30 janvier 2025

Sinfonia – Jean-Marie Machado & Danzas Orchestra

Jean-Marie Machado a formé l’Orchestre Danzas il y a une quinzaine d’années. Sinfonia, sixième opus de l’orchestre, sort le 24 janvier 2025 sur le label La Buissonne. François Thuillier (tuba) et Didier Ithursarry (accordéon) sont de la partie dès Fiesta Nocturna, en 2010, et La fête à Bobby, en 2012. Quant à Cécile Grenier, à l’alto, elle rejoint l’orchestre pour Lagrima Latina, en 2015. Guillaume Martigné au violoncelle, Elodie Pasquier à la clarinette et Stéphane Guillaume au flûtes font leur entrée dans Danzas à partir de Pictures for Orchestra, publié en 2019. Cécile Grassi (alto), fait partie de l’orchestre à partir de 2023, avec le projet Cantos Brujos. Pour Sinfonia, Machado passe de nonettes ou dixtuors à un orchestre de seize pupitres avec, en plus des huit musiciens précités, Gwenola Morin à l’alto, Clara Zaoui au violoncelle, Joachim Machado à la guitare, Renan Richard au saxophone, Tom Caudelle au saxhorn, Marc Buronfosse à la contrebasse, Marion Frétigny et Aubérie Dimpre aux percussions.

Sinfonia s’articule autour de neuf compositions de Machado, dont trois en deux parties. Les titres évoquent la danse et la mer, deux passions de l’artiste. « Ria Largo » (peut-être un clin d’œil à la ville brésilienne Rio Largo) combine le terme musical largo avec, comme les cruciverbistes le savent, la ria, qui n’est autre qu’un aber, voire un estuaire… Deux mots-valises peuvent avoir des double sens : « Tanghoule » se réfère à la houle et au tango, mais aussi à Tanger, ville de naissance de Machado ; « Barcaronde » fait penser à la barcarolle des gondoliers vénitiens et à l’onde des vagues, mais pourrait être également une barque et une ronde… « L’écume des rires » est une jolie expression tirée des Souvenirs de la marée basse de Chantal Thomas. « Une barque sur l’océan » de Maurice Ravel inspire la « Barque magnétique » de Machado. La suite des cinq figures de danse du XVIe et XVIIe siècles et ses multiples avatars sont repris dans « La dérive des cinq pas ». Exception qui confirme la règle, « Volte flamme » ne suggère pas la mer, mais joue avec volte-face. « Tréhourhant » est un lieu-dit de Plougasnou à la vue idyllique sur la baie de Morlaix, particulièrement cher au cœur de Machado. « Jig raz », qui conclut Sinfonia, n’est autre que la gigue du courant…

L’exposition à l’unisson et le déroulé paisible de « Ria Largo » n’est pas sans évoquer les airs classiques du début XXe. Après une introduction lyrique du violoncelle, a capella, « Tanghoule » reste dans un registre cross-over, entre jazz et musique classique. Avec les envolées élégantes de l’accordéon, des chœurs majestueux, un chorus de saxophone soprano aérien, aux teintes moyen-orientales et des percussions légères, le morceau peut aussi faire penser à une musique de film. Un duo « andalous » guitare – piano introduit « Barcaronde ». Lyrique et sophistiqué, soutenu par des percussions subtiles et des superpositions de voix et d’unissons, le morceau se développe dans une veine classique, soulignée par les traits du violoncelle. Dansant, « L’écume des rires » commence par les lignes sautillantes d’Ithursarry, appuyées par Thuillier, et s’apparente rapidement à une fanfare moderne, avec un mouvement rapide et entraînant. La deuxième partie, elle, revient au début du XXe avec un chœur lointain, un ostinato et une pédale sombres et austères, et un déroulé lent et touffu. La « Barque magnétique » est placée sous le signe du third-stream : ligne sobre et éthérée du saxophone, accompagnement raffiné, foisonnement contrôlé de l’orchestre… La musique classique n’est pas loin. La complainte de l’alto sur le riff des percussions et les phrases débridées du piano annoncent la « Dérive des cinq pas », qui se développe ensuite posément, cinégénique, avec des plans qui se répètent, dans une atmosphère majestueuse. La « Volte flamme » porte bien son nom : le piano crépite, la flûte danse, les altos vibrent, la guitare plane, le saxhorn s’envole… Musique classique, rock, jazz et blues se mêlent dans un cocktail sous pression. Machado joue en solo « Tréhourhant », une comptine émouvante. Si le démarrage de « Jig Raz » s’apparente à une gigue bretonne, mélodieuse et cadencée, son développement navigue plutôt entre médiéval et folklore, avec d’abord guitare et marimba à l’unisson, suivi de questions-réponses avec le chœur, puis une ronde joyeuse et riante, avec toujours cette dichotomie populaire – savant. Le final, avec des voix qui se joignent à la section rythmique, propose un mélange habile de Flamenco et de Bretagne…

Sinfonia reflète à merveille les recherches de Machado avec son orchestre Danzas, une fusion ambitieuse de musique classique, de jazz et de musiques populaires.


Le disque

Sinfonia
Jean-Marie Machado & Danzas Orchestra
Cécile Grassi, Cécile Grenier et Gwenola Morin (alto), Guillaume Martigné et Clara Zaoui (cello), Joachim Machado (g), Elodie Pasquier (cl), Stéphane Guillaume (fl, sax), Renan Richard (sax), Tom Caudelle (saxhorn), François Thuillier (tu), Didier Ithursarry (acc), Jean-Marie Machado (p), Marc Buronfosse (b), Marion Frétigny (perc), Aubérie Dimpre (perc).
Label La Buissonne – RJAL397050
Sortie le 24 janvier 2025

Liste des morceaux

01. « Ria Largo » (01:19).
02. « Tanghoule - Part 1 » (01:41).
03. « Tanghoule - Part 2 » (05:54).
04. « Barcaronde - Part 1 » (03:08).
05. « Barcaronde - Part 2 » (04:22).
06. « L'écume des rires - Part 1 » (02:51).
07. « L'écume des rires - Part 2 » (05:11).
08. « Barque magnétique » (07:06).
09. « Dérive des cinq pas » (04:29).
10. « Volte flamme » (08:30).
11. « Tréhourhant » (02:05).
12. « Jig Raz » (07:15).

Tous les morceaux sont signés Machado.