En 2000, le chanteur Eric
Lareine et le pianiste Denis Badault
s’associent pour un concert d’improvisations baptisé le Duo Reflex. Leur
premier opus, L’Evidence des contrastes,
voit le jour en 2014. Le 19 février 2015, La Cave Poésie René Gouzenne, à
Toulouse, accueille le concert de création de Méloditions, qui sort sur disque en septembre 2017.
Dans le sillon de la mélodie française, Badault et Lareine
mettent en musique des poèmes – Guillaume
Apollinaire, Charles Baudelaire,
Arthur Rimbaud, Paul Verlaine… – sur des
airs écrits essentiellement par des compositeurs français du début du vingtième
– Gabriel Fauré, Arthur Honegger, Maurice Ravel, Francis
Poulenc... Le duo reprend également « L’invitation au voyage » et
« Ô triste, triste était mon âme » de l’un des maîtres du genre au
vingtième : Léo Ferré. D’un
autre amateur de cet exercice, Georges
Brassens, Badault et Lareine interprètent « Dans l’eau de la
clairefontaine » et « Marquise », sur un texte de Corneille. Avec « La noyée »,
les deux musiciens rendent également hommage à un autre poète-chanteur (et
réciproquement), Serge Gainsbourg. Méloditions est constitué de dix-sept
chansons, d’une moyenne de trois minutes…
Dès « Après un rêve », un poème de Romain Bussine sur Fauré, le duo
annonce la couleur : le jeu en accords et la sonorité claire et nette du
piano de Badault portent la voix grave et veloutée de Lareine. Lareine
privilégie le parler-chanter (« L’adieu »), qui évoque parfois
Gainsbourg (« La noyée »), avec des esquisses de valse (« L’invitation
au voyage »), des courbes mélodieuses (« Dans l’eau de la clairefontaine »),
des onomatopées potaches (« Honolulu »), des envolées quasi-lyriques doublées
au piano (« Le papillon et la fleur »)… mais il reste toujours dans
une veine plutôt intimiste (« Soleil couchant »). Comme il se doit
dans ce genre musical, le piano est au service du chant : balancements
subtils (« L’invitation au voyage »), réponses pertinentes (« La
noyée »), unissons (« Ophélia »), motifs astucieux (« Le
ciel est par-dessus les toits »)… le tout servi par un touché précis (« Ô
triste, triste était mon âme »), de belles articulations (« Les
berceaux ») et un accompagnement d’une acuité évidente (« Le papillon
et la fleur »). « Dans l’eau de la clairefontaine », Badault se
laisse aller à des développements plus syncopés, tandis que « Le
martin-pêcheur » flirte avec la musique contemporaine et que l’introduction
de « Soleil couchant », dense et profonde, n’est pas sans rappeler Keith Jarrett.
« L’entreprise de Méloditions »
de Lareine et Badault poursuit l’aventure du lied à la française, tout en
esprit et élégance.