04 juin 2020

Le Maisons-Laffitte Jazz Festival n'est pas annulé !


Guitariste, compositeur, arrangeur, programmateur… et directeur artistique du Maisons-Laffitte Jazz Festival, Samuel Strouk possède plus de six cordes à son arc ! Il revient sur le maintien de l’édition 2020 du MLJF, qui se déroulera du 12 au 21 juin dans un format digital inédit !


Parlons d’abord de l’édition 2020 du Maisons-Laffitte Jazz Festival. Alors que la plupart des festivals ont décidé d’annuler leur édition 2020 en raison de la crise sanitaire, vous avez décidé de maintenir le festival, mais sous un format digital… Pouvez-vous expliquer comment va se dérouler cette édition pour le public ?

Cette édition se déroule en deux temps. Dans un premier temps, la production de contenus inédits : captation des concerts des sept artistes programmés et tournage d’interview exclusives ainsi que du making of du festival. Dans un deuxième temps aura lieu la diffusion des tous ces contenus, en ligne et gratuitement, sur le site web et sur les réseaux sociaux du festival. Du 12 au 21 juin un rendez-vous est donné quotidiennement à 18h pour suivre ces concerts en live-stream.

Et pour les musiciens ?

Les musiciens eux viennent sur le site du festival pour jouer leur répertoire en condition de concert, participent aux interviews et ensuite ils relayeront sur le web les contenus qui les concernent.

Ce format digital inédit a-t-il eu un impact sur la programmation du festival ?

Oui nous avons axé sur les artistes Français qui étaient programmés cette année, les musiciens étrangers ne pouvant plus se rendre en France.

Il y a une forme d’engagement social dans le fait de maintenir le festival : combien de personnes vont pouvoir travailler sur le festival ?

C’est près de 80 personnes qui travaillent sur l’évènement. L’idée de départ vient d’un élan de solidarité : pendant le confinement, j’ai souhaité faire tout ce qui était possible pour rediriger les financements du festival vers l’ensembles des professionnels qui devait y participer initialement, afin de maintenir à notre échelle une activité économique et participer à la relance de la filière.

Vos partenaires ont tout de suite adhéré à cette formule digitale ?

Oui pour la plupart, mais certains ont aussi été dans l’obligation de se retirer, étant eux-mêmes trop impactés par la crise en cours. 

Comment est né le Maisons-Laffitte Jazz Festival et pourquoi Maisons-Laffitte ?

Maisons-Laffitte Jazz Festival est né de « Jazz à Maisons-Laffitte ». L’ancienne formule de l’événement s’était essoufflée en 2013 et j’ai proposé de reprendre le flambeau. Depuis huit ans maintenant l’événement s’est considérablement transformé et étoffé. Maisons-Laffitte est une ville dynamique sur le plan culturelle, il y a un public qui attendait la manifestation et beaucoup d’amateurs de Jazz.

Qu’est-ce qui a guidé le format du festival : une dizaine de concerts sur une semaine juste avant l’été ?

Le format du festival est en constante évolution. L’année dernière, quand nous avons accueillis Richard Bona, nous avons inauguré une nouvelle scène en extérieure dans le parc du château de Maisons-Laffitte. Cela a été un très grand succès. Cette année, en 2020, huit concerts supplémentaires devaient avoir lieu dans ce nouveau lieu. Il est possible que d’ici quelques années le nombre de concert présentés par édition continue de croitre.

En dehors des concerts, le Maisons-Laffitte Jazz Festival propose-t-il des événements off, conférences et autres master-class ?

Pour l’édition Digitale 2020 nous n’avons pas eu d’autres possibilités que de nous consacrer exclusivement aux concerts et interviews. Mais dans les éditions régulières nous avons un volet off assez développé avec une action culturelle prononcée. Nous proposons chaque année des concerts gratuits pour les scolaires et les personnes âgées, des concerts off gratuits en ville et sur les sites du festival, notamment pour la fête de la musique. A cela s’ajoute des apéro Jazz tous les soir de concerts, moment prisé des mansonniens ou tout le monde peut venir gratuitement écouter un groupe de jazz des Yvelines en mangeant sur place ou en prenant un verre. Nous proposons également chaque année une projection thématique avec le Cinéma L’Atalante de Maisons-Laffitte durant laquelle il arrive que des musiciens ouvre la soirée par un concert gratuit. Enfin nous sommes partenaire du conservatoire de Maisons-Laffitte et suivons le concert de la classe de Jazz. Dans le passé, nous avons également proposé des masterclass avec des musiciens américains. 


Le Maisons-Laffitte Jazz Festival fête ses quinze ans : quelle est la recette de sa longévité ?

De la motivation, de l’engagement et de la bonne humeur !

Comment se finance le Maisons-Laffitte Jazz Festival ?

Maisons-Laffitte Jazz Festival peut compter sur des partenaires historiques comme La Ville de Maisons-Laffitte, qui a d’ailleurs jouer un rôle prépondérant dans l’édition digitale de cette année : il n’était pas facile de prendre la décision de nous ouvrir les salles de concerts au moment où nous étions tous dans la crainte de nouvelles contaminations. La Région Ile-de- France est également un partenaire historique et important. Nous sommes aussi soutenus par les sociétés professionnelles comme La Sacem, La Spediam, l’Adami et le FCM. Enfin nous pouvons compter sur des partenariats et mécènes locaux pérennes.

Quels ont été les moments forts de ces quinze premières années ?

Ce serait long à citer pour être exhaustif. A titre personnel, j’ai un souvenir très particulier du concert de Pedrito Martinez, le 13 juin 2018, qui a littéralement enflammé le public : tout le monde s’est levé pour danser, ce qui assez rare dans un festival de jazz... Ce jour-là, mon deuxième enfant est né le matin même et j’ai quitté la maternité juste à temps pour accueillir le groupe et organiser cette soirée mémorable !

Même s’il y a quelques constantes – de la chanson, du jazz manouche – la programmation du festival est éclectique, avec des musiciens français et étranger : comment qualifierez-vous la ligne éditorial du festival ?

Nous avons à cœur de défendre les répertoires nouveaux et innovants tout en mettant en valeur des artistes en développement aux cotés de têtes d’affiches internationales. Nous avons aussi comme priorité de mettre en avant la scène Française, riche d’artistes exceptionnels et extrêmement talentueux. Le Jazz français s’est distingué depuis longtemps sur la scène internationale, il est de notre ressort, en tant qu’organisateurs, de promouvoir ce capital culturel commun.

Vincent Peirani, Anne Paceo, Emile Parisien, Samy Thiébault, Biréli Lagrène, André Ceccarelli… font partie des « habitués » du festival. Comment sélectionnez-vous les artistes ?

Principalement en fonction de leur actualité, et en essayant de proposer un voyage esthétique au public. Beaucoup de festivaliers ont été conquis par nos propositions depuis huit ans et prennent des pass tous concerts. Notre souhait est qu’ils soient surpris et étonnés à chaque concert.

Vous êtes vous-même musicien : qu’est-ce qui vous a amené à la musique, à la guitare et au jazz ?

La musique elle-même ! C’est l’émotion provoquée par l’écoute de certains musiciens et/ou compositeurs qui m’a convaincu de me diriger vers la musique. J’ai eu la chance de grandir dans une famille très sensible à la musique et, tout petit déjà, j’aimais écouter et voir des musiciens jouer. J’ai commencé par le piano avant de me diriger vers la guitare pour faire du rock étant adolescent. Très rapidement, j’ai été conquis par Django Reinhardt et Wes Mongomery, le Jazz et les musiques traditionnelles, avec tout ce qu’elles comportent de liberté, ne m’ont plus jamais quitté...


Pourquoi être passer du côté de l’organisation d’un festival ?

J’ai toujours organisé des événements. Plus jeune j’organisais beaucoup de soirées électro. Le plaisir de réunir des personnes autour d’un événement festif et chaleureux fait partie de ma personnalité. Une des plus belles récompenses quand vous proposez un événement, c’est de réussir à créer une ambiance particulière entre les personnes, de voir un public heureux, dans une forme de communion bienveillante.   

Il y aurait plus de cinq cents festivals de jazz en France. Que pensez-vous de cette profusion et comment trouver son public devant une offre aussi pléthorique ?

C’est génial ! Cela signifie que les Français aiment ça et qu’il y a une forte demande. La musique est un art de l’instant, du live. Tous ces festivals donnent la possibilité au public et aux artistes de créer à chaque fois des moments d’intensité liés aux performances « live ».

Comment expliqueriez-vous qu’une musique aussi confidentielle que le jazz puisse attirer autant de festivaliers ?

Le Jazz est un courant majeur de la musique de ces cent dernières années. Du Jazz est né toute la musique afro américaine, qui est elle-même la source de nombreuses expériences, jusqu’au Hip Hop. Par ailleurs, le Jazz a toujours mis en avant la forme du concert, du live. Le Jazz est une musique qui permet une réinvention du même répertoire à chaque concert. Ce n’est pas étonnant que le public ne s’y trompe pas ! Après, si l’on compare la fréquentation des festivals de Jazz à celle des festivals de musique actuelle, les proportions ne sont pas du tout les mêmes. Je n’ai pas connaissance d’un festival de jazz qui rassemble des dizaines de milliers de personnes quotidiennement comme peut le faire Rock en Seine par exemple…

En tant que programmateur du festival, comment voyez-vous l’évolution du jazz depuis ces quinze dernières années ?
Le sentiment que j’ai est que le Jazz poursuit sa transformation continuelle. Il y a de plus en plus de musiciens improvisateurs et de Jazzmen très talentueux dans tous les pays. C’est très impressionnant ! Et beaucoup de jeunes également. 

Et le futur de cette musique ?

Personne ne peut le prévoir !

A une époque où la musique dématérialisée a pris le pas sur le disque, pensez-vous que les festivals dématérialisés, comme l’édition 2020 du Maisons-Laffitte Jazz Festival, sont appelés à se développer ?

Sûrement ! Avec l’avènement de l’ère technologique que nous connaissons, comment pourrait-il en être autrement ? D’autant que les événements numériques peuvent prendre des formes insoupçonnées. Très récemment, Travis Scott a fait un show très impressionnant dans Fornite. C’est le point de départ d’une multitude de possibilités : un concert virtuel, en ligne dans un jeu vidéo, diffusé a tous les gamers du monde entier simultanément ! C’est quand même dingue… Cela dit, ce type d’événement ne remplacera jamais les performances qui présentent des musiciens devant un public. La musique est un ensemble de vibrations de l’air qui se déploie devant vous et, à mon sens, la sensation directe de ces vibrations est irremplaçable.  

De nombreux musiciens confinés ont joué pour leur public en live, mais devant leur ordinateur… Pensez-vous que la crise sanitaire qui secoue le monde en ce moment peut / va faire changer la manière d’écouter la musique durablement ?

Probablement, surtout si les moyens de captation et de restitution de l’image et du son s’améliorent ! Mais de la même façon que pour les événements numériques, il restera toujours une chose inimitable, une chose que l’on ne saura restituer sans être l’un en face de l’autre...
 
Le mot de la fin ?

Vive la musique et vive le live en vrai ! Vivement que nous soyons tous en mesure de nous retrouver à nouveau dans une salle de concert bondée, où le sol tremble sous les pas des danseurs, où les personnes crient de plaisir et de joie en écoutant les musiciens qu’ils aiment !