Spring Rain
Samuel Blaser Quartet
Whirlwind – WR4670
Samuel Blaser ne
chôme pas : Spring Rain est le douzième
disque sous son nom en sept ans ! Et le tromboniste de multiplier les combinaisons :
le solo (Solo Bone – 2009 – Slam
Productions), les duos avec Malcolm
Braff (Yay – 2008 – Fresh Sound
New Talent) ou Pierre Favre (Vol à voile – 2010 – Intakt Records), le
trio avec Benoît Delbecq et Gerry Hemingway (Fourth Landscape – 2013 – Nuscope Recordings), le quintet codirigé
avec Michael Bates (One From None – 2012 – Fresh Sound New
Talent) et les quartets, qui restent sa configuration favorite.
Avant que le piano de Russ
Lossing ne fasse irruption dans le quartet, c’est la guitare qui complétait
le trio trombone – contrebasse – batterie, avec d’abord Scott DuBois, Thomas Morgan à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie (7th
Heaven – 2008 – Between The Lines), ensuite Todd Neufeld, Morgan et Tyshawn
Sorey (Pieces Of Old Sky – 2009 –
Clean Feed), puis Marc Ducret, Baenz Oester et Cleaver (Boundless en 2011 et At The Sea en 22012, chez Hatology). En
parallèle, Blaser codirige avec Paul
Motian un quartet, complété par Lossing et Morgan, pour revisiter le
répertoire italien du dix-septième siècle (Consort
In Motion – 2011 – Kind of Blue Records). Après le décès du batteur, en
novembre 2011, Consort In Motion poursuit sa route et remonte au quatorzième
siècle, avec la musique de Guilaume de
Machaut (A Mirror To Machaut –
2013 – Songlines Recordings), mais en quintet : Joachim Badenhorst aux saxophones et clarinettes, Lossing aux
claviers, Drew Gress à la
contrebasse et Hemingway aux percussions.
Pour Spring Rain,
Blaser s’entoure de Lossing, Gress et Cleaver. Le disque sort chez Whirlwind,
label indépendant anglais monté en 2010 par le bassiste américain Michael Janisch.
Six des douze morceaux ont été écrits par Blaser. « Cry
Want », « Scootin’ About » et « Trudgin’ » sont des
thèmes de Jimmy Giuffre,
« Temporarily » et « Jesus Maria » ont été composés par Carla Bley et « Umbra » est
co-signé Blaser et Lossing.
D’un dialogue minimaliste dans une veine musique
contemporaine (« Cry Want ») à un échange de contrepoints énergiques
et rebondissant (« Scootin’ About »), il est clair que Blaser et
Lossing sont sur la même longueur d’onde. Fidèle à la tradition, Blaser utilise
la panoplie des effets expressifs du trombone : growl, glissandos, notes
doublées par la voix, grondements… (« Trippin’ »). Son jeu, entre jazz
(« The First Snow ») et musique contemporaine (« Spring Rain »)
s’inscrit dans la lignée de celui d’Albert
Mangelsdorff, auquel il rend hommage avec « Missing Mark Suetterlyn »
(titre inspiré des « Introducing Marc Suetterlyn » et « Marc
Suetterlyn’s Boogie » de Mangelsdorff). Cette filiation est encore plus
flagrante dans les solos a capella : les questions – réponses de « Trippin’ »,
parsemée d’humour et d’accents bluesy, opposent une sonorité éclatante et
droite à un son dirty, le tout sur un rythme prenant. Dans Spring Rain, Lossing privilégie le piano, mais joue également avec
ses claviers pour raidir l’atmosphère (« The First Snow ») ou, au
contraire, l’adoucir, avec un timbre de vibraphone (« Trudgin’ »). Qu’il
soit cristallin (« Missing Mark Suetterlyn »), monkien (« Temporarily »),
dans les cordes (« Umbra »), minimaliste (« Trudgin’ »)…
Lossing tend également vers la musique contemporaine. Avec Gress et Cleaver,
Blaser a trouvé une paire rythmique, mélodieuse et entraînante, qui sert au
mieux sa musique : beau son boisé (« Missing Mark Suetterlyn »),
lignes profondes (« Trudgin’ »), ostinatos à l’archet (« Spring Rain »)
et souplesse à toute épreuve (« Temporarily ») pour Gress ; foisonnement
(« Missing Mark Suetterlyn »), crépitements (« Counterparts »),
vitalité (« The First Snow ») et délicatesse aux balais (« Jesus
Maria ») pour Cleaver.
Avec Spring Rain, Blaser
reste dans une logique de musique à la croisée du jazz et de la musique
contemporaine, inventive, et qui place clairement des jalons pour l’avenir…