La fin de l’année
approche à grands pas, l‘occasion de faire un tour de chant avec quelques
disques sortis depuis le mois de janvier 2014 : de la comédie musicale de Pink
Martini à l’avant-garde rap d’Antoine Berjeaut, en passant par les chansons à
texte de Bruno Desplan et Roland Brival, la crooner Aurielle Sciorilli, les
îles de Manuel Rocheman et le Charles Mingus de Jacques Vidal… il y en a pour
tous les goûts !
Dream A Little Dream
Pink Martini & The
Von Trapps
En 1994, à Portland, Oregon, Thomas Lauderdale abandonne une carrière politique pour fonder un
orchestre d’une douzaine de musiciens, Pink Martini. La chanteuse China Forbes rejoint Pink Martini
l’année suivante et, en 1997, ils sortent leur premier disque, Sympathique, qui est un succès en France
pour sa chanson « Je ne veux pas travailler ». Depuis, Pink Martini
n’a cessé de tourner autour du monde et d’enregistrer sur son label : Heinz
Records. Dream A Little Dream, huitième album de Lauderdale et sa bande,
sort en France chez Naïve en mars 2014.
Sur Dream A Little
Dream, Pink Martini s’est associé à The Von Trapps, un trio vocal composé
de Sofia, Melanie et Amanda Von Trapp, petites-filles de Maria Von Trapp, connue pour son
autobiographie publiée en 1949, La
famille des chanteurs Trapp, et qui est à l’origine de La mélodie du bonheur, comédie musicale aussi célèbre à Broadway (Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II – 1959), qu’à Hollywood (Robert Wise – 1965).
Pink Martini joue quinze morceaux d’une durée moyenne de
trois minutes et seize secondes, en ligne avec les canons du genre. Le
répertoire est un véritable melting pot dans lequel : de « Kuroneko
No Tango », reprise japonaise par Osamu
Minagawa du tube italien « Volevo un gatto nero » (Framario, Armando Soricillo et Francesco
Saverio Maresca – 1969), au hit suédois d’ABBA « Fernando »
(1976), en passant par « Hayaldah Hachi Yafa Bagan », succès de la chanteuse
israélienne Yehudit Ravitz (1976) et
« Le Premier Bonheur Du Jour » chanté par Françoise
Hardy (1963), le morceau titre, popularisé par The Mamas & The Papas en
1968, mais aussi un yodel bavarrois, l’hymne national rwandais (sic !),
une ritournelle du nouvel an chinois, une musique de film (« Hushabye
Mountain » tiré de Chitty Chitty
Bang Bang)… et même, « In Stiller Nacht », un air traditionnel revu par Johannes Brahms ! Pink Martini n’oublie évidemment pas
The Sound of Music, avec « Lonely
Goatherd » et « Edelweiss ». Enfin, August
Von Trapp, le quatrième des Von Trapp Children, propose trois morceaux de
son cru.
Dream A Little Dream
jongle entre des ambiances de comédie musicale (« Storm », « Hushabye
Mountain »), des environnements cinématographiques (« Kuroneko No Tango »), des
sambas (« Fernando »), du folklore (« Friend », « Die Dorfmusik »),
des passages cross-over (« In Stiller Nacht », « Thunder ») ou des hymnes a
capella (« Rwanda Nziza », « Edelweiss »). Les arrangements sont jazzy, avec
une rythmique légère et entraînante, des voix claires et justes, une partition nette
et précise, une prise de son flatteuse...
Pink Martini reprend des tubes à sa manière : enjouée,
arrangée au cordeau et multinationale.
Le disque
Dream A Little Dream
Pink Martini & The Von Trapps
China
Forbes (voc), Storm Large (voc), Amanda, Melanie et Sofia Von Trapp (voc),
Robert Taylor (tb), Gavin Bondy (tp), Nicholas Crosa (v), Pansy Chang (vc), Dan
Faehnle (g), Thomas Lauderdale (p), Phil Baker (cb), Timothy Nishimoto (voc, percu),
Brain Lavern Davis (d, percu) et Anthony Jones (d, percu), avec Wayne Newton
(voc), Jack Hanna (voc), Charmian Carr (voc) et The Chieftains.
Heinz Records – Naïve
Sortie en mars 2014
Liste des morceaux
01. « Storm » (2:56).
02. « Kuroneko No Tango », Framario,
Soricillo & Maresca (2:45).
03. « Dream A Little Dream », Fabian Andre, Wilbur Schwandt et Gus Kahn
(3:52).
04. «
Fernando », Benny Andersson et Björn Ulvaeus (3:52).
05. « Hayaldah Hachi Yafah Bagan »,
Ravitz (2:53).
06. «
Friend » (4:15).
07. « Die Dorfmusik » (2:44).
08. « In Stiller Nacht » (2:01).
09. « Le Premier Bonheur Du Jour », Franck Gérald et Jean Renard
(3:12).
10. «
Rwanda Nziza » (3:20).
11. « Gong
Xi » (2:26).
12. «
Hushabye Mountain », Robert &
Richard Sherman (3:18).
13. « Lonely
Goatherd », Rodgers & Hammerstein II (2:40).
14. «
Edelweiss », Rodgers & Hammerstein II (2:49).
15. «
Thunder » (4:49).
Comet’Style
Bruno Desplan Trio
Dans les années quatre-vingts dix, Bruno Desplan se partage entre la Bretagne et la Haute-Savoie avec
son groupe, Charly & Sir Hyde. Installé à Paris, Desplan se produit d’abord
en solo, puis en duo avec la soprano Julie
Horreaux et, en 2007, il monte un trio avec François-Pierre Camin à la contrebasse et François Porcher à la batterie (Concert aux déchargeurs – 2009). En
2011, la percussionniste Isabelle Guidon
remplace Porcher. C’est avec ce trio que Desplan enregistre Comet’Style, sorti en 2014 chez
CieuXRêverieSons.
Desplan est l’auteur des neuf chansons de l’album, qui
s’étalent de quatre à quinze minutes. Les textes, poétiques, jouent sur les associations
de mots et les sonorités des syllabes. Desplan alterne passages en voix de tête
(« Globe certes »), dissonances et modulations aigües («
Paradoxe CV ») et déclamation entre chant et parole
(« Illogisme »), dans un style proche de celui de Serge Gainsbourg.
La construction des morceaux ne suit pas la structure
couplet – refrain, mais se rapproche davantage du thème – solo – thème
caractéristique du jazz. Le trio, à dominante rythmique, interagit habilement
(« (Renaitr’) sans sens »), change fréquemment de direction (« Vague
de songe »), glisse quelques accents bluesy (« Ton élégance »),
met des touches de valses (« Vals’étincelle »)… Les Caraïbes restent également en
filigrane tout au long de Comet’Style avec,
bien sûr, les congas vives et puissantes de Guidon (« Comèt’Style 1 : Une
comète, un style… », « Lié »), mais aussi les rifs de Camin
(« Global certes ») et les blocs d’accords dans un esprit latino de
Desplan (« Paradoxe CV »).
Textes recherchés, chant sophistiqué et jazz au fumet
caribéen font de Comet’Style un
disque à part et du Bruno Desplan Trio un groupe à la personnalité originale.
Le disque
Comet’Style
Bruno Desplan Trio
Bruno Desplan (voc, p), François-Pierre Camin (b) et
Isabelle Guidon (percu)
CieuXRêverieSons
Sortie en janvier 2014.
Liste des morceaux
01. « Vague de songe » (10:16).
02. « Ton élégance » (6:06).
03. « Paradoxe CV » (3:57).
04. « (Renaitr’) sans sens » (14:42).
05. « Comèt’Style 1 : Une comète, un style… » (4:15).
06. « Globe certes » (7:05).
07. « Vals’étincelle » (6:00).
08. « Lié » (5:09).
09. « Illogisme » (10:35).
Tous les morceaux sont signés Desplan.
Eros Blues
Aurielle Sciorilli
Descendante d’une lignée de musiciens (son père est le
chanteur Ettore Sciorilli et son
grand-père, le compositeur de chansons populaires Eros Sciorilli), AurielleSciorilli est d’abord éblouie par Blue
de Joni Mitchell, et s’engage sur les
traces de son illustre aînée, avant d’intégrer le Sydney Conservatorium of
Music. En 2011, Sciorilli enregistre Send
The Wandering Girl Home et s’installe à Milan. Elle décide alors de monter un projet basé sur
les chansons de son grand-père : Eros
Blues voit le jour en avril 2014.
A son quartet habituel constitué du trompettiste Daniele Raimondi, du contrebassiste Damian Nueva et du batteur Christian Djieya, s’ajoutent les
pianistes Jerry Léonide ou Grégory Privat, qui se partagent également
les arrangements des dix chansons choisies par Sciorilli.
Sciorilli navigue entre un medium grave (« Amore e
mare »), avec une raucité qui évoque un peu les voix brésiliennes
(« Non pensare a me »), et un aigu clair (« Dimmelo con un disco »),
souvent aérien (« Inganno »). La trompette de Raimondi est au service de la
voix et ses contrepoints astucieux la mettent particulièrement en valeur
(« Due Pierrot », « Non si fa l’amore quando piove »). Dans ses
chorus, le trompettiste se montre habile et inventif (« Non pensare a me »).
Inutile de dire que Leonide et Privat s’y connaissent pour mettre du swing («
In cerca di te », « I colori della felicità »), dialoguer avec Sciorilli («
Dimmelo con un disco »), mettre du piment latin (« Non pensare a me »), faire
danser (« L’ultimo tram »)… Nueva et Djieya assurent une rythmique entraînante
(« Amore e mare ») avec des lignes de walking efficaces (« In cerca di
te »)et un drumming chaloupé (« Non si fa l’amore quando piove »).
Eros Blues met en
scène une crooner italienne qui chante dans une veine souvent latine, soutenue
par un quartet énergique et solide.
Le disque
Eros Blues
Aurielle Sciorilli
Aurielle Sciorilli (voc), Daniele Raimondi (tp), Jerry
Léonide ou Grégory Privat (p), Damian Nueva (b) et Christian Djieya (d).
Only Music
Sortie en avril 2014
Liste des morceaux
01. « Amore e mare » (10:16).
02. « Due Pierrot » (6:06).
03. « In cerca di te » (3:57).
04. « Non pensare a me » (14:42).
05. « Inganno » (4:15).
06. « Dimmelo con un disco » (7:05).
07. « Non si fa l’amore quando piove » (6:00).
08. « I
colori della felicità » (5:09).
09. «
L’ultimo tram » (10:35).
10. «
Ispirazione » (10:35).
Tous les morceaux sont signés Sciorilli.
Cuernavaca
Jacques Vidal
Jacques Vidal
commence par la batterie, puis s’oriente vers la contrebasse qu’il apprend aux
Conservatoires du Xème arrondissement de Paris, puis de Versailles. En 1969,
Vidal est de l’aventure de Magma, aux côtés de Christian Vander. Dans les années quatre-vingt, il commence une
association au long cours avec Frédéric
Sylvestre. A partir de 1994, Vidal monte un quintet – Sylvestre, Florin Niculescu, puis Eric Barret, Michel Graillier, puis Manuel
Rocheman et Simon Goubert – et
un septet (le quintet plus Glenn Ferris
et Stéphane Guillaume). En
parallèle, Vidal enseigne au C.I.M., à la National Taiwan Academy of Arts, à la
Bill Evans Academy… Le contrebassiste compte plus d’une dizaine de disques sous
son nom et Cuernavaca sort chez
Soupir Editions en septembre.
Pour Cuernavaca,
Vidal a réuni un quintet avec la chanteuse Isabelle
Carpentier, le saxophoniste Pierrick
Pédron, le tromboniste Daniel
Zimmermann, et le percussionniste Xavier
Desandre-Navarre. S’ajoutent, selon les morceaux, un chœur supplémentaire.
Cuernavaca évoque
évidemment la ville Au-dessous du volcan
où Charles Mingus vécut les
dernières années de sa vie. Cuernavaca
fait aussi référence au livre éponyme d’Enzo
Coremann, publié en 2003 aux éditions Rouge Profond. Cet hommage au
contrebassiste s’articule autour de trois morceaux signés Vidal et sept de
Mingus : « Better Git It in Your Soul » et « Goodbye Pork Pie Hat » repris
de Mingus Ah Um (1959), « Wednesday
Night Prayer Meeting » tiré de Blues
& Roots (1959), « Devil Woman » et « Ecclusiastics » extraits de Oh Yeah (1961), « Eclipse », sorti de Pre-Bird (1960) et, l’hommage à Oscar Pettiford, « O.P. »,
publié dans Charles Mingus with Orchestra
(1971).
Vidal reste fidèle à l’esprit de Mingus : rythmique éloquente
(« O.P. »), foisonnement des voix (« Devil Woman »),
développements tendus (« Ecclusiastics »), construction dense (« Ecclusiastics »),
blues omniprésent (« Wednesday Night Prayer Meeting »)… Le quintet
sert à merveille la musique de Mingus : les vocalises entraînantes (« Strange
Man ») de Carpentier, répondent aux contrepoints vifs de l’alto et du
trombone (« Strange Man ») ; ce « hard-bop dirty »
correspond tout à fait au jeu ferme et nerveux de Pédron (« Good Bye Pork
Pie Hat ») ; même constat pour Zimmermann, à la fois élégant, décontracté
et expressif (« Cuernavaca », « O.P. ») ; parfaitement
à l’écoute de ses compères, Desandre-Navarre joue constamment en finesse, avec
des roulements discrets (« Cuernavaca »), des motifs de valse (« Strange
Man »), une cymbale prolixe (« Ecclusiastics »)… ; quant à Vidal,
il joue de sa sonorité profonde pour faire résonner sa walking (« Better
Git It In Your Soul »), ses shuffle (« Strange Man ») et ses
rifs (« Ecclusiastics ») et se montre majestueux, dramatique et
baroque à l’archet (« For Lester »).
Dans Cuernavaca, Vidal
et son quintet donnent une interprétation à la fois respectueuse et personnelle
– voix, lyrisme, contrechants, développements… – de Mingus.
Le disque
Cuernavaca
Jacques Vidal
Isabelle Carpentier (voc), Pierrick Pédron (as), Daniel
Zimmermann (tb), Jacques Vidal (b) et Xavier Desandre-Navarre (d, perc), avec
Nathalie Jeanlys (voc), Stéphanie Bowring (voc), Allen Hoist (voc) et Thierry
François (voc).
Soupir Editions – S227
Sortie en septembre 2014.
Liste des morceaux
01. « Better
Git It in Your Soul & Wednesday Night Prayer Meeting », Mingus (05:38).
02. « Cuernavaca
», Vidal (05:02).
03. « Devil
Woman », Mingus (04:51).
04. « Eclipse
», Mingus (04:31).
05. « Strange
Man », Vidal (04:28).
06. « O.P.
», Mingus (05:11).
07. « Ecclusiastics
», Mingus (05:46).
08. « For
Lester », Vidal (05:17).
09. « Goodbye
Pork Pie Hat », Mingus (04:32).
Paris – Maurice
Manuel Rocheman
Après le conservatoire de Paris, Manuel Rocheman étudie le jazz avec Michel Sardaby, puis Martial
Solal. C’est en 1983 qu’il monte son premier trio. Depuis, Rocheman a
enregistré dix disques sous son nom, dont I’m
Old Fashioned, avec, entre autres, George
Mraz et Al Foster, et Cactus Dance avec Scott Colley et Antonio
Sanchez. Outre ses trios et solos, Rocheman participe à de nombreuses
sessions aussi bien aux côtés de Mélanie
Dahan que de Patrice Caratini, Jacques Vidal ou Didier Levallet…
Après un concert organisé par l’Institut Français de Maurice
en 2012, Rocheman décide de poursuivre l’aventure avec un enregistrement :
Paris – Maurice voit le jour en
septembre 2014. La chanteuse mauricienne Nadine
Bellombre cosigne le disque, propose trois morceaux et coécrit avec
Rocheman deux thèmes... Kersley Palmyre
est à la basse et Maurice Manancourt
ou Christophe Bertin sont à la
batterie. Au fil des morceaux, le quartet invite également la chanteuse Marie-Luce Faron, le guitariste Patrick Desvaux, l’harmoniciste Olivier Ker Ourio et le saxophoniste alto Samuel Laval.
En plus des trois morceaux de Bellombre et des deux communs
avec Rocheman, le quartet joue « Just Love », du pianiste, mais aussi
« Can't Hide Love » d’Earth, Wind & Fire (Gratitude – 1975), « Come Together » des Beatles (Abbey Road – 1969), « Nature
Boy », tiré du film de Joseph Losey,
Le Garçon aux cheveux verts (1948),
« The Island », du compositeur brésilien Ivan Lins et « A Little Night Music » de la comédie
musicale éponyme (1973).
Sensuelle et plutôt ténue (« La mer la »), habile
et expressive (« Ki to lé »), la voix de Bellombre est
particulièrement à l’aise dans les atmosphères brésiliennes (« Ene Zoli
Reve »). Le trio rythmique danse de la première à la dernière plage :
Rocheman swingue efficacement (« Nature Boy ») avec une main droite
agile, soutenue par des accords aussi parcimonieux que solides (« La mer
la ») ; Palmyre distille des lignes légères et chaloupées, avec des
successions de shuffle entraînantes (« The Island ») ;
Manancourt et Bertin assurent un drumming souple et cadencé, gage de vivacité
(« Ene Zoli Reve », « Can’t Hide Love »). Les invités
viennent pimenter les morceaux : la guitare de Desvaux apporte une touche
de blues à « Come Together », Faron met un zeste de rock dans « Can’t
Hide Love », Ker Ourio et son lyrisme souignent « The Island »,
Laval et son alto ajoutent de la solennité à « Ki to lé »…
Mélodieux et dansant, Paris
– Maurice respire la légèreté et la gaité, il fleure bon une certaine île
de l’océan indien…
Le disque
Paris – Maurice
Manuel Rocheman
Nadine Bellombre (voc), Manuel Rocheman (p), Kersley Palmyre
(b), Maurice « Momo » Manancourt ou Christophe Bertin (d), avec Marie-Luce Faron (voc), Patrick
Desvaux (g), Olivier Ker Ourio (hca) et
Samuel Laval (as).
Berlioz Production
Sortie en septembre 2014
Liste des morceaux
01. « Ene
Zoli Reve », Rocheman & Bellombre (5:22).
02. « Just
Love », Rocheman (4:11).
03. « La
mer la », Bellombre (5:11).
04. « Can't Hide Love », Skip Scarborough (4:49).
05. « Mo
lé ou », Bellombre (6:11).
06. « Come Together », John Lenon & Paul McCartney (5:47).
07. « Nadine »,
Rocheman & Bellombre (4:49).
08. « Ki to lé », Bellombre (4:48).
09. « Nature
Boy », Eden Ahbez (3:44).
10. « The Island », Ivan Lins, Alan & Marilyn Bergman (5:03).
11. « Send in the Clowns », Stephen Sondheim (4:07).
Circonstances aggravantes
Roland Brival
Roland Brival est
un touche-à-tout : sculpture, peinture, littérature, théâtre, journalisme…
et musique ! Circonstances
aggravantes est son sixième disque après Créole Gipsy (1980), Intense
(1998), Waka (2003), Kayam (2006) et Vol de nuit (2010).
Pour Circonstances
aggravantes, sorti en avril 2014 chez Such Production, Brival est
accompagné d’une section rythmique de haut vol, constituée de Rémy Decormeille au piano, Manu Marchès à la contrebasse et Julien Charlet à la batterie. Le
quartet invite également Christophe
Panzani pour des interventions au saxophone ténor et à la clarinette basse.
Les douze chansons, écrites en français, en anglais et en créole, sont signées
Brival.
Tour à tour poétiques (« On s'appartiendra »), accroche-cœurs
(« I Do It For Your Love »), rythmiques (« Moune »), humoristiques
(« Dear Lily »)… les chansons à texte de Brival ne manquent pas de
piment. Sa voix grave et profonde, parfois rauque, et son chant passent d’un
slam (« Mezcals ») ou d’une diction à peine modulée (« Les mots
qui dansent ») à des phrases entraînantes (« Créole Love ») ou
dans un style crooner (« Lago »). Il évoque tour à tour Serge Gainsbourg (« On
s’appartiendra »), Alain Bashung
(« Ma chère cousine ») et, parfois, un zeste de Michel Jonasz (« Les mots qui dansent ») et de Claude Nougaro (« Dear
Lily »). La section rythmique, c’est du sérieux, et le trio répand un
swing salutaire ! Marchès et Julien s’adaptent avec finesse à l’atmosphère des
chansons : poly-rythme et motifs sourds (« Mezcals »), walking
et chabada (« Sauvez Winnie »), échanges lancinants (« Les mots
qui dansent »), gravité solennelle (« Lago »)… Decormeille et
son jeu remarquablement ingénieux mettent en relief le chant de Brival. Il
alterne contrepoints, rifs, unissons, ostinatos, lignes mélodiques et accords
rythmiques avec beaucoup d’à-propos.
Un parolier adroit doublé d’un chanteur singulier,
accompagné d’un trio piano – basse – batterie résolument jazz… Autant de Circonstances aggravantes qui justifient
amplement d’écouter Brival.
Le disque
Circonstances aggravantes
Roland Brival
Roland Brival (voc), Rémy Decormeille (p), Manu Marchès (b)
et Julien Charlet (d), avec Christophe Panzani (ts, cl b)
Such Production – SUCH008
Sortie en avril 2014
Liste des morceaux
01. « Ma chère cousine » (3:30).
02. « Les mots qui dansent » (4:13).
03. « New
York Song » (6:08).
04. « Créole
Love » (3:54).
05. « Mezcals »
(3:55).
06. « I
Do It for Your Love » (5:04).
07. « Sauvez Winnie » (6:02).
08. « Moune » (3:00).
09. « Morning Rain » (5:07).
10. « Lago »
(3:34).
11. « On
s'appartiendra » (4:43).
12. « Dear
Lily » (3:23).
Tous les morceaux sont signés Brival
WasteLand
Antoine Berjeaut
Univers Nino, le
projet de Denis Colin et d’Ornette autour des chansons de Nino Ferrer, la Société des Arpenteurs,
le Surnatural Orchestra, Paco Sery, Sandra Nkaké… Antoine Berjeaut cultive son jardin ! En avril 2014, le
trompettiste sort son premier disque en leader, WasteLand, sur le label catalan Fresh Sound New Talent.
WasteLand s’appuie
sur un quintet constitué du poète rappeur Mike
Ladd, du claviériste Jozef Dumoulin,
du contrebassiste Stéphane Kerecki,
du batteur Fabrice Moreau et de
Berjeaut. Le groupe invite aussi le saxophoniste ténor Julien Lourau sur quatre plages. Berjeaut a composé les onze
morceaux du disque, dont cinq uniquement instrumentaux.
Ladd est un rappeur expressif qui utilise son timbre medium
et sa voix légèrement cassée pour mettre toutes sortes de nuances dans ses
spoken words : phrasé hip-hop classique dans « J.D. » ou rapide
dans « Volga to Mississippi », mélopée triste dans
« High », passages en beatbox dans « Baroness », ode
funèbre dans « Battle »… Avec ses nappes d’effets électroniques (« Slow
Motion »), ses accords denses et lointains (« Nightshift ») ou,
au contraire, ses ostinatos hypnotiques (« Baroness »), Dumoulin
plante le décor. Au piano, son jeu prend des teintes de musique contemporaine
avec une main droite qui crépite, tandis que la gauche décompose les accords
(« Clouds »). Kerecki soutient les solistes avec des phrases
imposantes (« High »), des lignes aérées (« Balcony »),
voire minimalistes (« Baroness »), lance une walking rapide (« Hornet »),
manie l’archet avec majesté (« Battle »), introduit
« Clouds » par un superbe motif profond, en suspension... à l’écoute
et efficace de bout en bout ! Même constatation pour Moreau, dont la
connivence avec Ladd est d’autant plus fondamentale que le rôle du rythme est
central dans le rap. A l’opposé des boîtes à rythme trop souvent envahissantes,
répétitives et épaisses, Moreau joue en souplesse, sans se départir de la puissance
qu’il faut pour étayer la voix (« High »). Volontiers touffu
(« Volga To Mississippi »), le batteur alterne chabada (« Hornet »),
rif funky (« J.D. »), roulements solennels
(« Nightshift »), rythmes croisés (« Clouds »)… Berjeaut
est altruiste : il laisse beaucoup d’espace pour les interactions au sein
du groupe et n’accapare jamais la vedette. Il se met en arrière-plan pour
accompagner Ladd (« Baroness »), se joint au piano pour des unissons
(« Clouds »), joue en contrepoints avec le saxophone ténor
(« Slow Motion »), participe au fonds sonore avec des effets (« Battle »,
« Slow Motion »)… A un solo éclatant (« Hornet ») succèdent
un chorus élégant (« Clouds »), puis une intervention émouvante (« Nightshift »)
et des formules sinueuses (« Entract »), mais aussi des notes de
blues (« J.D. »). Quant à Lourau, il est fidèle à lui-même : son
gros son, son lyrisme teinté de free et son expérience de ces ambiances
alternatives – le Groove Gang n’est pas si loin – apportent une densité indéniable
(« High », « J.D. »).
Wasteland marie
rap et jazz avec beaucoup d’intelligence (« caractère de ce qui va au fond
des choses ») et, tout au long du disque, la musique se déroule, cohérente
et captivante.
Le disque
WasteLand
Antoine Berjeaut
Mike Ladd (voc), Antoine Berjeaut (tp), Jozef Dumoulin (kbd,
p), Stéphane Kerecki (b) et Fabrice Moreau (d), avec Julien Lourau (ts)
Fresh Sound
New Talent – FSNT 450
Sortie en avril 2014
Liste des morceaux
01. « Slow
Motion (Pt. 1 & 2) » (7:02).
02. « High
(Pt. 1 & 2) » (9:39).
03. « Clouds
» (6:22).
04. « Balcony » (5:22).
05. « Baroness
» (5:44).
06. « Hornet
» (3:09).
07. « Battle
» (4:26).
08. « Volga
to Mississipi » (5:16).
09. «
Entract» (5:18).
10. « Nightshift
» (4:59).
11. « J.D. »
(2:55).
Tous les morceaux sont signés Berjeaut.