Dramaticules
Dominique Fonfrède et
Françoise Toullec
Dominique Fonfrède (voix) et Françoise Toullec (p).
Musea Gazul Records –
GA8870
Sortie en juin 2017
C’est en 2012 que Françoise Toullec et Dominique Fonfrède créent
Dramaticules au Regard du Cygne, à
Paris. Le disque sort sur le label Gazul de Musea Records, en juin 2017. Toullec vient au jazz via l’IACP d’Alan
Silva, puis elle crée le quintet La Banquise, joue en duo avec le guitariste
Mimi Lorenzini ou François Tusques forme Le Cœur sans
doute avec Tania Pividori, collabore avec des peintres, vidéastes, sculpteurs… D’abord
comédienne, Fonfrède se tourne vers la musique au début des années
quatre-vingt, après avoir rencontré Georges
Aperghis et Annick Nozati. Elle
commence par la musique contemporaine avant de bifurquer vers l’improvisation,
avec le trio Pied de poule.
Au programme de Dramaticules,
seize morceaux inspirés par Catastrophe
et autres dramaticules de Samuel
Beckett, bien sûr, mais aussi des six livres de Grabinoulor de Pierre
Albert-Birot (« De la rencontre avec Irène »), de la musique du
compositeur hongrois György Kurtag (« Eponge
et pierre ponce », « L’homme est une fleur) et des Etudes pour agresseurs d’Alain
Louvier (« Morsokipett »). Au chapitre des références, dans le
livret le duo cite également Jacques
Tati, Francis Ponge, Bobby Lapointe, Robert Desnos, Georges
Simenon…
Il n’est pas question ici de chant jazz traditionnel à la Ella Fitzgerald et consorts, ou de jazz
contemporain à la Elise Caron, ni de
scat à la Bobby McFerrin, ni même de
jeux de mots à la André Minvielle…
mais plutôt d’expérimentations vocales, peut-être davantage dans l’esprit de Lisa Sokolov. Un texte sans ponctuation
déclamé d’une traite (« De la rencontre avec Irène ») ou des phrases décalées
sur le bruit de la mer (« Eponge et pierre ponce »), des onomatopées
aux consonances germaniques (« Décompte »), des clics, murmures et
chuchotements (« Si l’on peut dire »), des halètements (« Ballet
brosse »), des jappements et aboiements qui entrecoupent un chant presque
nô (« Mikado »), une prière bouddhiste qui répond au hurlement du
loup (« Pleine lune »), des sons quotidiens (« Morsokipett »)…
Fonfrède s’exprime dans une veine expressionniste théâtrale. Quant à Toullec, son
piano préparé sonne tour à tour comme un clavecin (« Le fil rouge »),
un balafon (« Si l’on peut dire »), une sanza (« Mikado »)…
et son jeu est essentiellement rythmique : heurté, à l’unisson de la voix
(« Morsokipett »), dans les cordes (« Il marchait seul […] »),
en contrepoint (« Oh la la »), minimaliste (« L’homme est une
fleur »)… La musique contemporaine et ses techniques étendues ne sont
jamais très loin (« Versant »). La complicité entre les deux artistes
est palpable (« Dramaticule ») et leur dialogue doit gagner à être vu
sur scène.
Le duo Fonfrède – Toullec est marqué par la poésie et l’absurde,
et leur musique contemporaine improvisée s’écoute comme une expérience sonore des
plus singulières.