Au progamme ce lundi : un hommage à Lady Day de José James et la dernière Creation de Keith Jarrett...
Yesterday I Had The Blues
José James
Blue Note
José James commence à enregistrer pour Brownswood (The Dreamer en 2008, puis Blackmagic en 2010), avant de sortir No Beginning No End pour Blue Note, en
2013. Yesterday I Had The Blues
est un hommage à Billie Holiday, née il y a cent ans, le sept avril 2015.
James avoue toute son admiration pour Holiday, sa
« mère musicales », au point de l’écouter tous les jours (d’après un
entretien pour TSF). Les neufs titres de Yesterday
I Had The Blues sont emblématiques d’Holiday. Tous ses tubes y sont, sauf
peut-être « Don’t Explain », « Yesterday », « My
Man »…
Yesterday I Had The
Blues s’ouvre sur « Good Morning Heartache », une chanson écrite par Irene Higginbotham, Ervin Drake et Dan Fisher, qu’Holiday a enregistrée en 1946. Le standard le plus
interprété de l’histoire du jazz, « Body and Soul », est également le
titre d’un disque de Lady Day, sorti en 1957, avec, entre autres, Ben Webster, Barney Kessel, Jimmy Rowles… « I Thought About You », composé en
1939 par Jimmy Van Heusen et Johnny Mercer, figure dans le célèbre Lady Sings The Blues, publié en 1956. C’est avec Teddy Wilson et son orchestre qu’Holiday enregistre la chanson d’Harry Woods, « What A Little
Moonlight Can Do », en 1935. « Tenderly » est un autre standard
américain, écrit en 1946 par Walter
Gross. Quant à « Lover Man », Jimmy
Davis, Roger Ramirez et James Sherman l’ont créé en 1941, pour Lady
Day… S’ajoutent trois morceaux signés
Holiday : « Fine And Mellow », un blues de 1939, « God Bless
The child » (associé à Arthur
Herzog) enregistré en 1941 pour Okeh et son titre-phare, « Strange
Fruit », sur un poème d’Abel
Meeropol, qu’Holiday a interprété pour la première fois en 1939, au Café
Society à New York.
James est entouré d’une rythmique d’exception : Jason Moran au piano, John Pattitucci à la contrebasse et Eric Harland à la batterie. Du début à
la fin, ils font tout pour mettre en valeur la voix de James et pour maintenir
une pulsation salutaire, à l’instar des accents bluesy de « Fine And
Mellow », « Lover Man » et « God Bless The Child ». Voix
suave et velouté, timbre ténu plutôt haut perché, chant net et précis, phrasé
tiré au cordeau, James possède toutes les qualités du crooner, avec une petite
dose de fragilité qui rappelle parfois Chet Baker (« Body And Soul »,
« Tenderly »).
Yesterday I Had The
Blues est un bel hommage à Lady Day : James donne des interprétations
convaincantes des tubes d’Holiday et le quartet évite l’écueil de la mollesse.
Creation
Keith Jarrett
ECM – 472 1225
Depuis Rio, sorti
en 2011, Creation est le seul disque de
l’année de Keith Jarrett ; tous
les autres – Sleeper, Somewhere, No End, Last Dance… – sont
tirés de concerts ou d’enregistrements plus anciens. Creation reflète donc l’état d’esprit musical de Jarrett
aujourd’hui.
Comme l’explique le pianiste, un concert n’est quasiment
jamais parfait parce que le musicien compose avec et pour le public, d’où, le
plus souvent, l’alternance de morceaux lents et rapides, majeurs et mineurs etc.
sans qu’aucune réelle cohérence ne soit nécessaire. Cela dit, dans chaque
concert il y a des moments de grâce. Partant de ce principe, Jarrett a fait une
sélection raisonnée de morceaux extraits de concerts solos donnés de 2014. Il
les a ensuite classés pour former une suite en neuf mouvements, dont la durée
moyenne tourne autour de huit minutes.
Creation s’ouvre
sur une improvisation jouée au Roy Thompson Hall de Toronto. Quatre mouvements
sont repris de concerts donnés à Tokyo, deux au Kioi Hall et deux à l’Orchard
Hall, trois d’une prestation à l’Auditorium Parco della Musica de Rome et un morceau
vient d’une soirée à la Salle Pleyel, à Paris.
Dans l’ensemble, les neuf mouvements sont d’une grande
cohésion, ne serait-ce que pour leur caractère méditatif, leur construction, d’une
rigueur qui force l’attention, leur tension infuse et le traitement du matériau
musical. C’est un versant plutôt calme, voire sombre que Jarrett expose (« Part
III »), sans avoir recours aux ostinatos hypnotiques dont il a le secret,
mais plutôt à l’aide d’oppositions tendues entre des notes isolées et des
accords puissants, entrecoupées de motifs mélodiques (« Part VI »).
Jarrett joue également sur les variations du volume sonore et l’élasticité des
rythmes pour gérer la tension (« Part IX »). A côté de morceaux qui
peuvent s’apparenter à de la musique contemporaine (« Part VIII »),
se trouvent des plages plus lyriques (« Part I »), voire romantiques
(« Part VI »), sans oublier quelques contrepoints élégants (« Part
II »), un détour « debussyste » (« Part VII ») et,
bien sûr, un chant aux consonances folk tout à fait « jarrettien » (« Part
V »).
Toujours inventive et surprenante, la musique de Jarrett continue
de d’évoluer, au rythme de son introspection. Creation n’échappe pas à cette règle : profond, apaisé, réfléchi,
intime… sont les adjectifs qui viennent à l’esprit à l’écoute du disque.