Tim Berne – Snakeoil
Depuis la fin des années quatre-vingt dix Tim Berne a sorti la plupart de ses disques chez Screwgun (son propre label) ou Winter & Winter (le label de Stefan Winter). Mais après avoir participé àPresenz (David Torn) et The Rub And Spare Change(Michael Formanek) enregistrés pour ECM, le saxophoniste franchit le pas et rejoint lui aussi le célèbre label de Manfred Eicher : Snakeoil sort en février 2012 avec un quartet formé par Berne courant 2009 avec Oscar Noriega aux clarinettes, Matt Mittchel au piano et Ches Smith à la batterie et aux percussions.
D’abord attiré par le R&B et la soul, Berne se tourne vers le jazz après avoir écouté Dogon A.D. de Julius Hemphill. Berne s’installe à New York en 1974 et prend des cours avec Hemphill, qui devient son mentor jusqu’à son décès (1995). En 1979 Berne crée son premier label, Empire, sur lequel il enregistre quatre disques en compagnie notamment de Paul Motian, Ed Schuller, John Carter, Alex Clineetc. Berne s’associe ensuite au trompettiste Herb Robertson et ils sortent deux disques chez Soul Note. Après un passage éclair chez Columbia, Berne rejoint JMT, le label de Winter, qui lui donne carte blanche. Le saxophoniste joue avec Robertson, Marc Ducret, Django Bates, Joey Baron... Les années quatre-vingt dix marquent un tournant dans la carrière de Berne : il rencontre Michael Formanekavec qui il enregistre pour ENJA et Soul Note, puis ils forment Bloodcount, un quartet avec Jim Black (batterie) et Chris Speed(saxophone et clarinette) qui sort plusieurs disques chez JMT. Quand Polygram rachète JMT, le label est dissout et les archives de Berne avec ! Ce qui pousse Berne à créer le label Screwgun, en 1996. A côté de Bloodcount, Berne monte un trio avec Drew Gress et Tom Rainey, Big Satan avec Rainey et Ducret etc. Dans les années 2000 Berne joue avec Craig Taborn (Hard Cell, trio avec Rainey), Roscoe Mitchell,Ethan Iverson, David King, Nels Cline, Bruno Chevillon… sans oublier, bien entendu, Big Satan et Bloodcount.
Originaire du Mexique et installé en Arizona, Noriega joue d’abord du saxophone dans un groupe de musique ranchera monté avec ses frères. Après avoir terminé ses études musicales à l’Université d’Arizona, il s’installe à Los Angeles puis à Boston, où il fait entre autres partie du Duke Ellington Repertory Orchestra sous la direction de Gunther Schuller et fait le bœuf à Berklee et au New England Conservatory. Installé à Brooklyn en 1992, Noriega fréquente la Kniting Factory, le Tonic, le Birdland… et monte Play Party avec Cuong Vu, Brad Shepiket Rainey. Membre de Sideshow, Noriega rejoue le répertoire deCharles Ives ; le groupe est primé à plusieurs reprises.
Influencé par Iannis Xenakis et Andrew Hill, Mitchell joue avec Apex, la formation de Bunky Green et Rudresh Mahanthappa, Invocation, le combo de Rez Abbasi et les ensembles de John Hollenbeck. Mais il a également participé à de nombreuses sessions avec les musiciens de la scène de l’avant-garde new yorkaise : Robertson, Quinsin Nachoff,Ben Perowski, Rainey, King… En parallèle, Mitchell anime Central Chain, un sextet avec Berne, Noriega, Mary Halvorson, John Hebertet Tomas Fujiwara.
Batteur, percussionniste et vibraphoniste, Smith joue aussi bien dans des groupes de rock expérimental que dans des orchestres de jazz. Ses collaborations vont de Marc Ribot à Fred Frith en passant par Ben Golberg, Secret Chiefs 3, Sean Hayes… et Congs For Brums, un solo de percussions.
Rien d’étonnant à ce que Berne cite Henry Threadgill, Roscoe Mitchell et Anthony Braxton comme sources d’inspiration : la musique deSnakeoil est tout à fait contemporaine et libre !
Il n’y a pas véritablement de leader et la musique circule entre les quatre musiciens qui se complètent à merveille : Smith varie subtilement les effets entre percussions abstraites, ponctuations rock et pulsations jazz ; Mitchell passe des clusters contemporains, aux lignes de basse et aux accords jazz ; Noriega et Berne marient habilement le timbre de leurs instruments et apportent la touche free.
Les morceaux – tous composés par Berne – se suivent et forment une suite de six mouvements cohérents. Le contenu et la tension des interventions dictent la déroulé morceaux : le temps est élastique (de sept à quatorze minutes) et secondaire.
Snakeoil joue sur les contrastes et les déséquilibres entre les deux paires – soufflant et rythmique. En l’absence de contrebasse – Berne est coutumier du fait – le piano se retrouve dans le rôle de « l’arbitre » ou du balancier, qui rétablit l’équilibre in extremis. Les morceaux se développent à partir d’un thème souvent mélodieusement dissonant et leur architecture ne suit pas le schéma classique « thème – solos – thème ». La musique se développe de A à Z au grès des interventions en solo, duo, trio et quatuor, dans des constructions qui évoquent souvent la musique de chambre contemporaine : traits minimalistes staccatos, unissons discordants, sauts d’intervalles brutaux, ostinatos, contre-chants dissonants, alternance de sobriété et de tumulte…
A la fois sophistiquée et intelligible, d’avant-garde et familière, contemporaine et jazz, la musique de Snakeoil n’a rien d’une poudre de perlimpinpin (1), c’est plutôt un élixir de jouvence !
(1) En anglais « Snake Oil » est un terme utilisé pour désigner les médicaments contrefaits.
Le disque
Snakeoil
Tim Berne
Tim Berne (as), Oscar Noriega (cl, cl b), Matt Mitchell (p) et Ches Smith (d, perc).
ECM 2234
Sortie le 6 février 2012
Tim Berne
Tim Berne (as), Oscar Noriega (cl, cl b), Matt Mitchell (p) et Ches Smith (d, perc).
ECM 2234
Sortie le 6 février 2012
Liste des morceaux
01. « Simple City » (13:56).
02. « Scanners » (7:21).
03. « Spare Parts » (14:10).
04. « Yield », Berne & Mitchell (12:02).
05. « Not Sure » (8:39).
06. « Spectacle » (12:02).
02. « Scanners » (7:21).
03. « Spare Parts » (14:10).
04. « Yield », Berne & Mitchell (12:02).
05. « Not Sure » (8:39).
06. « Spectacle » (12:02).
Toutes les compositions sont signées Berne, sauf indication contraire.
Roberto Fonseca – Yo
Roberto Fonseca poursuit le voyage musical commencé avec Zamazu, mais s’aventure encore plus loin : Afrique, Amérique Latine, Etats-Unis, Europe, Maghreb… Des sources d’inspiration toujours plus variées, traitées dans un esprit afro-cubain. La démarche de Fonseca rappelle celle d’un autre pianiste cubain ouvert sur le monde :Omar Sosa. Yo sort le 17 avril chez Jazz Village, nouveau label jazz d'Harmonia Mundi, créé en 2011.
Fonseca commence à se produire dès l’âge de quinze ans au Festival International de Jazz de la Havane. Après avoir accompagné le chanteur Augusto Enriquez, Fonseca monte sa première formation en 1996, Temperamento, avec le saxophoniste Javier Zalba (ex d’Irakere) et sort En el comienzo, chez Egrem. En 1999, Tiene que ver(Egrem) est son premier disque en solo, suivi en 2000 par No Limit(JVC), puis Elengo (Egrem) en 2001. Fonseca rejoint l’orchestre d’Ibrahim Ferrer, avec qui il tourne abondamment, accumule les concerts (plus de quatre cent) et enregistre, notamment le dernier disque du chanteur : Mi Sueño, sorti en 2007. Entre temps Fonseca joue également aux côtés d’Omara Portuondo et participe à l’albumGracias (2008, World Village). Par ailleurs le pianiste continue d’animer ses propres groupes : Zamazu (Enja) en 2007, Akokan (Enja) en 2009 et le double album (et DVD) Live At Marciac sorti en 2010 (Enja).
Les musiciens se succèdent au grès des plages : Baba Sissoko (n’goni),Sekou Kouyaté (kora), Etienne M’Bappé (basse), Ramsés Rodriguez(percussion), Joel Hierrezuelo (percussion), Munir Hossn (guitare),Fatoumata Diawara (chant), Faudel Amil (chant), Assane Mboup(chant), Mike Ladd (voix)… Les instruments traditionnels et les chanteurs annoncent la couleur, le pianiste explore résolument la world music. Même si le piano reste prédominent, Fonseca élargit sa palette sonore avec de l’Hammond, du Rhodes et du Moog. La production de l’album est particulièrement soignée : Daniel Florestano, Gilles Peterson et Count (qui remixe « Bibisa » et « 80’s ») ont chacun apporté leurs idées et leur pâte sonore.
Fonseca joue sur le contraste entre le piano – puissant, rythmique et lyrique, comme souvent dans l’école cubaine – et des arrière-plans exubérants : entrelacs de lignes rythmiques, chants expressifs, chœurs et rifs denses, effets électroniques touffus...
Plutôt courtes, les quatorze pièces qui constituent Yo sont pour la plupart signées Fonseca et dégagent chacune une ambiance particulière : le Brésil dans « 80’s », l’Afrique de l’ouest dans « Bibisa » (Sissoko), le Maghreb dans « Chabani », une balade dans « Asi es la vida », Cuba et le Moyen-Orient dans « Quien soy yo », funky dans « Rachel »… Le pianiste s’amuse à mélanger les genres sans aucun complexe.
Rythmes endiablés, foisonnement sonore et mélodies séduisantes : la musique de Fonseca est bigrement entraînante et, titre oblige, Yorévèle une personnalité pittoresque et bien affirmée qui n’a pas fini de surprendre.
Le disque
Yo
Roberto Fonseca
Jazz Village – JV 570005
Sortie le 17 avril 2012-04-09
Roberto Fonseca
Jazz Village – JV 570005
Sortie le 17 avril 2012-04-09
Liste des morceaux
01. « 80´s » (06:24).
02. « Bibisa », Baba Sissoko (04:32).
03. « Mi Negra Ave María », Fonseca & Mercedes Cortés (05:20).
04. « 7 Rayos » (05:29).
05. « El Soñador Está Cansado » (05:04).
06. « Chabani » (05:11).
07. « Gnawa Stop », Joel Hierrezuelo (05:16).
08. « El Mayor », Luís Jésus Valdés Cortés (01:21).
09. « JMF », Fonseca & Cortés (04:48).
10. « Así Es La Vida », Fonseca & Cortés (04:30).
11. « Quien Soy Yo », Fonseca & Assane Mboup (03:41).
12. « Rachel », Ramsés Rodriguez (03:36).
13. « Bibisa – Re-mix », Sissoko (04:07).
14. « 80´s – Re-mix » (03:56).
02. « Bibisa », Baba Sissoko (04:32).
03. « Mi Negra Ave María », Fonseca & Mercedes Cortés (05:20).
04. « 7 Rayos » (05:29).
05. « El Soñador Está Cansado » (05:04).
06. « Chabani » (05:11).
07. « Gnawa Stop », Joel Hierrezuelo (05:16).
08. « El Mayor », Luís Jésus Valdés Cortés (01:21).
09. « JMF », Fonseca & Cortés (04:48).
10. « Así Es La Vida », Fonseca & Cortés (04:30).
11. « Quien Soy Yo », Fonseca & Assane Mboup (03:41).
12. « Rachel », Ramsés Rodriguez (03:36).
13. « Bibisa – Re-mix », Sissoko (04:07).
14. « 80´s – Re-mix » (03:56).
Toutes les compositions sont signees Roberto Fonseca, sauf indication contraire.
Stéphane Spira – Round About Jobim
Stéphane Spira se destinait à un métier d’ingénieur électronicien… Mais au retour d’une expatriation en Arabie Saoudite, au début des années quatre-vingt dix, il décide d’abandonner sa carrière pour se lancer à corps perdu dans le jazz.
Spira a découvert le jazz à dix-huit ans avec les disques de Miles Davis et il apprend le saxophone en autodidacte. Il monte son premier quartet avec le guitariste Jean-Luc Roumier en 1996 et joue ensuite avec Mickey Grailler, Alain Jean-Marie... En 2006 Spira sort un premier disque, First Page (Bee Jazz), avec Olivier Hutman au piano, Gilles Naturel à la contrebasse, Philippe Soirat à la batterie etStéphane Belmondo au bugle. En 2009 il sort Spirabassi (Bee Jazz), un hommage à son père décédé en 2007, en duo avec le pianiste Giovanni Mirabassi.
Désormais installé à New-York, Spira revient enregistrer Round About Jobim à Paris pour son propre label, Jazzmax (toujours en hommage à son père : Max Spira). Le répertoire est dédié au Brésil, avec dix morceaux d’Antonio Carlos Jobim. Spira interprète aussi des thèmes d’Heitor Villa Lobos (« Seresta n° 5 » et « Saudade da minha vida ») et d’Edu Lobo (« Canto triste »), et signe deux titres : « Maria Luiza » et « Round Abour Jobim ».
Dans Round About Jobim, Spira fait appel aux talents d’arrangeur deLionel Belmondo et à Hymne au soleil. Pour l’occasion l’octet se compose de Belmondo (saxophone ténor et flûte), Philippe Gauthier(flûte), Bernard Burgun (cor anglais), Cécile Hardouin (basson),Thomas Savy (clarinettes), François Christin (cor), Fabien Wallerand (tuba) et Sylvain Romano (contrebasse), plus Glenn Ferris(trombone) invité sur un morceau.
Les quinze morceaux sont plutôt courts et l’accent est clairement mis sur la mélodie. Les arrangements de Belmondo, qui rappellent immanquablement Hymne au soleil, Influences et Clair obscur, sont reconnaissables dès les premières notes d’« Inutil paisagem ». Entrelacs et unissons de lignes mélodiques sinueuses subtilement dissonantes (très début vingtième), ballets délicats des soufflants qui jouent sur les contrastes sonores... Au soprano, comme au ténor, Spira joue dans l’esprit de Jobim et déploie ses phrases soyeuses avec une élégance étudiée et une douceur toute tropicale. Les mouvements sont lents et tendent à l’introspection. L’absence de batterie renforce l’impression de calme et de sérénité, quasi-religieuse. La contrebasse fait tout pour ne pas enfermer le groupe dans un carcan harmonique et rythmique rigide : elle joue avec décontraction et souplesse, laisse de l’amplitude aux solistes et installe une pulsation qui apporte le relief nécessaire à cette musique lascive.
Les fans de free délirant ou de fusions effrénées passeront leur chemin, mais les autre pourront méditer sur Round About Jobim : une musique rêveuse aux accents brésiliens, une bossa nova aux parfums du vingtième siècle classique…
Le disque
Round About Jobim
Stéphane Spira
Lionel Belmondo (ts, fl), Philippe Gauthier (fl), Bernard Burgun (cor anglais), Cécile Hardouin (basson), Thomas Savy (cl), François Christin (cor), Fabien Wallerand (tu) et Sylvain Romano (b), avec Glen Ferris (tb).
Jazzmax
Sortie : le 26 Avril 2012
Round About Jobim
Stéphane Spira
Lionel Belmondo (ts, fl), Philippe Gauthier (fl), Bernard Burgun (cor anglais), Cécile Hardouin (basson), Thomas Savy (cl), François Christin (cor), Fabien Wallerand (tu) et Sylvain Romano (b), avec Glen Ferris (tb).
Jazzmax
Sortie : le 26 Avril 2012
Liste des morceaux
- « Inutil paisagem » (03:55).
- « Seresta n° 5 », Heitor Villa Lobos (02:41).
- « Retrato em branco e preto » (05:02).
- « Eu sei que vou te amar » (07:57).
- « Luiza » (02 :42).
- « Maria Luiza », Spira (01:52).
- « Olha Maria » (04 34).
- « Cancao em modo menor » (02 :46).
- « Sucedeu assim » (03 :11).
- « Modinha » (02:14).
- « Canto triste », Edu Lobo (03:38).
- « Cançao do amor demais » (04:07).
- « Round About Jobim », Spira (02:36).
- « Saudade da minha vida », Villa Lobos (02:35).
- « Chora Coraçao » (03:12).
Toutes les compositions sont signées Antonio Carlos Jobim sauf indication contraire.