Depuis Ininterfrequency
23 7, sorti en 2008, la pianiste espagnole Irene Aranda continue d’explorer l’avant-garde sans relâche, comme
en témoignent Yetzer (2012), Jazz At La Montaña Rusa (2015), Tribus et Phonophobia (tous les deux publiés en 2016). Elle s’embarque dans
sa nouvelle aventure avec le contrebassiste Johannes Nästesjö et la percussionniste Núria Andorrà.
Référence à la graine terrestre, cet alliage de fer et de
nickel qui forme le cœur brûlant de la planète et que la sismologue danoise Inge Lehmann a découvert en 1936, Inner Core est constitué de six pièces
aux titres évocateurs, comme le morceau éponyme, bien sûr, mais aussi « Planck
Mass » (unité de mesure utilisée pour les particules),
« Nucleation » (germination des atomes ou des ions),
« Allotropism » (faculté de démultiplication de certains éléments
chimiques), « Zeldovich Factor » (transfert d’énergie entre électrons
et photons)… Bienvenue dans la physique musicale !
Dans « Planck Mass », les particules sonores s’entrechoquent
pendant plus d’un quart d’heure, d’abord dans un brouhaha touffu de clusters, chocs,
slap, pédales, splash, martèlements… un magma sonore suggestif et tendu, proche
de la musique concrète, puis dans des vrombissements, grincements, vibrations…
minimalistes à peine audibles. « Incoming Matter » est un court
interlude dans lequel les phrases heurtées du piano percutent les traits d’archet
de la contrebasse. Les grattements, frottements, tintinnabulements et autres
crissements de « Nucleation » ressemblent à une installation sonore
mécaniste. « Inner Core » continue dans la même voie : une
sculpture tumultueuse, digne d’un atelier de chaudronnier. Par touches légères,
l’archet, les cymbales, les clochettes et les cordes du piano installent l’ambiance
spatiale d’« Allotropism », qui se déroule ensuite dans une
abstraction expressive, toujours à la limite du perceptible. Le disque se
conclut par « Zeldovich Factor », un crescendo rythmique sur fond de
roulements serrés de la batterie, de grondements de la contrebasse et d’accords
profonds du piano, à peine interrompus par quelques esquisses de motifs
mélodique et qui se termine en apothéose.
Avec Inner Core, Aranda,
Nästesjö et Andorrà plongent les auditeurs dans leur « géophysique
musicale » à grand renfort d’expérimentations sonores et rythmiques dans un
esprit musique contemporaine.