14 octobre 2016

Border Lines – Stéphane Tsapis Trio

Border Lines
Stéphane Tsapis Trio
Stéphane Tsapis (p, kbd), Marc Buronfosse (b) et Arnaud Biscay (d), avec Arthur Simonini (v)
Cristal Records – CR 242
Sortie en mars 2016

Stéphane Tsapis compose pour le cinéma – Benjamin Travade, Elefterios Zcharopoulos…  –, donne des cours au CRR de Paris et développe ses groupes : le quintet Kaïmaki (un disque éponyme en 2008 et Mataroa en 2012), un duo avec le saxophoniste Maki Nakano (Musique pour quatre mains et une bouche en 2012) et son trio, avec Marc Buronfosse à la contrebasse et Arnaud Biscay à la batterie.

En 2014, le Stéphane Tsapis Trio sort Charlie et Edna sur le label japonais Cloud, puis, en mars 2016, Border Lines est publié par Cristal Records. Le trio invite le violoniste Arthur Simonini sur un morceau. Tsapis signe six des onze morceaux et interprète deux chants traditionnels macédonien et d’Asie mineure, « The Mountains See Us All » du joueur d’oud et leader de Night Ark, Ara Dinkjian, « To Praktorio / Kaigomai » du compositeur Stávros Xachárkos et « Nichtose choris feggari », un tube d’Apostolos Kaldaras.

Dans une atmosphère moyen-orientale (« The Mountains See Us All »), parfois nostalgique (« Border Blues »), empreinte d’un lyrisme à fleur de doigts (« Nichtose choris feggari », curieusement coupé après le thème ?), les mélodies des Balkans sont souvent émouvantes. Les rythmes entraînants (« Giorgitsa ») fusionnent jazz et rythmes composés (« Fièvres »), sans aller jusqu’à la frénésie des brass brand d’inspiration tsigane. A l’instar de Tigran Hamasyan ou, encore davantage, dans la lignée de Bojan Z, Tsapis assaisonne son jeu d’épices orientaux : ornementations, trilles, arabesques, trémolos, appoggiatures, mordants… Et, comme Bojan Z, il utilise également un orgue au son vintage (« To Praktorio / Kaigomai »). Avec son gros son boisé, Buronfosse soutient les développements du piano avec des lignes profondes (« Patrounino »), plutôt minimalistes (« Giorgitsa »), des motifs sourds intenses (« Goldman Sucks ») ou des unissons avec la main gauche du pianiste (« Fièvres »). Biscay foisonne subtilement (« Patrounino »), souligne avec emphase la mélodie (« Border Blues ») et maintient une pression constante (« Fièvres »). Avec ses pédales, ostinatos et autres rythmes composés, la main gauche puissante de Tsapis se mêle souvent à la section rythmique. Le trio interagit efficacement (« Patrounino ») grâce, notamment, à une mise en place soignée et une écoute attentive. Si la plupart des morceaux naviguent dans les eaux balkaniques («Giorgitsa »), des comptines (« Karaghiozis in Wonderland »), du rock (« Goldman Sucks »), du blues (« To Praktorio / Kaigomai »)… s’invitent aussi à la croisière.

Border Lines relie jazz et Balkans : la musique de Tsapis, qui circule en toute liberté entre les deux mondes, sans se soucier des frontières, réussit l’alliage du charme et de la créativité.