You’ve Been Watching Me
Tim Berne’s Snakeoil
ECM – 472 2298
En plus de trente ans de carrière Tim Berne a joué avec la plupart des musiciens de l’avant-garde
new-yorkaise et formé quelques groupes légendaires, dont Bloodcount avec Michael Formanek, Chris Speed et Jim Black,
Big Satan avec Marc Ducret et Tom Rainey, BB&C (en concert à Sons
d’hiver 2014) avec Nels Cline et
Black… En 2009, Berne crée Snakeoil avec Oscar
Noriega aux clarinettes, Matt
Mittchel au piano et Ches Smith
à la batterie. Le quartet sort un premier disque éponyme en 2012, suivi de Shadow Man, en 2013, toujours chez ECM.
Pour You’ve Been
Watching Me, Snakeoil accueille le guitariste Ryan Ferreira. Les onze morceaux, tous composés par Berne, varient
d’un peu moins de deux minutes pour le thème-titre à près de vingt minutes pour
« A Small World In A Small Town ».
La musique Berne possède des caractéristiques qui la rendent
immédiatement identifiable : des mélodies denses, tourmentées et dissonantes
(« Lost In Redding »), exposées à l’unisson (« False Impressions »)
ou sous forme de contrepoints (« Semi-Self Detached »), débouchent
sur des échanges chambristes contemporains (« Embraceable Me »), puis
des superpositions de tourneries s’amplifient et font monter la tension à son
paroxysme (« False Impressions »). Pour fonctionner, c’est-à-dire éviter
la cacophonie abstraite, cette approche nécessite un quintet parfaitement
équilibré et une pulsation constante que Snakeoil a trouvé : une
batterie puissante et touffue, mais régulière et mélodieuse ; un piano au
jeu contemporain et minimaliste (pédales, ostinatos, notes isolées…) ; une
clarinette aux réparties subtiles (vive dans « Lost In Redding », lointaine puis
presque klezmer dans « Small World In A Small Town », mystérieuse
dans « Embraceable Me ») ; une guitare aux contrechants aériens
(« Lost In Redding ») ou aux lignes délicates (« You’ve Been Watching
Me »), et aux accompagnements variés (bruitiste, accords dirty, nappes
synthétiques…) ; un saxophone alto mélodieux (« Small World In A Small
Town »), qui affectionne les boucles (« Embraceable Me ») et se plaît à transformer
progressivement des phrases douces, presque fragiles, en cris aigus et tendus (« Semi-Self
Detached »).
You’ve Been Watching
Me est un opus typiquement « bernien », c’est-à-dire libre et sophistiqué,
entre free jazz et musique contemporaine, avec une touche de rock underground.