimentations vocales, peut-être davantage dans l’esprit de Lisa Sokolov. Un texte sans ponctuation déclamé d’une traite (« De la rencontre avec Irène ») ou des phrases décalées sur le bruit de la mer (« Eponge et pierre ponce »), des onomatopées aux consonances germaniques (« Décompte »), des clics, murmures et chuchotements (« Si l’on peut dire »), des halètements (« Ballet brosse »), des jappements et aboiements qui entrecoupent un chant presque nô (« Mikado »), une prière bouddhiste qui répond au hurlement du loup (« Pleine lune »), des sons quotidiens (« Morsokipett »)… Fonfrède s’exprime dans une veine expressionniste théâtrale. Quant à Toullec, son piano préparé sonne tour à tour comme un clavecin (« Le fil rouge »), un balafon (« Si l’on peut dire »), une sanza (« Mikado »)… et son jeu est essentiellement rythmique : heurté, à l’unisson de la voix (« Morsokipett »), dans les cordes (« Il marchait seul […] »), en contrepoint (« Oh la la »), minimaliste (« L’homme est une fleur »)… La musique contemporaine et ses techniques étendues ne sont jamais très loin (« Versant »). La complicité entre les deux artistes est palpable (« Dramaticule ») et leur dialogue doit gagner à être vu sur scène.

Le duo Fonfrède – Toullec est marqué par la poésie et l’absurde, et leur musique contemporaine improvisée s’écoute comme une expérience sonore des plus singulières.