07 novembre 2015

Mechanics – Sylvain Rifflet


Mechanics
Sylvain Rifflet
Sylvain Rifflet(sax, cl, elec), Jocelyn Mienniel (fl, sanza), Philippe Gordiani (g), Benjamin Flament (d, perc).
Jazz Village – JV957009
Sortie en septembre 2015

Depuis qu’il est sorti du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, Sylain Rifflet accumule les collaborations avec, notamment, Alban Darche, puis, à partir de 2007, il développe ses propres projets, en commençant par Rockingchair, groupe formé avec Airelle Besson. Viennent ensuite des musiques de film (Dernier Maquis de Rabah Ameur-Zaïméche), divers projets pédagogiques et, en 2011, Alphabet, un quartet avec Jocelyn Mienniel à la flûte, Philippe Gordiani à la guitare et Benjamin Flament aux percussions. Le quartet sort un premier disque éponyme en 2012, suivi de Mechanics, en septembre 2015.

Sept des douze moreaux sont des inédits de Rifflet. Quant à « Electronic Fire Gun », il est renommé « Enough Fucking Guitar » pour l’occasion. Le quartet reprend également « 2 West 46th Street » et « Elf Dance » de Moondog, « Tout dit » de Camille et joue une « Improvisation # 1 » collective pour conclure Mechanics. Le titre de l’album, les compositions de Moondog, l’hommage à Philip Glass dans « Glassicism », voire même le minimalisme de Camille… sont autant de références à la musique répétitive. Avoir choisi d’illustrer la pochette du disque avec un dessin extrait du Guide des Cités est également révélateur des intentions musicales de Rifflet : Les Cités obscures, la bande dessinée en treize volumes de François Schuiten et Benoît Peeters, décrit un monde parallèle dans lequel l’architecture joue un rôle clé…

Paradoxe de Mechanics : sans clavier, ni contrebasse, le quartet n’a pas choisi une configuration particulièrement structurante. Et pourtant, la musique de Rifflet, Mienniel, Gordiani et Flament est rudement organisée ! Elle repose sur le jeu collectif (« 2 West 46th Street »), des morceaux construits autour de contrepoints (« Mechanics »), d’ostinatos (« Glassicism ») et de boucles (« Origamis »), une approche rythmique rigoureuse (« Enough Fucking Guitar ») et des motifs mélodiques tracés au cordeau (« Fantoms »). Mechanics joue également avec les textures sonores : assemblage de timbres variés (sanza, boîte à musique, percussions diverses…), travail sur le mixage (réverbérations, nappes synthétiques…), malaxage du son (souffle, growl…),  effets expressif (staccatos, tourneries folk, passages bruitistes…)… Au milieu de ces constructions futuristes, Mienniel (« From C ») et Rifflet (« Origamis ») laissent leur lyrisme errer sans contrainte, au grès de leurs envies.

Musique urbaine, s’il en est, la musique de Rifflet et de ses compagnons évoque, bien sûr, la bande dessinée (Les Cités obscures, Moebius), mais aussi le cinéma (Metropolis, Les temps modernes, Playtime…), voire Maurits Cornelis Escher, pour les clins d’yeux et autres vrais-faux semblants. Mechanics met à sauce, avec maestria, des ingrédients cueillis dans la musique répétitive et le jazz, et le menu justifie le voyage…