24 novembre 2014

Antonio Sanchez en trios…

L’actualité du batteur Antonio Sanchez est fournie : en février il est sur Kin (ßà) du Pat Mehteny Unit Group, en mai il figure sur Stories d’Enrico Pieranunzi et, en octobre, il sort Three Times Three, un double-album avec trois trios aux instrumentations variées : Brad Mehldau et Matt Brewer, John Scofield et Christian McBride, Joe Lovano et John Patitucci.

Three Times Three et Stories sont publiés chez CAMJazz. Le label romain (et new-yorkais) propose un catalogue particulièrement relevé avec des artistes aussi différents que Pieranunzi, John Taylor, Fred Hersh, Martial Solal… et Sanchez. Coffret élégant aux coins arrondis, ouverture par pression, références de l’album sur les quatre bords, étiquettes autocollantes pour les catalogues, livret d’une quinzaine de pages plastifiées… CAM Jazz soigne ses disques !

 Three Times Three

Né à Mexico, Sanchez commence la batterie dès son plus jeune âge et apprend le piano classique au Conservatorio Nacional de Música de Mexico. Au début des années quatre-vingts dix, diplôme en poche, il part étudier le jazz au Berklee College of Music. Il poursuit ensuite ses études au New England Conservatory avec Danilo Perez, qui le recommande à Paquito D’Rivera pour le Dizzy Gillespie's United Nations Orchestra. Sanchez tourne ensuite avec Perez et, en 1999, il rejoint le Pat Metheny Group pour une collaboration au long cours. Installé à New York depuis le début des années deux mille, Sanchez accompagne aussi bien Avishai Cohen et Michael Brecker que Gary BurtonChick Corea, Metheny et Pieranunzi !

En 2007, Sanchez sort son premier disque en leader, Migration, chez CAM Jazz. Ont suivi Live In New York (2010), New Life (2013) et… Three Times ThreeCe dernier est un double-album sous forme de triptyque constitué de trois trios qui jouent chacun trois morceaux.

Dans les trois trios de Three Times Three, l’instrumentation repose sur une paire rythmique contrebasse – batterie, plus un soliste : le piano de Mehldau dans le premier disque, la guitare de Metheny et le saxophone ténor de Lovano dans le deuxième. Côté contrebasse, Sanchez fait appel à trois musiciens différents. Si le batteur est souvent associé à Colley (présent sur les deux premiers opus du batteur), c’est Brewer (il était déjà là sur New Life) qui a été choisi pour le premier trio. Viennent ensuite McBride et Patitucci.

Chaque trio joue deux compositions de Sanchez et un standard : « Nardis » (rebaptisé « Nar-this » pour l’occasion), écrit par Miles Davis en 1958 pour le disque de Cannonball AdderleyPortrait of Cannonball, « Fall », composé par Wayne Shorter en 1967 pour Nefertiti, l’album de Davis, et « I Mean You », conçu par Thelonious Monk et Coleman Hawkins en 1947.

Le premier trio est évidemment marqué par la patte de Mehldau : l’approche est mélodieuse, avec des dissonances glissées ici et là (« Big Dream »), des ostinatos placés à bon escient (« Constellations ») et, toujours, ce jeu pop-bop entraînant (« Nar-this »), si caractéristique du pianiste. Brewer s’appuie sur une sonorité ample et grave pour soutenir ses compères, en alternant une ligne aérienne et un rif sourd (« Constellations ») ou en jouant des motifs emphatiques (« Big Dream »). Le deuxième trio n’est pas nouveau puisqu’il a déjà enregistré Day Trip, en 2008.  Comme à son habitude, Metheny se montre versatile : assez minimaliste dans « Fall », funky et aérien and « Nooks And Crannies… » et plutôt bop dans « Rooney And Vinsky ». McBride met sa sonorité profonde au service d’une walking vive et entraînante (« Rooney And Vinsky.. »), d’ostinatos sourds (« Fall ») ou de rif funky dansants (« Nooks And crannies »). Le troisième trio reste dans une atmosphère qui mêle bop et dissonances. Vigoureux et sagace, Lovano met du free (« Leviathan ») et des touches bluesy dans son bop (« I Mean You »), joue avec les nuances sonores (fredonnements dans « Firenze »). Patitucci se montre particulièrement mélodieux (« Léviathan », « I Mean You ») et alerte (« Firenze »), mais sait également lancer une walking imparable (« I Mean You »). Quelle que soit la configuration du trio, le drumming de Sanchez est un foisonnement puissant qui maintient le trio sous pression ! Comme dans Stories, Sanchez nage dans la polyrythmie (« I Mean You »). Le jeu est dense (« Fall »), parsemé de roulements furieux (« Nar-this ») et de splashes retentissants (« Consellations »). A des chabadas dynamiques (« Rooney And Vinsky ») succèdent des motifs funky redoutables (« Nooks And Crannies »), entrecoupés de chorus éclatants (« Leviathan »), mais aussi des des passages sobres et élégants (« Firenze »).

Avec une écriture et un jeu d’une personnalité indiscutable, Sanchez réussit à marquer Three Times Three de son empreinte, et même si les trois trios sont différents, la musique est homogène du début à la fin.

Le disque

Three Times Three
Antonio Sanchez
John Scofield (g), Joe Lovano (ts), Brad Mehldau (p), Matt Brewer (b), Christian McBride (b),
John Patitucci (b) et Antonio Sanchez (d).
CAM Jazz - CAMJ 7879-5
Sortie en septembre 2014

Liste des morceaux

Disque 1
01. « Nar-this », Davis (12:33).
02. « Constellations » (13:54).
03. « Big Dream » (8:12).

Disque 2
01. « Fall », Shorter (8:33).
02. « Nooks And Crannies... » (8:45).
03. « Rooney And Vinsky... » (6:21).
04. « Leviathan » (8:59).
05. « Firenze » (8:30).
06. « I Mean You », Monk (7:52).


Tous les morceaux sont signés Sanchez sauf indication contraire.


Stories

Chez CAM Jazz depuis près de vingt-cinq ans, Pieranunzi a publié plus de soixante-dix disques sous son nom. Stories a été enregistré avec le même trio que celui de Permutation, sorti en 2012 : Scott Colley à la contrebasse et Sanchez à la batterie.

Diplômé de la célèbre Accademia Nazionale Di Santa Cecilia de Rome, Pieranunzi a un double cursus classique et jazz, dont il écume les scènes depuis le début des années soixante-dix. Il a joué avec le gotha du jazz, de Chet Baker à Paul Motian, en passant par Lee Konitz, Johnny Griffin, Art Farmer, Jim Hall

Stories s’articule autour de sept thèmes de Pieranunzi et « The Slow Gene », signé Colley. Comme toujours chez Pieranunzi, la musique est claire, nette et précise. D’une virtuosité et d’une efficacité rythmique indéniables, le pianiste reste constamment mélodieux, entre un lyrisme (« Where Stories Are... »), parfois teinté de romantisme (« Flowering Stones… »), et un dynamisme dans l’esprit bop (« Detras Mas Alla »). Ici, les accords sont puissants (« No Improper Use »), la main gauche énergique (« Blue Waltz »), les notes crépitent (« Which Way Is Up »)… là, le touché est délicat (« Where Stories Ares… »), le phrasé se fait solennel (« The Real Is You ») et le propos devient subtil (« The Slow Gene »). Souplesse et fluidité caractérisent le jeu de Colley. Le contrebassiste alterne des lignes qui galopent (« No Improper Use »), des motifs légers (« Blue Waltz ») ou, au contraire, un chant grave et profond (« The Real Is You »). Dans un registre plutôt medium-aigu, le chorus de « The Slow Gene » est court, mais d’une musicalité dense. Quant à Sanchez, il maitrise la polyrythmie avec une aisance confondante (« Detras Mas Alla »)… ses racines mexicaines n’y sont sans doute pas pour rien ! Son drumming imposant (« No Improper Use »), tendu (« Blue Waltz ») et volontiers touffu (« Which Way Up ») ne l’empêche pas de se montrer adroitement discret quand il le faut (« Flowering Stones… »).

Dans le prolongement de Permutation, Pieranunzi, Colley et Sanchez dialoguent toujours avec autant d’intensité et Stories s’inscrit dans une lignée neo-bop, que le trio fait fructifier avec talent et vitalité.

Le disque

Stories
Enrico Pieranunzi
Enrico Pieranunzi (p), Scott Colley (b) et Antonio Sanchez (d)
CAM Jazz – CAMJ 7875-5
Sortie en mai 2014

Liste des morceaux

01. « No Improper Use » (4:10).
02. « Detras Mas Alla » (8:06).
03. « Blue Waltz » (7:33).
04. « The Slow Gene », Colley (5:16).
05. « Which Way Is Up » (3:55).
06. « Where Stories Are... » (8:11).
07. « Flowering Stones... » (7:24).
08. « The Real You » (5:16).

Tous les morceaux sont signés Pieranunzi sauf indication contraire.

23 novembre 2014

A la croisée des voix...

La fin de l’année approche à grands pas, l‘occasion de faire un tour de chant avec quelques disques sortis depuis le mois de janvier 2014 : de la comédie musicale de Pink Martini à l’avant-garde rap d’Antoine Berjeaut, en passant par les chansons à texte de Bruno Desplan et Roland Brival, la crooner Aurielle Sciorilli, les îles de Manuel Rocheman et le Charles Mingus de Jacques Vidal… il y en a pour tous les goûts !


Dream A Little Dream
Pink Martini & The Von Trapps


En 1994, à Portland, Oregon, Thomas Lauderdale abandonne une carrière politique pour fonder un orchestre d’une douzaine de musiciens, Pink Martini. La chanteuse China Forbes rejoint Pink Martini l’année suivante et, en 1997, ils sortent leur premier disque, Sympathique, qui est un succès en France pour sa chanson « Je ne veux pas travailler ». Depuis, Pink Martini n’a cessé de tourner autour du monde et d’enregistrer sur son label : Heinz Records. Dream A Little Dream, huitième album de Lauderdale et sa bande, sort en France chez Naïve en mars 2014.

Sur Dream A Little Dream, Pink Martini s’est associé à The Von Trapps, un trio vocal composé de Sofia, Melanie et Amanda Von Trapp, petites-filles de Maria Von Trapp, connue pour son autobiographie publiée en 1949, La famille des chanteurs Trapp, et qui est à l’origine de La mélodie du bonheur, comédie musicale aussi célèbre à Broadway (Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II – 1959), qu’à Hollywood (Robert Wise – 1965).

Pink Martini joue quinze morceaux d’une durée moyenne de trois minutes et seize secondes, en ligne avec les canons du genre. Le répertoire est un véritable melting pot dans lequel : de « Kuroneko No Tango », reprise japonaise par Osamu Minagawa du tube italien « Volevo un gatto nero » (Framario, Armando Soricillo et Francesco Saverio Maresca – 1969), au hit suédois d’ABBA « Fernando » (1976), en passant par « Hayaldah Hachi Yafa Bagan », succès de la chanteuse israélienne Yehudit Ravitz (1976) et « Le Premier Bonheur Du Jour » chanté par Françoise Hardy (1963), le morceau titre, popularisé par The Mamas & The Papas en 1968, mais aussi un yodel bavarrois, l’hymne national rwandais (sic !), une ritournelle du nouvel an chinois, une musique de film (« Hushabye Mountain » tiré de Chitty Chitty Bang Bang)… et même, « In Stiller Nacht », un air traditionnel revu par Johannes Brahms ! Pink Martini n’oublie évidemment pas The Sound of Music, avec « Lonely Goatherd » et « Edelweiss ». Enfin, August Von Trapp, le quatrième des Von Trapp Children, propose trois morceaux de son cru.

Dream A Little Dream jongle entre des ambiances de comédie musicale (« Storm », « Hushabye Mountain »), des environnements cinématographiques (« Kuroneko No Tango »), des sambas (« Fernando »), du folklore (« Friend », « Die Dorfmusik »), des passages cross-over (« In Stiller Nacht », « Thunder ») ou des hymnes a capella (« Rwanda Nziza », « Edelweiss »). Les arrangements sont jazzy, avec une rythmique légère et entraînante, des voix claires et justes, une partition nette et précise, une prise de son flatteuse...

Pink Martini reprend des tubes à sa manière : enjouée, arrangée au cordeau et multinationale.

Le disque

Dream A Little Dream
Pink Martini & The Von Trapps
China Forbes (voc), Storm Large (voc), Amanda, Melanie et Sofia Von Trapp (voc), Robert Taylor (tb), Gavin Bondy (tp), Nicholas Crosa (v), Pansy Chang (vc), Dan Faehnle (g), Thomas Lauderdale (p), Phil Baker (cb), Timothy Nishimoto (voc, percu), Brain Lavern Davis (d, percu) et Anthony Jones (d, percu), avec Wayne Newton (voc), Jack Hanna (voc), Charmian Carr (voc) et The Chieftains.
Heinz Records – Naïve
Sortie en mars 2014

Liste des morceaux

01.  « Storm » (2:56).
02.  « Kuroneko No Tango », Framario, Soricillo & Maresca (2:45).
03.  « Dream A Little Dream », Fabian Andre, Wilbur Schwandt et Gus Kahn (3:52).
04.  « Fernando », Benny Andersson et Björn Ulvaeus (3:52).
05.  « Hayaldah Hachi Yafah Bagan », Ravitz (2:53).
06.  « Friend » (4:15).
07. « Die Dorfmusik » (2:44).
08. « In Stiller Nacht » (2:01).
09. « Le Premier Bonheur Du Jour », Franck Gérald et Jean Renard (3:12).
10. « Rwanda Nziza » (3:20).
11. « Gong Xi » (2:26).
12. « Hushabye Mountain », Robert & Richard Sherman (3:18).
13. « Lonely Goatherd », Rodgers & Hammerstein II (2:40).
14. « Edelweiss », Rodgers & Hammerstein II (2:49).
15. « Thunder » (4:49).


Comet’Style
Bruno Desplan Trio

Dans les années quatre-vingts dix, Bruno Desplan se partage entre la Bretagne et la Haute-Savoie avec son groupe, Charly & Sir Hyde. Installé à Paris, Desplan se produit d’abord en solo, puis en duo avec la soprano Julie Horreaux et, en 2007, il monte un trio avec François-Pierre Camin à la contrebasse et François Porcher à la batterie (Concert aux déchargeurs – 2009). En 2011, la percussionniste Isabelle Guidon remplace Porcher. C’est avec ce trio que Desplan enregistre Comet’Style, sorti en 2014 chez CieuXRêverieSons.

Desplan est l’auteur des neuf chansons de l’album, qui s’étalent de quatre à quinze minutes. Les textes, poétiques, jouent sur les associations de mots et les sonorités des syllabes. Desplan alterne passages en voix de tête (« Globe certes »), dissonances et modulations aigües («  Paradoxe CV ») et déclamation entre chant et parole (« Illogisme »), dans un style proche de celui de Serge Gainsbourg.

La construction des morceaux ne suit pas la structure couplet – refrain, mais se rapproche davantage du thème – solo – thème caractéristique du jazz. Le trio, à dominante rythmique, interagit habilement (« (Renaitr’) sans sens »), change fréquemment de direction (« Vague de songe »), glisse quelques accents bluesy (« Ton élégance »), met des touches de valses (« Vals’étincelle »)… Les Caraïbes restent également en filigrane tout au long de Comet’Style avec, bien sûr, les congas vives et puissantes de Guidon (« Comèt’Style 1 : Une comète, un style… », « Lié »), mais aussi les rifs de Camin (« Global certes ») et les blocs d’accords dans un esprit latino de Desplan (« Paradoxe CV »).

Textes recherchés, chant sophistiqué et jazz au fumet caribéen font de Comet’Style un disque à part et du Bruno Desplan Trio un groupe à la personnalité originale.

Le disque

Comet’Style
Bruno Desplan Trio
Bruno Desplan (voc, p), François-Pierre Camin (b) et Isabelle Guidon (percu)
CieuXRêverieSons
Sortie en janvier 2014.

Liste des morceaux

01. « Vague de songe » (10:16).
02. « Ton élégance » (6:06).
03. « Paradoxe CV » (3:57).
04. «  (Renaitr’) sans sens » (14:42).
05. « Comèt’Style 1 : Une comète, un style… » (4:15).
06. « Globe certes » (7:05).
07. « Vals’étincelle » (6:00).
08. « Lié » (5:09).
09. « Illogisme » (10:35).

Tous les morceaux sont signés Desplan.


Eros Blues
Aurielle Sciorilli

Descendante d’une lignée de musiciens (son père est le chanteur Ettore Sciorilli et son grand-père, le compositeur de chansons populaires Eros Sciorilli), AurielleSciorilli est d’abord éblouie par Blue de Joni Mitchell, et s’engage sur les traces de son illustre aînée, avant d’intégrer le Sydney Conservatorium of Music. En 2011, Sciorilli enregistre Send The Wandering Girl Home et s’installe à Milan.  Elle décide alors de monter un projet basé sur les chansons de son grand-père : Eros Blues voit le jour en avril 2014.

A son quartet habituel constitué du trompettiste Daniele Raimondi, du contrebassiste Damian Nueva et du batteur Christian Djieya, s’ajoutent les pianistes Jerry Léonide ou Grégory Privat, qui se partagent également les arrangements des dix chansons choisies par Sciorilli.

Sciorilli navigue entre un medium grave (« Amore e mare »), avec une raucité qui évoque un peu les voix brésiliennes (« Non pensare a me »), et un aigu clair (« Dimmelo con un disco »), souvent aérien (« Inganno »). La trompette de Raimondi est au service de la voix et ses contrepoints astucieux la mettent particulièrement en valeur (« Due Pierrot », « Non si fa l’amore quando piove »). Dans ses chorus, le trompettiste se montre habile et inventif (« Non pensare a me »). Inutile de dire que Leonide et Privat s’y connaissent pour mettre du swing (« In cerca di te », « I colori della felicità »), dialoguer avec Sciorilli (« Dimmelo con un disco »), mettre du piment latin (« Non pensare a me »), faire danser (« L’ultimo tram »)… Nueva et Djieya assurent une rythmique entraînante (« Amore e mare ») avec des lignes de walking efficaces (« In cerca di te »)et un drumming chaloupé (« Non si fa l’amore quando piove »).

Eros Blues met en scène une crooner italienne qui chante dans une veine souvent latine, soutenue par un quartet énergique et solide.

Le disque

Eros Blues
Aurielle Sciorilli
Aurielle Sciorilli (voc), Daniele Raimondi (tp), Jerry Léonide ou Grégory Privat (p), Damian Nueva (b) et Christian Djieya (d).
Only Music
Sortie en avril 2014

Liste des morceaux

01. « Amore e mare » (10:16).
02. « Due Pierrot » (6:06).
03. « In cerca di te » (3:57).
04. « Non pensare a me » (14:42).
05. « Inganno » (4:15).
06. « Dimmelo con un disco » (7:05).
07. « Non si fa l’amore quando piove » (6:00).
08. « I colori della felicità » (5:09).
09. « L’ultimo tram » (10:35).
10. « Ispirazione » (10:35).

Tous les morceaux sont signés Sciorilli.


Cuernavaca
Jacques Vidal

Jacques Vidal commence par la batterie, puis s’oriente vers la contrebasse qu’il apprend aux Conservatoires du Xème arrondissement de Paris, puis de Versailles. En 1969, Vidal est de l’aventure de Magma, aux côtés de Christian Vander. Dans les années quatre-vingt, il commence une association au long cours avec Frédéric Sylvestre. A partir de 1994, Vidal monte un quintet – Sylvestre, Florin Niculescu, puis Eric Barret, Michel Graillier, puis Manuel Rocheman et Simon Goubert – et un septet (le quintet plus Glenn Ferris et Stéphane Guillaume). En parallèle, Vidal enseigne au C.I.M., à la National Taiwan Academy of Arts, à la Bill Evans Academy… Le contrebassiste compte plus d’une dizaine de disques sous son nom et Cuernavaca sort chez Soupir Editions en septembre.

Pour Cuernavaca, Vidal a réuni un quintet avec la chanteuse Isabelle Carpentier, le saxophoniste Pierrick Pédron, le tromboniste Daniel Zimmermann, et le percussionniste Xavier Desandre-Navarre. S’ajoutent, selon les morceaux, un chœur supplémentaire.

Cuernavaca évoque évidemment la ville Au-dessous du volcanCharles Mingus vécut les dernières années de sa vie. Cuernavaca fait aussi référence au livre éponyme d’Enzo Coremann, publié en 2003 aux éditions Rouge Profond. Cet hommage au contrebassiste s’articule autour de trois morceaux signés Vidal et sept de Mingus : « Better Git It in Your Soul » et « Goodbye Pork Pie Hat » repris de Mingus Ah Um (1959), « Wednesday Night Prayer Meeting » tiré de Blues & Roots (1959), « Devil Woman » et « Ecclusiastics » extraits de Oh Yeah (1961), « Eclipse », sorti de Pre-Bird (1960) et, l’hommage à Oscar Pettiford, « O.P. », publié dans Charles Mingus with Orchestra (1971).

Vidal reste fidèle à l’esprit de Mingus : rythmique éloquente (« O.P. »), foisonnement des voix (« Devil Woman »), développements tendus (« Ecclusiastics »), construction dense (« Ecclusiastics »), blues omniprésent (« Wednesday Night Prayer Meeting »)… Le quintet sert à merveille la musique de Mingus : les vocalises entraînantes (« Strange Man ») de Carpentier, répondent aux contrepoints vifs de l’alto et du trombone (« Strange Man ») ; ce « hard-bop dirty » correspond tout à fait au jeu ferme et nerveux de Pédron (« Good Bye Pork Pie Hat ») ; même constat pour Zimmermann, à la fois élégant, décontracté et expressif (« Cuernavaca », « O.P. ») ; parfaitement à l’écoute de ses compères, Desandre-Navarre joue constamment en finesse, avec des roulements discrets (« Cuernavaca »), des motifs de valse (« Strange Man »), une cymbale prolixe (« Ecclusiastics »)… ; quant à Vidal, il joue de sa sonorité profonde pour faire résonner sa walking (« Better Git It In Your Soul »), ses shuffle (« Strange Man ») et ses rifs (« Ecclusiastics ») et se montre majestueux, dramatique et baroque à l’archet (« For Lester »).

Dans Cuernavaca, Vidal et son quintet donnent une interprétation à la fois respectueuse et personnelle – voix, lyrisme, contrechants, développements… – de Mingus.

Le disque

Cuernavaca
Jacques Vidal
Isabelle Carpentier (voc), Pierrick Pédron (as), Daniel Zimmermann (tb), Jacques Vidal (b) et Xavier Desandre-Navarre (d, perc), avec Nathalie Jeanlys (voc), Stéphanie Bowring (voc), Allen Hoist (voc) et Thierry François (voc).
Soupir Editions – S227
Sortie en septembre 2014.

Liste des morceaux

01. « Better Git It in Your Soul & Wednesday Night Prayer Meeting », Mingus (05:38).
02. « Cuernavaca », Vidal (05:02).
03. « Devil Woman », Mingus (04:51).  
04. « Eclipse », Mingus (04:31).  
05. « Strange Man », Vidal (04:28).  
06. « O.P. », Mingus (05:11).  
07. « Ecclusiastics », Mingus (05:46).  
08. « For Lester », Vidal (05:17).  
09. « Goodbye Pork Pie Hat », Mingus (04:32).


Paris – Maurice
Manuel Rocheman

Après le conservatoire de Paris, Manuel Rocheman étudie le jazz avec Michel Sardaby, puis Martial Solal. C’est en 1983 qu’il monte son premier trio. Depuis, Rocheman a enregistré dix disques sous son nom, dont I’m Old Fashioned, avec, entre autres, George Mraz et Al Foster, et Cactus Dance avec Scott Colley et Antonio Sanchez. Outre ses trios et solos, Rocheman participe à de nombreuses sessions aussi bien aux côtés de Mélanie Dahan que de Patrice Caratini, Jacques Vidal ou Didier Levallet

Après un concert organisé par l’Institut Français de Maurice en 2012, Rocheman décide de poursuivre l’aventure avec un enregistrement : Paris – Maurice voit le jour en septembre 2014. La chanteuse mauricienne Nadine Bellombre cosigne le disque, propose trois morceaux et coécrit avec Rocheman deux thèmes... Kersley Palmyre est à la basse et Maurice Manancourt ou Christophe Bertin sont à la batterie. Au fil des morceaux, le quartet invite également la chanteuse Marie-Luce Faron, le guitariste Patrick Desvaux,  l’harmoniciste Olivier Ker Ourio et le saxophoniste alto Samuel Laval.

En plus des trois morceaux de Bellombre et des deux communs avec Rocheman, le quartet joue « Just Love », du pianiste, mais aussi « Can't Hide Love » d’Earth, Wind & Fire (Gratitude – 1975), « Come Together » des Beatles (Abbey Road – 1969), « Nature Boy », tiré du film de Joseph Losey, Le Garçon aux cheveux verts (1948), « The Island », du compositeur brésilien Ivan Lins et « A Little Night Music » de la comédie musicale éponyme (1973).

Sensuelle et plutôt ténue (« La mer la »), habile et expressive (« Ki to lé »), la voix de Bellombre est particulièrement à l’aise dans les atmosphères brésiliennes (« Ene Zoli Reve »). Le trio rythmique danse de la première à la dernière plage : Rocheman swingue efficacement (« Nature Boy ») avec une main droite agile, soutenue par des accords aussi parcimonieux que solides (« La mer la ») ; Palmyre distille des lignes légères et chaloupées, avec des successions de shuffle entraînantes (« The Island ») ; Manancourt et Bertin assurent un drumming souple et cadencé, gage de vivacité (« Ene Zoli Reve », « Can’t Hide Love »). Les invités viennent pimenter les morceaux : la guitare de Desvaux apporte une touche de blues à « Come Together », Faron met un zeste de rock dans « Can’t Hide Love », Ker Ourio et son lyrisme souignent « The Island », Laval et son alto ajoutent de la solennité à « Ki to lé »…

Mélodieux et dansant, Paris – Maurice respire la légèreté et la gaité, il fleure bon une certaine île de l’océan indien…

Le disque

Paris – Maurice
Manuel Rocheman
Nadine Bellombre (voc), Manuel Rocheman (p), Kersley Palmyre (b), Maurice « Momo » Manancourt ou Christophe Bertin  (d), avec Marie-Luce Faron (voc), Patrick Desvaux (g),  Olivier Ker Ourio (hca) et Samuel Laval (as).
Berlioz Production
Sortie en septembre 2014

Liste des morceaux

01.  « Ene Zoli Reve », Rocheman & Bellombre (5:22).
02.  « Just Love », Rocheman (4:11).
03.  « La mer la », Bellombre (5:11).
04.  « Can't Hide Love », Skip Scarborough (4:49).
05.  « Mo lé ou », Bellombre (6:11).
06.  « Come Together », John Lenon & Paul McCartney (5:47).
07.  « Nadine », Rocheman & Bellombre (4:49).
08.  « Ki to lé », Bellombre (4:48).
09.  « Nature Boy », Eden Ahbez (3:44).
10.  « The Island », Ivan Lins, Alan & Marilyn Bergman (5:03).
11.  « Send in the Clowns », Stephen Sondheim (4:07).


Circonstances aggravantes
Roland Brival

Roland Brival est un touche-à-tout : sculpture, peinture, littérature, théâtre, journalisme… et musique ! Circonstances aggravantes est son sixième disque après Créole Gipsy (1980), Intense (1998), Waka (2003), Kayam (2006) et Vol de nuit (2010).

Pour Circonstances aggravantes, sorti en avril 2014 chez Such Production, Brival est accompagné d’une section rythmique de haut vol, constituée de Rémy Decormeille au piano, Manu Marchès à la contrebasse et Julien Charlet à la batterie. Le quartet invite également Christophe Panzani pour des interventions au saxophone ténor et à la clarinette basse. Les douze chansons, écrites en français, en anglais et en créole, sont signées Brival.

Tour à tour poétiques (« On s'appartiendra »), accroche-cœurs (« I Do It For Your Love »), rythmiques (« Moune »), humoristiques (« Dear Lily »)… les chansons à texte de Brival ne manquent pas de piment. Sa voix grave et profonde, parfois rauque, et son chant passent d’un slam (« Mezcals ») ou d’une diction à peine modulée (« Les mots qui dansent ») à des phrases entraînantes (« Créole Love ») ou dans un style crooner (« Lago »). Il évoque tour à tour Serge Gainsbourg (« On s’appartiendra »), Alain Bashung (« Ma chère cousine ») et, parfois, un zeste de Michel Jonasz (« Les mots qui dansent ») et de Claude Nougaro (« Dear Lily »). La section rythmique, c’est du sérieux, et le trio répand un swing salutaire ! Marchès et Julien s’adaptent avec finesse à l’atmosphère des chansons : poly-rythme et motifs sourds (« Mezcals »), walking et chabada (« Sauvez Winnie »), échanges lancinants (« Les mots qui dansent »), gravité solennelle (« Lago »)… Decormeille et son jeu remarquablement ingénieux mettent en relief le chant de Brival. Il alterne contrepoints, rifs, unissons, ostinatos, lignes mélodiques et accords rythmiques avec beaucoup d’à-propos.

Un parolier adroit doublé d’un chanteur singulier, accompagné d’un trio piano – basse – batterie résolument jazz… Autant de Circonstances aggravantes qui justifient amplement d’écouter Brival.

Le disque

Circonstances aggravantes
Roland Brival
Roland Brival (voc), Rémy Decormeille (p), Manu Marchès (b) et Julien Charlet (d), avec Christophe Panzani (ts, cl b)
Such Production – SUCH008
Sortie en avril 2014

Liste des morceaux

01. « Ma chère cousine » (3:30).
02. « Les mots qui dansent » (4:13).
03. « New York Song » (6:08).
04. « Créole Love » (3:54).
05. « Mezcals » (3:55).  
06. « I Do It for Your Love » (5:04).
 07. « Sauvez Winnie » (6:02).
 08. « Moune » (3:00).
 09. « Morning Rain » (5:07).
10. « Lago » (3:34).
11. « On s'appartiendra » (4:43).
12. « Dear Lily             » (3:23).

Tous les morceaux sont signés Brival


WasteLand
Antoine Berjeaut

Univers Nino, le projet de Denis Colin et d’Ornette autour des chansons de Nino Ferrer, la Société des Arpenteurs, le Surnatural Orchestra, Paco Sery, Sandra NkakéAntoine Berjeaut cultive son jardin ! En avril 2014, le trompettiste sort son premier disque en leader, WasteLand, sur le label catalan Fresh Sound New Talent.

WasteLand s’appuie sur un quintet constitué du poète rappeur Mike Ladd, du claviériste Jozef Dumoulin, du contrebassiste Stéphane Kerecki, du batteur Fabrice Moreau et de Berjeaut. Le groupe invite aussi le saxophoniste ténor Julien Lourau sur quatre plages. Berjeaut a composé les onze morceaux du disque, dont cinq uniquement instrumentaux.

Ladd est un rappeur expressif qui utilise son timbre medium et sa voix légèrement cassée pour mettre toutes sortes de nuances dans ses spoken words : phrasé hip-hop classique dans « J.D. » ou rapide dans « Volga to Mississippi », mélopée triste dans « High », passages en beatbox dans « Baroness », ode funèbre dans « Battle »… Avec ses nappes d’effets électroniques (« Slow Motion »), ses accords denses et lointains (« Nightshift ») ou, au contraire, ses ostinatos hypnotiques (« Baroness »), Dumoulin plante le décor. Au piano, son jeu prend des teintes de musique contemporaine avec une main droite qui crépite, tandis que la gauche décompose les accords (« Clouds »). Kerecki soutient les solistes avec des phrases imposantes (« High »), des lignes aérées (« Balcony »), voire minimalistes (« Baroness »), lance une walking rapide (« Hornet »), manie l’archet avec majesté (« Battle »), introduit « Clouds » par un superbe motif profond, en suspension... à l’écoute et efficace de bout en bout ! Même constatation pour Moreau, dont la connivence avec Ladd est d’autant plus fondamentale que le rôle du rythme est central dans le rap. A l’opposé des boîtes à rythme trop souvent envahissantes, répétitives et épaisses, Moreau joue en souplesse, sans se départir de la puissance qu’il faut pour étayer la voix (« High »). Volontiers touffu (« Volga To Mississippi »), le batteur alterne chabada (« Hornet »), rif funky (« J.D. »), roulements solennels (« Nightshift »), rythmes croisés (« Clouds »)… Berjeaut est altruiste : il laisse beaucoup d’espace pour les interactions au sein du groupe et n’accapare jamais la vedette. Il se met en arrière-plan pour accompagner Ladd (« Baroness »), se joint au piano pour des unissons (« Clouds »), joue en contrepoints avec le saxophone ténor (« Slow Motion »), participe au fonds sonore avec des effets (« Battle », « Slow Motion »)… A un solo éclatant (« Hornet ») succèdent un chorus élégant (« Clouds »), puis une intervention émouvante (« Nightshift ») et des formules sinueuses (« Entract »), mais aussi des notes de blues (« J.D. »). Quant à Lourau, il est fidèle à lui-même : son gros son, son lyrisme teinté de free et son expérience de ces ambiances alternatives – le Groove Gang n’est pas si loin – apportent une densité indéniable (« High », « J.D. »).

Wasteland marie rap et jazz avec beaucoup d’intelligence (« caractère de ce qui va au fond des choses ») et, tout au long du disque, la musique se déroule, cohérente et captivante.

Le disque

WasteLand
Antoine Berjeaut
Mike Ladd (voc), Antoine Berjeaut (tp), Jozef Dumoulin (kbd, p), Stéphane Kerecki (b) et Fabrice Moreau (d), avec Julien Lourau (ts)
Fresh Sound New Talent – FSNT 450
Sortie en avril 2014

Liste des morceaux

01. « Slow Motion (Pt. 1 & 2) » (7:02).
02. « High (Pt. 1 & 2) » (9:39).
03. « Clouds » (6:22).
04. « Balcony  » (5:22).
05. « Baroness » (5:44).
06. « Hornet » (3:09).
07. « Battle » (4:26).
08. « Volga to Mississipi » (5:16).
09. « Entract» (5:18).
10. « Nightshift » (4:59).
11. « J.D. » (2:55).

Tous les morceaux sont signés Berjeaut.

22 novembre 2014

A la découverte de… Manuel Rocheman


Quelques jalons : Cactus Dance (2007) avec George Mraz et Al Foster ou Scott Colley et Antonio Sanchez, The Touch of Your Lips (2010) avec Mathias Allamane et Matthieu Chazarenc, Café & Alegria (2012) avec Toninho Horta et Paris – Maurice (2014) avec Nadine Bellombre… Si Manuel Rocheman n’est plus à présenter, il reste à découvrir !

La musique

A l’âge de dix ans, j’ai découvert le jazz avec un disque d’Oscar Peterson : Tracks. Mais c’est une admiration pour Frédéric Chopin qui m’a amené à jouer du piano. J’ai appris le piano classique au Conservatoire National de Région de Paris dans la classe d’Alberto Neuman et le jazz avec Martial Solal.

Les influences

J’ai été principalement influencé par trois musiciens : Peterson, Bill Evans et Maurice Ravel.


Manuel Rocheman © Christophe Taamourte

Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Intense, à consommer sur place, comme disait Jean-Paul Sartre.

Pourquoi la passion du jazz ? Il réinvente sans cesse la musique.

Comment découvrir le jazz ? Aller aux concerts, ce ne sont pas les clubs ou les festivals qui manquent et c'est le meilleur moyen pour découvrir le jazz.

Où écouter du jazz ? Partout et à tout moment…

Une anecdote autour du jazz ? Peterson, lorsqu'il a entendu Art Tatum pour la première fois, il a cru qu'il y avait deux pianistes qui jouaient…

Le portrait chinois

Si j’étais un animal, je serais un lion
Si j’étais une fleur, je serais un cactus
Si j’étais un fruit, je serais une mangue
Si j’étais une boisson, je serais du guarana
Si j’étais un plat, je serais une choucroute
Si j’étais une lettre, je serais Z
Si j’étais un mot, je serais manivelle
Si j’étais un chiffre, je serais 8
Si j’étais une couleur, je serais bleu
Si j’étais une note, je serais mi

Les bonheurs et regrets musicaux

Ma plus belle réussite musicale est mon prochain projet et mon plus grand regret est de n’avoir pu voir Evans sur scène.



Sur l’île déserte…

Quels disques ? N’importe le(s)quell(s) sauf ceux de Michel Sardou et les miens…

Quels livres ?  Du sable dans la vaseline de San Antonio.

Quels films ? Duck Soup des Marx Brothers.

Quelles peintures ? Jean-Michel Basquiat.

Quels loisirs ? La pêche à la mouche.

Les projets

J’ai deux albums en préparation : l’un avec mon trio et l’autre avec Olivier Ker Ourio.

Trois vœux…

1.    Longue vie à François, notre deux-cent soixante sixième et actuel Pape.

2.    Elucider enfin le mystère du triangle des Bermudes.

3.    Récupérer les points perdus de mon permis de conduire.


Octobre 2014

Monk’n’Roll au New Morning…

Au New Morning, le 13 octobre 2014, un peu plus d’un an après la sortie de Monk’n’Roll, le Tinissima 4et donne le dernier concert d’une tournée qui a traversé la France, de Tourcoing à Porquerolles...
Le New Morning se remplit lentement, mais sûrement. Finalement la salle est quasiment pleine quand le concert démarre. Né à la fin des années soixante-dix à… Genève, le New Morning s’est dédoublé à Paris en 1981, sous l’impulsion d’Eglal Fahri ! A un pâté de Château d’Eau et une encablure du Manoir de Paris, la salle est devenu l’un des hauts lieux de la musique à Paris. Francesco Bearzatti et sa bande ont été inspirés de se produire Monk’n’Roll dans une salle qui a vu aussi bienArt Blakey que Chet Baker y jouer, mais aussi Prince ou Soft Machine… Un panachage bien dans l’esprit du Tinissima 4tet.
Depuis 2008, le Tinissima 4tet n’a pas changé : Bearzatti est au saxophone ténor et à la clarinette basse, Giovanni Falzone à la trompette et aux effets vocaux, Danilo Gallo à la guitare basse etZénon de Rossi à la batterie. Après un hommage à l’aventurière italienne Tina Modotti et une mise en musique de la vie de Malcolm X, le Tinissima 4tet s’est attaqué à Thelonious Monk.

Comme le titre du disque, Monk’n’Roll, le laisse présager, le Tinissima 4tet a une lecture particulière du répertoire de Monk. Bearzatti et ses acolytes incorporent habilement des rythmes et des lignes mélodiques de tubes pop et rock à chaque morceau de Monk : « Back In Black » (AC/DC) dans « Trinkle Tinckle » ; « Walk This Way » (Aerosmith) dans « Straight No Chaser » ; « Billie Jean » (Michael Jackson) dans « In Walked Bud » ; « Another One Bites The Dust » (Queen) dans « Bemsha Swing » ; « Walking On The Moon » (Police) dans « ‘Round Midnight »… Le concert reprend le répertoire de Monk’n’Roll, rejoue « Straight No Chaser » en bis et une version java de « Ce soir on vous met le feu » en rappel !
Bearzatti et Falzone sont des vraies bêtes de scène : deux piles à haute tension, totalement habités par leur musique, bourrés d’humour et complices jusqu’au bout des doigts. Falzone fait chanter le public en jouant sur les rythmes et le volume, Bearzatti lance une veillée aux chandelles pour accompagner « Criss Cross » (panaché avec « Walk On The Wild Side » de Lou Reed), les spectateurs se lèvent pour danser sur « Walk This Way »… La standing ovation n’est pas volée !
Côté musique, le concert est proche du disque. De Rossi confirme sa force de frappe, sa régularité et son aisance dans les climats binaires (« Back In Black »). Gallo et sa basse servent de colonne vertébrale au quartet : il joue des lignes et des rifs de basse emblématiques (« Another One Bites The Dust », « Billie Jean », « Walk This Way »…).  Falzone passe du four – virtuosité lyrique à la trompette – au moulin – vocalises, hurlements, chants, bruits de bouche, sifflets… – avec un expressionisme exacerbé (« Bemsha Swing »). Bearzatti joue du son velouté et de l’agilité de sa clarinette pour installer des ambiances presque contemporaines (« Mysterioso »), tandis qu’au ténor, sa dextérité et sa sonorité métallique imposante se mettent au service des rocks les plus hard (« I Mean You »), d’autant plus qu’il électrifie son saxophone pour se transformer en véritable guitar hero – jeu de scène compris – (« Trinkle Tinckle », « Straight No Chaser »).
Si les moments loufoques – dialogues d’oiseaux, ritournelles folkloriques, citations de la Marche Funèbre ou de « Jean-Pierre », jeux avec le public… – ne manquent pas, ils s’insèrent toujours parfaitement dans la musique du Tinissima 4tet entre les sauts d’intervalles de Bearzatti, les contrepoints sophistiqués de Falzone, les phrases élégantes de Gallo et les chorus subtils de de Rossi.
Bearzatti le dit lui-même : « j’aime les extrêmes, de la douceur à l’agressivité, mais je ne trouve rien au milieu ». Ce jusqu’auboutisme, le Tinissima 4tet l’applique à la lettre dans sa musique et dans son jeu de scène, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Vivement leur prochain projet !



A la découverte de… Sal La Rocca

Entre le trio de Michel Grailler, Mâäk’s Spirit, Dani Klein, Denise King, Anne Ducros, Vaya Con Dios, IglooIt Could Be The End…  Sal La Rocca est devenu l’un des contrebassistes clés des scènes du jazz belge et d’ailleurs !

La musique
1983 : j’ai un peu plus de vingt ans et cohabite avec un saxophoniste qui est féru de jazz et possède une belle collection de disques. Il aime sincèrement le jazz, et me fait découvrir cette musique de Duke Ellington à l’Art Ensemble of Chicago. J’ai littéralement craqué sur cette musique, moi qui étais dans une période de « vide musical»
Un jour, ce même ami me regarde – moi qui portais une grosse barbe à l’époque – et me dit que j’ai une tête de bassiste… Je l’ai pris au mot et me suis inscrit à la première académie en Solfège ! Ils m’ont prêté une basse, puis j’ai commencé à apprendre et à avoir des engagements. Ensuite, j’ai rencontré un prof privé qui était superbe. Et c’est ainsi que tout a commencé !
La suite de mon parcours est .

Les influences
Tous les grands contrebassistes m’ont influencé : Paul Chambers,Scott LaFaroPercy HeathRon CarterRay Brown, etc.

Cinq clés pour le jazz
Qu’est-ce que le jazz ? Pouvoir exprimer ce que l’on ressent au plus profond de soi avec des notes.
Pourquoi la passion du jazz ? Il n’y a pas de frontières… Il est possible de débarquer dans n’importe quel club de jazz dans le monde et de pouvoir jouer sans préparation, avec d’autres musiciens de jazz.
Où écouter du jazz ? La nuit dans un endroit calme.
Comment découvrir le jazz ? Ecouter le jazz de ses origines à nos jours, pour comprendre son évolution.
Une anecdote autour du jazz ? La rencontre de Bud Powell etThelonious Monk : ils sont restés, paraît-il, plus de deux heures face à face sans échanger un seul mot.

Le portrait chinois
Si j’étais un animal, je serais un lion
Si j’étais une fleur, je serais un lys,
Si j’étais un fruit, je serais une cerise,
Si j’étais une boisson, je serais de l’eau de Spa,
Si j’étais un plat, je serais des spaghettis à la sauce tomate et au basilic,
Si j’étais une lettre, je serais S,
Si j’étais un mot, je serais Paix,
Si j’étais un chiffre, je serais 3,
Si j’étais une couleur, je serais bleu,
Si j’étais une note, je serais Sol.


Les bonheurs et regrets musicaux
Un sommet a été le concert avec Richie Beirach, pendant Jazz à Liège 2006, avec Steve Houben, et enregistré par la RTBF. Sinon, je regrette de n’avoir pas connu LaFaro de son vivant.

Sur l’île déserte…
Quels disques ? Money Jungle d’Ellington, Charles Mingus et Max Roach.
Quels livres ?  Bouvard et Pécuchet et Salammbô de Gustave Flaubert.
Quels films ? Un nommé La Rocca (1961).
Quelles peintures ? La nuit étoilée de Vincent Van Gogh.
Quels loisirs ? Ma famille, le cyclisme et le jardinage...

Les projets
La préparation d’un troisième album, mais chut : c’est top secret !… Sans compter quelques projets encore en chantier !...

Trois vœux…
  1. Avoir le plaisir et l’honneur de jouer un jour avec Georges Coleman
  2. Jouer avec mon groupe en Angleterre : je n’ai jamais mis les pieds au Royaume-Unis…
  3. Enfin : LA PAIX DANS LE MONDE !

Source

« Colorful Jazz Without Boundaries » : 2011, à Fribourg, au pied de la Forêt Noire, le long du Dreisam, une saxophoniste (et flûtiste) allemande, un pianiste français et un percussionniste brésilien – tous installés à Lyon ! –donnent leur premier concert en trio… Le feeling est bon, le trio Dreisam est né !
Deux ans après, Nora KammCamille Thouvenot et Zaza Desiderio s’installent au Studio La Buissonne, avec l’inévitable Gérard de Haro, pour enregistrer un album qui porte un nom de circonstance : Source. Le disque sort en septembre chez Absilone. Quatre thèmes sont de Kamm, autant de Thouvenot et deux de Desiderio.
La pochette cartonnée est pour le moins originale : non pas pour le fonds blanc et sa courbe rouge épurés et élégants, mais pour le disque qui s’extrait grâce à un dépliage aussi simple que spectaculaire…
Avec une sonorité veloutée splendide, aussi bien à l’alto qu’au soprano, une mobilité impressionnante et une mise en place rythmique solide, Kamm illumine Source. De sa formation classique, Thouvenot a conservé une indépendance des mains confondante et un sens de la construction musicale charpenté, auxquels il ajoute une vision chambriste du jazz et de l’humour (la citation de « Take The A Train » dans « Crazy Bob »). Quant à Desiderio, son jeu versatile – puissance, finesse et danse –  s’adapte parfaitement à l’esprit du trio et lui apporte une pulsation chaleureuse.
Des mélodies sophistiquées très vingtièmes (« Corazón »), entraînantes (« Allein in Belgrad » et ses touches orientales) voire latines (« Bergerio ») ; des dialogues touffus (« Tout petit bout »), parsemés d’ostinatos (« Déménagement »), de contrepoints (« Pauline ») ou d’unissons (« Primavera ») ; des rythmes de boîte à musique (« Crazy Bob »), emphatiques (« Realidade ») ou heurtés  et vifs (« Schöne Frau »)… la musique de Dreisam possède indéniablement un caractère bien trempé.
Source est le disque d’un trio en parfaite symbiose, fait d’échanges, plein de connivence et d’une modernité savoureuse.
Les musiciens
Flûtiste dans le Frankurter Bläserphilharmonie dès douze ans, Kamm s’oriente vers le saxophone à dix-sept ans. En 2010, elle s’installe à Lyon, étudie au Conservatoire, à l’Ecole Nationale de Musique et multiplie les master class (Bobby WatsonEdward SimonGilad Atzmon…). Récemment, Kamm s’est produite en duo avec Andy Sheppard.
Sorti du Conservatoire de Nîme avec plusieurs prix en classique (dont le Diplôme d’Etudes Musicales de piano classique) et en jazz, Thouvenot suit les cours de Mario Stantchev au Conservatoire de Lyon, où il obtient son DEM de jazz. Il a eu l’occasion de jouer avec Byard LancasterKenny BarronRoger Guérin et, depuis deux ans, en duo avec Jean-Charles Richard.
Né à Rio de Janeiro, Desiderio apprend d’abord la guitare, mais passe vite aux percussions et devient batteur professionnel à seize ans. Il joue dans de nombreux groupes carioca jusqu’aux années deux mille. Après une tournée en Europe, il décide de s’installer à Paris, puis à Lyon, en 2010. Desiderio a accompagné moult artistes, d’Idriss Boudrioua à Nelson Veras, en passant par Ray LemaMarcia Maria,Frédéric Viale etc.
Le disque
Source
Dreisam
Nora Kamm (ss, as, ts), Camille Thouvenot (p) et Zaza Desiderio (d).
Diapason / Absilone – DIA002
Sortie en septembre 2014.
Liste des morceaux
01. « Déménagement », Thouvenot (06:26).
02. « Primavera », Desiderio (03:29).
03. « Realidade », Kamm (05:32).
04. « Corazón », Thouvenot (05:23).
05. « Allein in Belgrad », Kamm (05:34).
06. « Pauline », Kamm (03:43).
07. « Crazy Bob », Thouvenot (05:19).
08. « Schöne Frau », Thouvenot (04:08).
09. « Tout petit bout », Kamm (05:27).
10. « Bergerio », Desiderio (03:42).