Depuis Blues For Nel (2004), Samy Thiébault a sorti
un disque quasiment tous les deux ans : Gaya
Scienza, Upanishad Expériences, Clear Fire, Feast of Friends, Rebirth
et Carribean Stories (en septembre
2018). En parallèle, le saxophoniste a créé son propres label : Gaya Music Production. Partons à la découverte de ce jazzman philosophe et prolifique…
La musique
Mon
père, pianiste amateur, professeur de physique en lycée et baroudeur invétéré,
rêvait d’être saxophoniste, il m’a donc mit un saxophone entre les mains le
plus tôt qu’il a pu ! Et la greffe a bien marché ! J’ai découvert le jazz
à l’âge de huit ans en écoutant les vinyles de mon père – Duke Ellington et Fats Navarro – et en les jouant d’oreille avec lui au piano et moi
au saxophone…
Je
suis resté dans la pratique amateur très longtemps. J’ai d’abord travaillé le
classique, puis le jazz au sein du Big Band de mon conservatoire et des jam
sessions auxquelles je me précipitais adolescent. Le niveau y était
extraordinaire car dans le modeste Bassin d’Arcachon, où je vivais à l’époque,
de magnifiques musiciens venaient jouer dans un club hors norme : une
pizzeria tenue par un surfeur doux rêveur... On pouvait y entendre et jammer
avec Alex Golino, Vincent Bourgeyx, Manuel Marchès, Frédéric
Couderc, Jérôme Etchéberry… Les
locaux de l’étape ! Mais aussi avec Mark
Turner, Johnny Griffin, Yannick Rieu, Simon Goubert… et j’en passe !
Ensuite,
je me suis installé à Paris pour terminer mes études de Philosophie, mais je me
suis inscrit en parallèle à l’IACP. C’est une école incroyable, dirigée de
manière passionnée par les frères Belmondo.
J’y ai beaucoup appris. C’est à ce moment que j’ai décidé de tout abandonner
pour me consacrer exclusivement à la musique. Puis je suis rentré au Conservatoire
National Supérieur de Musique de Paris pour y vivre quatre belles années... En
sortant, j’ai tout de suite enchaîné les disques et les concerts. Je suis
passionné de travail et touche du bois pour que je puisse continuer de pouvoir
satisfaire cet appétit !
Pendant
mon apprentissage j’ai été influencé par un nombre incalculable de musiciens et
plus j’avance, plus la liste s’étend, car je me nourris d’éléments de plus en
plus divers… En vrac, je citerais John
Coltrane, Cecilia Todd, Louis Armstrong, Sonny Rollins, Dexter Gordon,
Maurice Ravel, The Doors, toutes les
musiques traditionnelles du Maroc et de l’Afrique de l’ouest, le Merengue dans
toutes ses formes, le Calypso, Mark Turner, Lester Young… mais, décidément, la liste est trop longue…
Cinq clés pour le jazz
Qu’est-ce
que le jazz ? La musique
du peuple : généreuse, exigeante et novatrice !
Pourquoi la
passion du jazz ? Il émeut, parle aux sens les plus profonds
et nobles de notre humanité.
Où écouter
du jazz ? Tous les moments sont bons dès lors qu’on est « entré en
musique » : assis religieusement au premier rang, au bar d’un club en parlant
avec sa voisine ou son voisin, au fin fond du chapiteau d’un grand festival… C’est
la force de cette musique !
Comment
découvrir le jazz ? Il
faut aller l’écouter en live et, surtout, oublier tout ce qu’on a pu vous en
dire avant !
Une anecdote
autour du jazz ? La genèse de cette musique qui est l’une
des premières traces de l’invention Créole. La culture Créole est la première
culture au monde à s’être auto engendrée. Elle s’est créée de toute pièce à
partir du mélange d’autres cultures, dans un contexte de violence indéniable,
mais donc aussi d’amour.
Le portrait chinois
Si j’étais
un animal, je serais un serpent. C’est
lui qui a rendu le plus grand service à l’humanité !
Si j’étais
une fleur, je serais un lotus. J’en
ai des mètres de tatouages !
Si j’étais
un fruit, je serais de la passion,
forcément !
Si j’étais
une boisson, je serais une Caïpiroska,
Si j’étais
un plat, je serais une pastilla au
pigeon,
Si j’étais
une lettre, je serais J. C’est
l’initiale du prénom de notre fils…
Si j’étais
un mot, je serais Amour,
Si j’étais
un chiffre, je serais 0,
Si j’étais
une couleur, je serais bleu,
Si j’étais
une note, je n’en serais aucune… Les notes ne valent rien : c’est leur
interprétation qui compte.
Les bonheurs et regrets musicaux
Me
lever tous les matins en apprenant quelque chose de nouveau est ce qui me
comble et je n’ai aucun regret : les erreurs sont des étapes aussi
nécessaires que les moments d’harmonie… Seul le chemin compte.
Sur l’île déserte…
Quels
disques ? Il y en
aurait trop à emmener, donc je n’en prendrais aucun ! La musique de ce qui
m’entourera résumera tous les disques que j’aurais pu emporter…
Quels
livres ? Un seul : L’Iliade
et l’Odyssée. On peut le relire éternellement en y découvrant à chaque fois
toute la magie de l’Humanité dans son entièreté.
Quels
films ?
Mmhhh…
A supposer que a batterie de mon lecteur DVD tienne suffisamment longtemps, je
dirais : Interstellar de Christopher Nolan.
Quelles
peintures ? Quel exil luxueux ! Je dirais des toiles de Pablo Picasso, pour son interrogation
constante.
Quels
loisirs ? Nager… Evidemment !
Les projets
J’ai
beaucoup de projets ! Aujourd’hui, c’est de jouer mon nouveau répertoire :
Caribbean Stories sort le 21
septembre et je veux que nous nous surprenions sur scène, le public et
nous-même, les musiciens… La musique dont je me suis inspiré et que nous
revisitons est d’une générosité et d’une modernité renversante. Pour la faire
vivre de la manière la plus expressive et inventive possible, il faut une
grande préparation en amont. Et c’est ce à quoi je m’attèle tous les jours... Dans
quelques mois une autre surprise arrivera, dans une direction très différente, mais
je préfère ne pas trop en dire pour le moment, chaque chose en son temps…
Trois vœux…
1. Que l’humanité découvre très bientôt la
coopération plutôt que la lutte...
2. Que ceux et celles qui veulent la coopération
gagnent la lutte !
3. « Omnia vincit amor et nos cedamus amori »
(Virgile… et Sense8 ! Ah ! Ah !).