Rise – Raynald Colom
Berklee, Manu Chao et le flamenco peuvent résumer le parcours atypique du trompettiste franco catalanRaynald Colom. Après trois disques publiés chez Fresh Sound New Talent, c’est sur le dynamique label Jazz Villageque sort Rise.
Colom a choisi une formule de quintet classique avec le saxophoniste ténor slovèneJure Pukl et une section rythmique qui se connait bien : le pianiste cubain Aruan Ortiz, le jeune contrebassiste américain Rashaan Carteret son homologue batteur Rudy Royston. Au fil des morceaux, des invités viennent enrichir la palette sonore du quintet : les chanteursSofia Rei et Core Rhythm, le clarinettiste basse Philippe Colom, le percussionniste Roger Blavia et même un orchestre de chambre, l’Eclectic Colour Orchestra.
En dehors d’« Avec le temps », la chanson de Léo Ferré, toutes les compositions sont signées Colom. Les thèmes, vifs et ouverts, et la structure des morceaux, thème – solos – thème, s’inscrivent dans la lignée d’un hard bop volontiers dissonant. Outre l’instrumentation, l’influence du hard bop se retrouve également dans l’énoncé des thèmes à l’unisson (« La llegada », « The Rising »), les chabada et walking rapides (« Ouverture »), les chorus nerveux (« El’ Baka »), les contrepoints trompette ténor et stop chorus de la section rythmique (« La llegada »)... Mais Colom met sa patte : il glisse des rythmes latins (« Hope »), traite « Avec le temps » comme un boléro, s’inspire de l’esprit du début du XXe (« In A Mist ») et introduit des motifs arabo-andalous (« The Journey »).
Pukl est un ténor robuste et véloce, à son aise dans l’ambiance hard bop moderne du quintet. Souvent minimaliste (Ouverture »), Ortiz a un jeu entrainant (« La llegada ») et ses accords dans les registres medium et grave (« The Rising ») évoquent la musique sud-américaine. Carter et Royston forment une paire rythmique parfaite pour Rise : le contrebassiste possède une sonorité ample et grave alliée à une grande précision et des lignes de basse solides, tandis que le batteur a un jeu dense, imposant et dansant. Colom passe d’un solo dans la tradition hard bop (« El’Baka ») à un mouvement lent et majestueux proche d’une musique de film (« Hope »), accompagne la belle voix grave de Rei dans son boléro (« Avec le temps »), alterne mélancolie et nervosité (« La llegada »), joue un mini-concerto (« The Journey ») ou dialogue avec le piano dans un morceau plein de verve (« In A Mist »), qui rappelle Dave Douglas.
Rise propose un hard bop moderne que Colom assaisonne avec ses condiments personnels – musiques espagnole, sud-américaine et world – qui lui donnent du caractère et un charme indiscutable.
Raynald Colom
Colom commence la musique à quatre ans au Conservatoire de Créteil, apprend le violon à partir de huit ans et démarre également la trompette. A la fin des années quatre-vingt, sa famille s’installe à Barcelone. En 1998, Colom suit les cours du Berklee College Of Music de Boston. De retour en Catalogne en 2000, le trompettiste commence sa carrière professionnelle, marquée par la tournée mondialeClandestino, avec l’orchestre de Manu Chao. Colom joue également sur les scènes de jazz danoises, anglaises et japonaises aux côtés du saxophoniste Benjamin Herman. En parallèle, il découvre le jazz flamenco avec Perico Sambeat et se produit aussi dans un environnement électro avec Wagon Cookin’. Après avoir sorti son premier disque, My 51 Minutes, chez Fresh Sound New Talent en 2005, Colom s’oriente résolument vers le flamenco et joue avec Duquende,Chicuelo, Antonio Serrano… Colom se partage ensuite entre New York et Barcelone, où il enregistre Sketches Of Groove en 2008, etEvocación, en 2009, que Jazz Village réédite à l’occasion de la sortie de Rise.
Le disque
Rise
Raynald Colom
Raynald Colom (tp), Jure Pukl (ts), Arván Ortiz (p), Rashaan Carter (b) et Rudy Royston (d), avec Philippe Colom (cl), Roger Blavia (perc), Core Rhythm (voc), Sofia Rei (voc) et Electric Colour Orchestra.
Jazz Village – JV
Sorti en juin 2012
Raynald Colom
Raynald Colom (tp), Jure Pukl (ts), Arván Ortiz (p), Rashaan Carter (b) et Rudy Royston (d), avec Philippe Colom (cl), Roger Blavia (perc), Core Rhythm (voc), Sofia Rei (voc) et Electric Colour Orchestra.
Jazz Village – JV
Sorti en juin 2012
Liste des morceaux
- « Ouverture » (11:18).
- « El’Baka » (10:45).
- « Interlude #1: Hope » (2:34).
- « La llegada » (9:26).
- « Avec le temps », Léo Ferré (5:20).
- « Interlude #2: Journey » (2:58).
- « In A Mist » (8:11).
- « The Rising » (6:13).
Toutes les compositions sont signées Colom, sauf indication contraire.
L’Autumn Jazz selon Nemo…
Du 13 au 26 novembre, Nemo organise son Autumn Jazz festival à Paris : neuf concerts dans cinq salles. Renaud Garcia-Fons, Musica Nuda, Dorantes, Jean-Marie Machado et André Minvielle, Sarah Lenka, Rocky Titi Loulou, Leïla Martial, David El-Malek et Anne Paceo se produisent au Café de la danse, Studio de l’Ermitage, Sunset / Sunside, Duc des Lombards ou New Morning.
Créé en 1986 par François Peyratout, Nemo a d’abord dédié son activité à l’enregistrement. Dix ans plus tard, Nemo ajoute à sa palette la production de tournées et la représentation de musiciens avec des artistes tels que Jean-Pierre Como, Louis Winsberg, Stefano Di Battista, André Ceccarelli… 2003 marque un jalon important dans l’histoire de Nemo : pendant trois ans, l’agence organise le Paris Jazz Festival. Par ailleurs, Nemo produit, entre autres, Jaleo de Winsberg,Heartland de David Linx, Diederick Wissels et Paolo Fresu, Scenariode Como… et monte le label e-motive en 2005. Hadouk Trio, Thomas de Pourquery, Lionel Suarez, Garcia-Fons, Paceo, Minvielle et El-Malek… rejoignent Nemo, qui s’installe à Préfailles, non loin de Pornic.
La fête à Boby
Jean-Marie Machado Danzas et André Minvielle
Le Café de la danse - 17 octobre 2012
La fête à Boby, le nouveau projet de Jean-Marie Machado avec Danzas, est un hommage à Boby Lapointe, disparu il y a quarante ans et né il y en quatre-vingts dix ! C’est André Minvielle qui chante les textes de Lapointe. Choix judicieux s’il en est, car le timbre, l’accent, la diction et l’humour de Minvielle servent à merveille la cocasserie du poète-chanteur-humoriste de Pézenas. Et, comme le dit l’œil pétillant le palois, après tout, « Dédé est à la base ce que Boby est à la pointe »…
Jean-Marie Machado (c) PLM |
Robert – Jean-François, Joseph, Pascal – Lapointe, dit Boby, né en 1922 et mort en 1972, est une figure emblématique de la chanson française. Après des débuts prometteurs dans les mathématiques, Lapointe est envoyé au Service du Travail Obligatoire, en Autriche. Il s’évade et, après maints petits boulots, il commence à écrire des chansons à textes truffés de jeux de mots, calembours et autres contrepèteries. En 1956, lancé par Poisson d’avril, un film de Gilles Grangier dans lequelBourvil chante « Aragon et Castille », Lapointe commence sa carrière de chanteur de cabarets au Cheval d’Or. Il y rencontre Anne Sylvestre,Raymond Devos et Georges Brassens, avec qui il sympathisera et qui l’aidera à plusieurs reprises. François Truffaut le fait jouer dans Tirez sur le pianiste et, au début des années soixante, il joue aux Trois Baudets, où il gagne sa renommée. Mais l’époque yéyé met un terme à ses succès et Lapointe s’oriente vers le cinéma : il tourne notamment avec Claude Sautet dans Max et les ferrailleurs, Les choses de la vie… A la fin des années soixante Joe Dassin relance la carrière de Lapointe. A la même époque Lapointe invente la numération bibi-binaire, un système, entre rigolade et science, qui est largement utilisé en informatique.
André Minvielle (c) PLM |
Danzas et Minvielle jouent le répertoire du disque : les chansons de Lapointe, bien sûr, mais aussi un hommage biographique, « Boby en sibibi », un jeu sur « Le papa du papa », « Papala », et un medley, « La fête à Boby ». L’orchestre utilise la vidéo pour retracer la vie de Lapointe (« Boby en sibibi ») ou sous-titrer « Méli Mélodie », comme l’avait fait Truffaut dans Tirez sur le pianiste.
Minvielle nage comme un poisson dans l’eau dans les textes de Lapointe : scansion dans « Le poisson fa », tout en émotion dans « Méli Mélodie », « Aubade à Lydie » comme prétexte instrumental, rap énergique dans « Papala », chanson à texte dans « Le vivant », joueur comique dans « Lumière tango »… La musique de Machado met remarquablement en relief les textes de Lapointe : entre fanfare et combo jazz, Danzas réussit le pari de rester dansant tout en préservant une architecture ouverte qui laisse de l‘espace aux solistes. Les arrangements sont tour à tour élégants (« J’ai fantaisie », « Méli Mélodie »), festifs (« L’hélicon », « Ta Katie t’a quitté »), folkloriques (« Boby en sibibi »), rythmiques (« Papala »), latines (« Insomnie »), reggae (« La fête à Boby »)… Les solistes s’en donnent à cœur joie : le tuba (évidemment) dialogue avec la batterie dans « L’hélicon » ; le soprano monologue d’une voix émouvante dans l’« Aubade à Lydie en do » ; l’accordéon donne la répartie à Minvielle (« Lumière Tango ») ; Quillet joue un sketch sur « Petit homme qui vit d’espoir » ; la batterie prend un chorus impressionnant dans « Boby en sibibi » ; la flûte croise ses phrases avec le trombone (« Méli mélodie ») ou le marimba (« La fête à Boby ») ; le trombone swingue joyeusement dans « Ta Katie t’a quitté »… Quant au piano, outre son rôle de chef d’orchestre, il accompagne la voix (« Le vivant ») avec des lignes mélancoliques qui rappellent Sœurs de sang.
Dans la joie et la bonne humeur, La fête à Boby propose une relecture de quelques chansons clés de Lapointe. L’orchestration ingénieuse, les qualités musicales de Danzas et l’habileté de Minvielle garantissent une version particulièrement réjouissante des œuvres du « chanteur sous-titré »...
Music From Source
David El-Malek
Le New Morning - 24 octobre 2012
De 1998 à 2007, David El-Malek joue, tourne et enregistre avec ses formations, dont le quartet codirigé avec Baptiste Trotignon, mais aussi aux côtés de nombreux musiciens : d’Elisabeth Kontomanou à Diego Imbert, en passant par Pierre de Bethmann, André Ceccarelli,Laïka Fatien… Après des années consacrées au répertoire jazz contemporain, El-Malek décide de revenir aux mélodies qui ont bercée son enfance, en Israël. Avec l’aide de Christophe Dal Sasso, il écrit Music From Source pour quartet, big band et orchestre symphonique. C’est en 2004 que naît la première version de Music From Source : El-Malek l’interprète en soliste, accompagné par l’Orchestre National de Lyon, sous la direction de Wayne Marshall.
David El-Malek (c) PLM |
Enregistré avec un octet jazz, le premier volume de Music From Sourceest sorti chez Naïve en 2007. Pour le deuxième volume – août 2012, toujours chez Naïve – El-Malek change radicalement l’instrumentation de son orchestre pour se rapproche davantage des sonorités arabo-andalouses. En dehors de Jules Bikoko Bi Njami, contrebassiste alter ego depuis plus de dix ans, le reste du groupe est composé de dix spécialistes des quarts de tons et autres poly-rythmes : la chanteuse Ingrid Panquin côtoie une section de cordes avec Sabrina Maruchet et Anne Vanhems aux violons, Mathilde Vresh à l’alto et Vladimir Tserabun au violoncelle, Spyros Halaris au qanoun et Thierry Di Filippo à l’oud se chargent des instruments traditionnels, tandis que la section rythmique se composent d’Ali Alaoui et de Thibault Laurentqui manipulent moult percussions en tous genres.
Ali Alaoui (c) PLM |
Jules Bikoko (c) PLM |
Music From Source se situe aux confins de la musique traditionnelle du Maroc et du jazz, avec une touche de musique de chambre. El-Malek emporte le public dans une nouba chatoyante, d’une vitalité contagieuse.
Yôkaï
Anne Paceo
Le New Morning - 26 octobre 2012
Le 26 octobre, la batteuse donne l’occasion d’écouter en concert la musique d’undisque qui a déjà conquis nos oreilles : « Yôkaï n’a rien d’étrange, ni de monstrueux comme le signifie ce mot japonais, c’est juste un disque qui mérite le détour »…
Le quintet est au grand complet : Antonin Tri-Hoang au saxophone alto ou à la clarinette basse, Pierre Perchaud à la guitare, Leonardo Montana au piano, Stéphane Kerecki à la contrebasse et Paceo derrière les fûts. Le percussionniste cubain Inor Sotolongo (Patrice Caratini, Roberto Fonseca, Rubén González, Daniel Mille...) rejoint également le quintet à la fin du premier set.
Anne Paceo (c) PLM |
Paceo a composé tous les morceaux de Yôkaï. Comme les photos d’un album, ils évoquent des instants privilégiés et intimes vécus par l’artiste : le morceau-titre est une référence aux mondes fascinants des dessins animés d’Hayao Miyasaki – Princesse Mononoké, Le voyage de Chihiro, Le château dans le ciel… « Toutes les fées étaient là… » trouve sa source en Côte-d’Ivoire, où Paceo a passé les premières années de sa vie. « Luleǻ » est un souvenir rapporté des longues soirées laponnes. « Shwedagon » est la célèbre pagode de Rangoon... Et Paceo de préciser que les chants qui introduisent ce morceau ne sont pas des voix africaines, mais une famille qui psalmodie des mantras.
Antonin Tri-Hoang (c) PLM |
Comme il fallait s’y attendre, la musique du quintet dégage encore davantage de puissance en concert que sur disque. Le sourire constamment aux lèvres, Paceo stimule son groupe par son jeu tendu et dense. Les roulements secs, l’imposante grosse caisse, le claquement régulier de la charleston, la résonnance profonde des toms et l’éclat des cymbales maintiennent une pression constante. Perchaud joue avec les sonorités de sa guitare (la kora dans « Toutes les fées étaient là ») et prend des chorus chantants (« Luleǻ »). Servis par une sonorité chaleureuse, les lignes et motifs de la contrebasse sont massifs et le solo d’« Entre les gouttes » confirme la force du jeu de Kerecki. Discrètement omniprésent, Montana assure les liaisons (« Yôkaï ») et ses interventions, en contrepoints ou à l’unisson, soulignent habilement le propos des solistes. Aussi bien au saxophone alto qu’à la clarinette basse, Tri-Hoang continue de caracoler avec une précision (« Luleǻ »), une créativité («Yôkaï ») et une sonorité (« Shwedagon ») impressionnantes. Le foisonnement structuré de la musique de Paceo et l’influence de la World Music rappellent la démarche d’Henri Texier (« Shwedagon »), voire de Randy Weston(« Toutes les fées étaient là… »).
Paceo et ses compères proposent une musique effervescente, véritable invitation à un voyage autour du monde à la découverte de paysages sonores inouïs…
Pierre Perchaud (c) PLM |
Avec ce festival Nemo n’a pas volé son nom et les oreilles de Jules Verne peuvent bien résonner de ces musiques grandes ouvertes sur le monde !