15 septembre 2018

Méloditions - Badault & Lareine


En 2000, le chanteur Eric Lareine et le pianiste Denis Badault s’associent pour un concert d’improvisations baptisé le Duo Reflex. Leur premier opus, L’Evidence des contrastes, voit le jour en 2014. Le 19 février 2015, La Cave Poésie René Gouzenne, à Toulouse, accueille le concert de création de Méloditions, qui sort sur disque en septembre 2017.

Dans le sillon de la mélodie française, Badault et Lareine mettent en musique des poèmes – Guillaume Apollinaire, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine… –  sur des airs écrits essentiellement par des compositeurs français du début du vingtième – Gabriel Fauré, Arthur Honegger, Maurice Ravel, Francis Poulenc... Le duo reprend également « L’invitation au voyage » et « Ô triste, triste était mon âme » de l’un des maîtres du genre au vingtième : Léo Ferré. D’un autre amateur de cet exercice, Georges Brassens, Badault et Lareine interprètent « Dans l’eau de la clairefontaine » et « Marquise », sur un texte de Corneille. Avec « La noyée », les deux musiciens rendent également hommage à un autre poète-chanteur (et réciproquement), Serge Gainsbourg. Méloditions est constitué de dix-sept chansons, d’une moyenne de trois minutes…

Dès « Après un rêve », un poème de Romain Bussine sur Fauré, le duo annonce la couleur : le jeu en accords et la sonorité claire et nette du piano de Badault portent la voix grave et veloutée de Lareine. Lareine privilégie le parler-chanter (« L’adieu »), qui évoque parfois Gainsbourg (« La noyée »), avec des esquisses de valse (« L’invitation au voyage »), des courbes mélodieuses (« Dans l’eau de la clairefontaine »), des onomatopées potaches (« Honolulu »), des envolées quasi-lyriques doublées au piano (« Le papillon et la fleur »)… mais il reste toujours dans une veine plutôt intimiste (« Soleil couchant »). Comme il se doit dans ce genre musical, le piano est au service du chant : balancements subtils (« L’invitation au voyage »), réponses pertinentes (« La noyée »), unissons (« Ophélia »), motifs astucieux (« Le ciel est par-dessus les toits »)… le tout servi par un touché précis (« Ô triste, triste était mon âme »), de belles articulations (« Les berceaux ») et un accompagnement d’une acuité évidente (« Le papillon et la fleur »). « Dans l’eau de la clairefontaine », Badault se laisse aller à des développements plus syncopés, tandis que « Le martin-pêcheur » flirte avec la musique contemporaine et que l’introduction de « Soleil couchant », dense et profonde, n’est pas sans rappeler Keith Jarrett.

« L’entreprise de Méloditions » de Lareine et Badault poursuit l’aventure du lied à la française, tout en esprit et élégance.