29 septembre 2018

Inner core - Irene Aranda


Depuis Ininterfrequency 23 7, sorti en 2008, la pianiste espagnole Irene Aranda continue d’explorer l’avant-garde sans relâche, comme en témoignent Yetzer (2012), Jazz At La Montaña Rusa (2015), Tribus et Phonophobia (tous les deux publiés en 2016). Elle s’embarque dans sa nouvelle aventure avec le contrebassiste Johannes Nästesjö et la percussionniste Núria Andorrà.

Référence à la graine terrestre, cet alliage de fer et de nickel qui forme le cœur brûlant de la planète et que la sismologue danoise Inge Lehmann a découvert en 1936, Inner Core est constitué de six pièces aux titres évocateurs, comme le morceau éponyme, bien sûr, mais aussi « Planck Mass » (unité de mesure utilisée pour les particules), « Nucleation » (germination des atomes ou des ions), « Allotropism » (faculté de démultiplication de certains éléments chimiques), « Zeldovich Factor » (transfert d’énergie entre électrons et photons)… Bienvenue dans la physique musicale !

Dans « Planck Mass », les particules sonores s’entrechoquent pendant plus d’un quart d’heure, d’abord dans un brouhaha touffu de clusters, chocs, slap, pédales, splash, martèlements… un magma sonore suggestif et tendu, proche de la musique concrète, puis dans des vrombissements, grincements, vibrations… minimalistes à peine audibles. « Incoming Matter » est un court interlude dans lequel les phrases heurtées du piano percutent les traits d’archet de la contrebasse. Les grattements, frottements, tintinnabulements et autres crissements de « Nucleation » ressemblent à une installation sonore mécaniste. « Inner Core » continue dans la même voie : une sculpture tumultueuse, digne d’un atelier de chaudronnier. Par touches légères, l’archet, les cymbales, les clochettes et les cordes du piano installent l’ambiance spatiale d’« Allotropism », qui se déroule ensuite dans une abstraction expressive, toujours à la limite du perceptible. Le disque se conclut par « Zeldovich Factor », un crescendo rythmique sur fond de roulements serrés de la batterie, de grondements de la contrebasse et d’accords profonds du piano, à peine interrompus par quelques esquisses de motifs mélodique et qui se termine en apothéose.

Avec Inner Core, Aranda, Nästesjö et Andorrà plongent les auditeurs dans leur « géophysique musicale » à grand renfort d’expérimentations sonores et rythmiques dans un esprit musique contemporaine.