Cixircle – Quatuor IXI
Entre Abalone Productions créé en 2010 et les nombreux projets auxquels il participe – H3B, All Around… - Régis Huby est désormais un incontournable du violon jazz. Guillaume Roy a fondé le Quatuor Ixi en 1994. Altiste, Roy joue avec les liens entre l’écriture et l’improvisation. Collaborateur d’Hasse Poulsen et de Bruno Chevillon, il fait également partie des Arpenteurs de Denis Colin, du Dédales de Dominique Pifarély… et dirige le département jazz de l’E.N.M.D. d’Évry. Irène Lecoq suit une trajectoire type de concertiste classique : conservatoire de Rennes, école de musique de la ville d’Avray, conservatoire national de Paris, le tout couronné de premiers prix. Lecocq joue notamment dans le sextet de Roland Pinsard, celui de Jean-Pierre Julian, mais aussi sous la direction d’Antoine Hervé. La violoniste est également professeur à Ivry sur Seine. Quant àAtsushi Sakai, après son apprentissage au Japon, il sort du CNSMDP avec un premier prix. Épris de violoncelle historique et de viole de gambe, il suit l’enseignement de Christophe Coin. Partenaire deChristophe Rousset, du Quatuor Bartok, d’Alain Planès… Sakai a joué sur la plupart des scènes européennes.
Cixircle s’articule autour de huit pièces : quatre composées par Huby, trois par Roy et « Path Loss », écrite par le quatuor.
Deux violons, un alto et un violoncelle, IXI s’inscrit clairement dans la lignée des quatuors classiques. En l’absence de clavier, de guitare, de contrebasse out de batterie, le quatuor privilégie les interactions mélodiques et les jeux avec les nuances sonores. Souvent sombres (« Path Loss ») et solennels (« Cixircle ») les thèmes donnent lieu à des développements dans lesquels contrepoints (« Otto ») et unissons (« Controversy ») s’imbriquent pour former des méandres sonores (« Okina »). La musique foisonne (« Disconsonnance ») dans des ambiances lourdes (« Path Loss ») et tendues (« News & Abstractions »).
Le Quatuor IXI joue sa musique sans complexe : entre jazz et contemporain, sophistiqué, mais évident, Cixircle bouscule les genres.
Le disque
Cixircle
Quatuor Ixi
Régis Huby (vl), Irène Lecoq (vl), Guillaume Roy (alto) et Atsushi Sakaï (Violoncelle).
Abalone – AB008
2011
Quatuor Ixi
Régis Huby (vl), Irène Lecoq (vl), Guillaume Roy (alto) et Atsushi Sakaï (Violoncelle).
Abalone – AB008
2011
Les morceaux
01. « Cixircle », Huby (6:46).
02. « Séquence 15 », Roy (6:09).
03. « Path Loss », Quatuor IXI (3:52).
04. « Okina », Huby (8:21).
05. « Otto », Huby (8:16).
06. « Disconsonnance », Roy (5:51).
07. « Controversy », Huby (5:59).
08. « News & Abstractions », Roy (11:28).
02. « Séquence 15 », Roy (6:09).
03. « Path Loss », Quatuor IXI (3:52).
04. « Okina », Huby (8:21).
05. « Otto », Huby (8:16).
06. « Disconsonnance », Roy (5:51).
07. « Controversy », Huby (5:59).
08. « News & Abstractions », Roy (11:28).
Inside – Malcolm Braff
Après Blue Note et Unit, Malcolm Braff rejoint ENJA. Inside est sorti cet été sur le label allemand qui fête ses quarante ans cette année. Matthias Winckelmann, le patron d’ENJA, ne tarit pas de louanges sur Braff : « je recherche toujours des personnalités musicales, peu importe leur style. Le dernier exemple en date est un pianiste sidérant : Malcolm Braff, fils d’un missionnaire américain, né et élevé au Brésil, puis en Afrique de l’Ouest et installé en Suisse… Une nouvelle voix tout ce qu’il y a d’originale ! »
Braff apprend le piano classique au Sénégal et poursuit sa formation dans les conservatoires de Neuchâtel et de Genève. À côté de ses études de musicologie à l’Université de Genève, il s’oriente vers le jazz qu’il étudie en autodidacte. En 1991 il forme le trio Quartet avecMarcello Giuliani et Pascal Portner, particulièrement remarqué lors du festival de jazz de Cully. En 1994 Braff se produit en solo au Montreux Jazz Festival. A la fin des années quatre-vingt dix, le pianiste enregistre deux disques pour Blue Note (Together et The Preacher). Braff forme Yele en 2000, un trio désormais célèbre qui réunit Alex Blake et Yaya Ouattara. Ils enregistrent un disque éponyme en 2006. En parallèle Braff joue et enregistre avec Banz Oester et Samuel Rohrer dans une veine bop. Pour Inside, Braff est accompagné de deux autres musiciens de premier plan : Reggie Washington à la basse et Lukas Koenig à la batterie. Sur « Crimson Wave » le trio invite Aurélie Emery, jeune chanteuse suisse à la voix vaporeuse qui donne une allure pop au morceau.
Inutile d’introduire Washington, très présent sur la scène européenne, et qui a joué récemment dans le quartet d’Uri Caine à Paris. En revanche Koenig est sans doute moins familier : après des études tout ce qu’il y a de sérieux dans son Autriche natale, Koenig rencontre Braff à Linz pendant un atelier. Il le rejoint à Berne et participe au Festival de Cully avec le pianiste.
La pochette d’Inside rappelle que Braff est un citoyen du monde : le profil du ventre d’une femme enceinte, sur lequel est tatouée la carte de l’Amérique… Tout un symbole relayé à l’intérieur du disque par une photo du visage de Braff recouvert de boue séchée, qui lui donne l’aspect d’un masque africain ou d’une statue d’ancêtre (souvenir du Sénégal…).
En dehors de « Sexy M.F. » de Prince et de « Berimbau », le standard brésilien (souvenir de Rio de Janeiro…) de Vinicius de Moraes etBaden Powell, le trio joue neuf compositions du pianiste.
Inside appartient typiquement à l’univers musical de Braff : rythmiques envoûtantes et mélodies minimalistes pour une mise en musique volontiers emphatique. L’influence de l’Afrique est palpable et rappelle l’approche musicale de Randy Weston, voire d’Omar Sosa.
Marqué par Marcus Miller (chorus dans « Sexy M.F. »), Washington a réussi à trouver sa voix : un groove indéniable (« The Mirror ») au service d’une ligne de basse musicale (« Berimbau »). Ce qui ne l’empêche pas de jouer épais et bluesy (« Empathy For The Devil ») ou sombre (« Yay ! ») … Le jeu de Koenig se marie à merveille avec l’approche de Braff. Le batteur foisonne (« Dance Of The Planets »), possède une frappe dynamique (« Sexy M.F. ») et un son volumineux (« The Mirror »). Koenig est à l’aise dans toutes les ambiances de Braff ; il apprécie les motifs répétitifs (« Dance Of the Fireflies ») et la polyrythmie (« Yay ! »). Quant à Braff, son jeu rythmique est caractérisé par une main gauche puissante, des ostinatos denses, des notes isolées, des silences lourds de sens, des réitérations… Le discours est organisé de manière quasi-théâtrale, comme le final de « Mantra » qui débouche sur « A Love Supreme » scandé par le trio, comme dans l’original de John Coltrane. Dans tous les cas la musique de Braff instaure des climats : pop (« Crimson Waves »), funky (« Sexy M.F. »), blues (« Empathy For The Devil »), swing (« The Mirror »), romantique (« Tied To Tide », « Dawn »), africaine (« Mantra », « Yay ! »), sud-américaine (« Dance Of The Planets »)…
Inside est dans la continuité de Yele, mais Braff poursuit l’exploration de ses racines africaines avec un nouveau format : la basse électrique remplace la contrebasse et la batterie se substitue au djembé. Le résultat est là : un jazz rythmique aux ascendances africaines teinté de lyrisme…
Le disque
Inside
Malcolm Braff (p), Reggie Washington (b), Lukas Koenig (d) et Aurélie Emery (voc).
ENJA - ENJ-9573
2011
Malcolm Braff (p), Reggie Washington (b), Lukas Koenig (d) et Aurélie Emery (voc).
ENJA - ENJ-9573
2011
Les morceaux
01. « Crimson Waves » Braff et Emery (5:40).
02. « Sexy M.F. », Prince (5:07).
03. « Empathy For The Devil » (6:40).
04. « The Mirror (Partido Alto) » (5:01).
05. « Tied To Tide » (6:38).
06. « Mantra » (7:31).
07. « Berimbau », de Moraes et Powell (7:52).
08. « Dance Of The Planets » (4:22).
09. « Dance Of The Fireflies » (7:48).
10. « Yay! » (7:04).
11. « Dawn » (4:07).
02. « Sexy M.F. », Prince (5:07).
03. « Empathy For The Devil » (6:40).
04. « The Mirror (Partido Alto) » (5:01).
05. « Tied To Tide » (6:38).
06. « Mantra » (7:31).
07. « Berimbau », de Moraes et Powell (7:52).
08. « Dance Of The Planets » (4:22).
09. « Dance Of The Fireflies » (7:48).
10. « Yay! » (7:04).
11. « Dawn » (4:07).
Toutes les compositions sont de Braff sauf indication contraire.
Poetic Memory – Alexis Tcholakian Trio
Search For Peace (2008) avait permis d’apprécier un pianiste trop méconnu : Alexis Tcholakian. Et pourtant cet album en solo était déjà son cinquième disque... En 2011 Tcholakian récidive avecPoetic Memory, accompagné de Claude Mouton à la contrebasse et Thierry Tardieu à la batterie.
Poetic Memory sort chez Aphrodite Records, label créé par Jean-Jacques Grabowski en 2004. Aphrodite Records se veut ouvert à tous les jazz et propose aux artistes une panoplie complète de prestations : le label bien sûr, mais aussi un studio d’enregistrement, une équipe technique, un service de promotion et un circuit de distribution éprouvé. Pour l’instant le catalogue est essentiellement orienté vers un jazz mainstream avec des artistes tels que Barend Middelhof, William Chabbey, Ludovic de Preissac etc.
Tcholakian commence par des études de piano classique avant de jouer différents genres de musiques, jusqu’à sa découverte du jazz à la fin des années quatre-vingt. Il décide alors de partir étudier au Berklee College of Music. À son retour en France, Tcholakian suit les cours deBernard Maury et devient son assistant à l’École Supérieure de Jazz. Finaliste du concours de La Défense en 1998, outre ses activités de concertiste en solo et en trio, Tcholakian attache une grande importance à la pédagogie : il est l’auteur de DVD pédagogiques, a enseigné dans des écoles de musique et des conservatoires et a même dirigé la Paris Jazz School. Mouton a étudié la contrebasse avec, entre autres, Jean-François Jenny-Clarke. Professeur au Conservatoire d’Aubervilliers, à la Paris Jazz School… Mouton a accompagné aussi bien Mal Waldron que René Urtreger (avec qui il a enregistré) ouMichel Graillier, Louis Sclavis, Jackie McLean… Quant à Tardieu, il étudie la batterie à l’école Agostini avant de poursuivre sa formation en Italie, au Sienna Jazz, où il travaille notamment avec Enrico Rava. Tardieu joue également dans des orchestres de musiques des Caraïbes et de reggae. Son éclectisme en fait un batteur recherché : Paolo Fresu, Youn Sun Nah, Nico Morelli etc.
Poetic Memory a été enregistré lors d’un concert au Sunside en 2010. Comme l’indique la citation de la pochette du disque, Tcholakian a pris Poetic Memory chez Milan Kundera : « Il semble qu'il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu'on pourrait appeler la mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre vie sa beauté. » (L’insoutenable légèreté de l’être – 1987). La couleur du répertoire est donnée : émoi et romantisme. Les soixante-dix minutes de musiques sont réparties entre trois pièces classiques (la Sicilienne BWV 1031 de Johann Sebastian Bach, le Prélude numéro 4 opus 28 de Frédéric Chopin et le choral numéro 1 du Stabat Mater de Franz Schubert), « Brazilian Like » deMichel Petrucciani, « Samba em preludio » de Baden Powell etVinicius de Moraes, et trois compositions de Tcholakian.
L’influence de Bill Evans sur le trio est patente : mélodies élégantes (« Night Reflections »), phrases soignées (« A eschola de ser feliz »), balancement rythmique subtil (« Sicilienne »)… Tcholakian, Mouton et Tardieu s’écoutent et interagissent avec finesse. La section rythmique produit un groove dansant et harmonieux, particulièrement sensible dans les morceaux « brésiliens » (« Brazilian Like », « Samba em preludio » et « A eschola de ser feliz »). Tardieu a un « drumming » léger (« Sicilienne »), se montre majestueux avec les cymbales (choral du Stabat Mater) et prend des solos sobres qui évitent les habituels démonstrations de virtuosité (« Night Reflections », « Samba em preludio »). Mouton alterne walking (« Night Reflections ») et motifs entrainants (« Brazilian Like »). Ses lignes de basse en pizzicato ou à l’archet (« Samba em preludio ») et ses solos volontiers dans les aigus (« Fragile ») mettent en valeur un son boisé aérien. Quant à Tcholakian, son jeu chante (Prélude n° 4, « Fragile »), mais il ne s’en contente pas et construit des développements énergiques dans une veine latine (« Brazilian Like ») ou bop (« Night Reflections ») avec un swing brillant (« Stabat Mater »).
Une huile de Jean Criton illustre la pochette : des bandes horizontales noires, blanches et bleues qui s’étirent et se caressent sans jamais se mélanger totalement. Une toile abstraite et sensuelle, à l’image de la mémoire poétique… et de Poetic Memory !
Le disque
Poetic Memory
Alexis Tcholakian Trio
Aphrodite Records – APH 106021
2011
Alexis Tcholakian Trio
Aphrodite Records – APH 106021
2011
Les morceaux
01. « Sicilienne », Bach (7:40).
02. « Brazilian Like », Petrucciani (9:10).
03. « Night Reflections », Tcholakian (8:14).
04. « Prelude n° 4, Opus 28 », Chopin (9:07).
05. « Samba em preludio », Powell et de Moraes (7:02).
06. « A eschola de ser feliz », Tcholakian (9:52).
07. « Fragile », Tcholakian (9:23).
08. « Stabat Mater : Choral n° 1 », Schubert (9:12).
02. « Brazilian Like », Petrucciani (9:10).
03. « Night Reflections », Tcholakian (8:14).
04. « Prelude n° 4, Opus 28 », Chopin (9:07).
05. « Samba em preludio », Powell et de Moraes (7:02).
06. « A eschola de ser feliz », Tcholakian (9:52).
07. « Fragile », Tcholakian (9:23).
08. « Stabat Mater : Choral n° 1 », Schubert (9:12).
Hommage à Michel Petrucciani
Le 25 septembre, le Ciné 104, cinéma d’art et d’essai de la ville de Pantin, a projeté Michel Petrucciani – Body & Soul, le film de Michael Radford, présenté en avant-première au Festival de Cannes 2011. La projection est suivie d’un concert du pianiste Franck Avitabile en solo, sur un répertoire dédié à Petrucciani.
Michel Petrucciani – Body & Soul
Radford est un réalisateur anglais qui a tourné de nombreux documentaires pour la BBC avant de réaliser des fictions. 1984, Son adaptation du roman de George Orwell, lui vaut une reconnaissance internationale. Mais c’est Il Postino, réalisé en 1994 avec l’acteurMassimo Troisi, qui le rend célèbre. Suivront Dancing At The Blue Iguana (2000), Le marchand de Venise (2004) avec Al Pacino etJeremy Irons, Le casse du siècle (2007) avec Demi Moore et Michael Caine… Michel Petrucciani – Body & Soul est sorti en août 2011.
Outre les concerts filmés, Petrucciani a déjà fait l’objet de plusieurs documentaires. Au début des années quatre-vingt, alors qu’il s’apprête à quitter la France pour la Californie, Franck Cassenti tourne Lettre à Michel Petrucciani, un reportage d’une vingtaine de minutes sur le musicien et sa musique. Ami proche de Petrucciani, l’auteur et présentateur télé Roger Willemsen met à profit une tournée aux Etats-Unis et en Europe pour réaliser un film d’une heure sur l’homme, le pianiste et sa musique : Non Stop – Un voyage avec Michel Petrucciani(1995).
Michel Petrucciani – Body & Soul est un long métrage (une heure quarante-deux) qui retrace la vie du pianiste dans l’ordre chronologique à travers de nombreux entretiens (indiquer le nom des personnes interrogées en sous-titre n’aurait pas été de trop), des images d’archive et des passages tirés des documentaires de Cassenti et de Willemsen.
Né en 1962 à Oranges, dans le Vaucluse, Petrucciani est atteint d’ostéogenèse imparfaite qui, entre autre, fragilise ses os et limite sa croissance. A travers un ensemble d’entretiens, Radford montre avec brio comment, malgré ce lourd handicap, Petrucciani devient pianiste grâce à une vitalité hors du commun et une famille très présente et musicienne : Tony, son père, et Philippe, son frère cadet, sont guitaristes tandis que Louis, son frère aîné, est contrebassiste.
Séduit par Duke Ellington dès son plus jeune âge, Petrucciani est irrésistiblement attiré par le jazz, mais ses parents le poussent à terminer d’abord ses études de piano classique. Á treize ans Petrucciani commence sa carrière et accompagne Clark Terry lors du festival de jazz de Cliouscat,épisode traité avec beaucoup d’humour dans le film. Radford revient ensuite sur la rencontre décisive de Petrucciani avecAldo Romano qui l’incite à « monter » à Paris et le présente à Jean-Jacques Pussiau. Le fondateur d’Owl Records produit le premier disque notoire du pianiste en 1981 : Michel Petrucciani avec Jean-François Jenny-Clark et Romano.
L’année suivante Petrucciani quitte la France pour s’installer en Californie où il rencontre Charles Lloyd. Le saxophoniste installe le pianiste chez lui, à Big Sur, et se remet à la musique qu’il avait délaissée. Radford insiste sur cet épisode clé dans la vie de Petrucciani. En effet le pianiste tourne avec Lloyd dans le monde entier, devient célèbre aux Etats-Unis et se marie une première fois. Petrucciani aura trois autres compagnes « officielles » et deux fils, dont on peut entendre le témoignage dans le film (à l’exception de la pianiste Gilda Butà).
En 1985, pour relancer Blue Note, Bruce Lundvall et Michael Cuscunaorganisent un concert au Town Hall de New-York avec les musiciens phares du label et demandent à John Charles Jopson de filmer l’événement. Petruciani apparaît dans One Night With Blue Note aux côtés de légendes tels que Freddie Hubbard, Art Blakey, Joe Henderson, Tony Williams… Le pianiste est le premier non-américain à rejoindre l’écurie Blue Note et enregistre sept disques pour ce label mythique.
Dans les années quatre-vingt dix, devenu une star, Petrucciani parcourt le globe, enchaîne les concerts et rejoint Dreyfus Jazz, pour qui il enregistre une dizaine de disques, jusqu’à son décès à New-York, le 6 janvier 1999.
L’homme est davantage au centre des préoccupations de Radford que le musicien : l’anecdote du pédalier spécialement créé par le père de Michel, l’épisode du choix d’un Steinway avec Pascal Bertonneau, l’analyse du rôle des mains dans le jeu de Petrucciani… sont les quelques moments qui replacent Petrucciani dans son contexte musical. Cela dit, Michel Petrucciani – Body & Soul est particulièrement vivant d’abord par la personnalité-même de Petrucciani, qui se raconte abondamment, mais aussi parce que Radford n’hésite pas à aborder tous les sujets de front : la maladie, la drogue, l’alcool, la vie, l’amour, la mort etc. Toutes les personnes interrogées jouent le jeu et traduisent parfaitement les bons et les mauvais côtés de Petrucciani, sans pouvoir cacher leur fascination pour cet artiste hors du commun qui a vécu sa courte vie avec excès et frénésie.
Franck Avitabile – ‘Round Michel
Adoubé par Petrucciani, Avitabile ne perd pas une occasion de rendre hommage à son mentor : en concert, il joue systématiquement une composition de Petrucciani. Quoi de plus naturel donc que de demander à Franck de jouer en solo sur le répertoire de Michel…
Il est délicat d’interpréter les compositions de Petrucciani car il les a tellement jouées et dans des contextes tellement différents, qu’il est difficile de ne pas avoir sesversions en tête. Avitabile s’en tire par une jolie pirouette en commençant le récital par « In A Sentimental Mood » d’Ellington, interprété dans un esprit très vingtième. Petrucciani a souvent joué « In A Sentimental Mood » en concert ou sur disque, par exemple dans Power Of The Three avec Jim Hall et Wayne Shorter (1986) ou Promenade With Duke en solo (1993).
Après cette mise en bouche, Avitabile attaque avec entrain un classique de Petrucciani : « Cantabile ». Pendant que la main gauche alterne « walking bass » et accords dansants, la main droite se lance dans un développement foisonnant. Avitabile transforme « Little Piece In C For U » en casse-tête musical : il le transpose en si bémol et le joue à toute allure.
Après une version majestueuse et tendue de « Home », Avitabile introduit « Lullaby » par une séquence rythmique amusante qui débouche sur une valse émaillée de contrepoints émouvants. Retour à l’univers d’Ellington avec la célèbre composition de Billy Strayhorn, « Take The A Train ». Le pianiste tourne autour du thème et décompose le morceau dans un esprit qui rappelle celui de Lennie Tristano. Après une composition mélodieuse, comme les affectionnait Petrucciani (« Rachid » ?), Avitabile se lance dans « Looking Up », morceau de bravoure joué avec une tension et un balancement captivants.
Pour conclure Avitabile joue l’élégant « Childhood Memory » (Short Stories – 2006), morceau-signature que le pianiste reprend dans la quasi-totalité de ses concerts. En bis Avitabile se livre au jeu toujours amusant d’une improvisation sur quatre notes proposées par le public. Cette fois le pianiste improvise un morceau dans la lignée deBill Evans autour de La - Re - Si - Do.
En marge des courants et des modes, Avitabile a incontestablement trouvé sa voie, une combinaison personnelle de jazz et de vingtième classique, un alliage subtil de mélodie et de swing.
Quelques mots autour de Michel Petrucciani
Franck Sescousse, l’organisateur de l’événement, propose ensuite au public une discussion avec Avitabile sur Petrucciani.
Le film
C’est Alexandre Petrucciani qui a coproduit le film sur son père et qui, avec Pascal Bretonneau et Bernard Benguigui, propose à Avitabile d’intervenir dans le film. Comme Radford ne connait pas particulièrement Petrucciani, ni le jazz, son approche se concentre sur l’homme et les aspects biographiques. À l’inverse du documentaire de Willemsen, qui insiste davantage sur le musicien (la scène finale est mémorable : Petrucciani joue « Looking Up » sur le toit d’un gratte-ciel...). Finalement Avitabile ne témoigne pas dans le film car il y a déjà de nombreux intervenants et les interactions d’Avitabile et de Petrucciani n’entrent pas complètement dans le propos du film car elles sont avant tout techniques. Les deux pianistes se sont penchés sur la manière d’aborder le jazz : comment faire la part des choses entre création et héritage, concilier spontanéité et travail etc. Avitabile cite Power Of The Three (Petrucciani, Hall et Shorter) comme exemple réussi d’enregistrement sans répétition. Et pourtant Petrucciani et Shorter ne s’entendent pas : le saxophoniste veut faire tout le disque, mais Petrucciani, peu à l’aise avec la musique de Shorter, ne veut pas…
La rencontre
En 1996, encore élève au conservatoire, Avitabile habite porte de Pantin, dans la cité de la musique. Pendant le festival de La Villette, Avitabile assiste à une balance de Petrucciani. L’occasion de raconter une anecdote : alors qu’une classe de maternelle assiste également à la balance, une fillette s’approche du pianiste et lui dit « bonjour petit bonhomme ». Petrucciani se fâche et l’invective !
Mais la rencontre décisive a lieu l’année suivante. Petrucciani a décidé de produire un jeune musicien. Son premier choix se porte sur l’harmoniciste Olivier Ker Ourio, mais ce dernier ne se sent pas encore prêt. Petrucciani assiste au concours de l’UNESCO, où il écoute des centaines de pianistes, sans être convaincu. Dans la voiture de son frère, Louis, il passe Lumières, le premier disque qu’Avitabile a enregistré avec Louis à la contrebasse et Thomas Grimmonprez à la batterie. Séduit, Petrucciani appelle Avitabile et lui propose d’enregistrer un disque autour de Bud Powell pour Dreyfus Jazz. Avitabile met de côté ses projets, demande un congé au conservatoire et se lance dans l’aventure. Après quelques mois de préparation, l’enregistrement a lieu en janvier 1998. Petrucciani assure la direction artistique : il supervise l’enregistrement, choisit les prises, l’allure de l’album… In Tradition sort en 1998.
L’homme
Petrucciani peut être très généreux avec les artistes avec lesquels il s’entend bien, mais il y en a peu… C’est particulièrement vrai avec la basse et la batterie car son système de jeu est très dépendant de la section rythmique. D’ailleurs Steve Gadd est sans doute l’un des musiciens avec qui Petrucciani s’est le mieux entendu. Mais Petrucciani a toujours cherché la compagnie de musiciens avec qui il pouvait jouer sur la durée ; c’est cas de Lloyd avec qui Petrucciani a tourné pendant deux ans
Petrucciani a frôlé l’énervement avec Avitabile le premier jour de l’enregistrement d’In Tradition, car une seule prise a été mise en boîte. Mais le deuxième jour tout est rentré dans l’ordre : neuf prises ont été retenues…
Avitabile souligne un point qui n’apparaît pas dans le film : les difficultés matérielles quotidiennes que Petrucciani rencontre avec son handicap. De l’ouverture d’une porte à un taxi trop éloigné du trottoir, en passant par les flaques d’eau pernicieuses ou les hurlements d’une personne qui le voit sortir de l’ascenseur… Sans oublier les difficultés qu’il rencontre dans son métier : le pédalier, bien sûr, mais aussi les sièges mal réglés, les escaliers, les loges peu accessibles… Avitabile admire la force avec laquelle Petrucciani surmonte ces épreuves.
Les projets
Petrucciani voulait monter une école de jazz à la campagne, un peu sur le modèle de ce que Manfred Eicher avait fait dans les années soixante-dix, lors de la création d’ECM. Les musiciens auraient pu y rester en résidence pendant quelques mois pour se consacrer à la création, loin de leur quotidien, des téléphones portables, des ordinateurs, d’internet…
Film, concert et discussion. Un menu riche et passionnant que le Ciné 104 peut resservir quand bon lui semble !
Indigo Trio et Michel Édelin
The Ethiopian Princess Meets The Tantric Priest
Fondé depuis un peu plus de six ans par Nicole Mitchell, Harrison Bankhead et Hamid Drake, l’Indigo Trio parcourt des chemins improvisés résolument orientés vers l’avant-garde.
Après un Live In Montreal enregistré en 2005 et publié en 2007 par Greenleaf Music, le label de Dave Douglas, l’Indigo Trio enregistreAnaya en studio et sort le disque chez RogueArt en 2008. Pour The Ethiopian Princess Meets The Tantric Priest (RogueArt – Juillet 2011),Mitchell, Bankhead et Drake ont eu la bonne idée d’inviter Michel Édelin.
La flûte et le jazz, c’est un peu comme le saxophone et la musique classique : ils ne sont pas fâchés, mais se rencontrent rarement. D’après le Dictionnaire du jazz (Robert Laffont) le premier solo connu remonte à 1927 : Alberto Socarras dans « Shootin’ The Pistols » avec l’orchestre de Clarence Williams. Mais ce n’est que dans les années 30 que la flûte trouve réellement sa place dans le jazz grâce à Wayman Carver, dans l’orchestre de Chick Webb. Bud Shank, Buddy Colettepuis Franck Wess chez Count Basie, confirment que la flûte a un rôle à jouer et, preuve de reconnaissance officielle, en 1956 Down Beat ouvre une catégorie « flûte » dans son classement annuel. En se consacrant exclusivement à la flûte Herbie Mann lui donne ses lettres de noblesse. De James Moody à Yusef Lateef en passant par Prince Lasha, Eric Dolphy, Rahsaan Roland Kirk, Hermeto Pascoal, Zim Ngqawana… les spécialistes de l’instrument ne manquent pas, mais rares sont ceux pour qui la flûte est l’instrument principal : il s’agit plutôt d’ajouter une couleur originale à leur palette sonore. En Europe, sur les traces de Bobby Jaspar, précurseur de l’instrument, la flûte s’est imposée dans des contextes aussi variés que l’« ethno-jazz», l’« électro-jazz » ou le free-jazz, sous les doigts de musiciens tels queMagic Malik, Didier Malherbe, Dominique Bouzon, Philip Bent(émule d’Hubert Laws), Orlando « Maraca » Valle (Cubain installé en France)… Quant à Mitchell et Édelin, ils sont flûtistes à part entière et arpentent les scènes de la musique improvisée depuis de nombreuses années.
Créatrice insatiable, instrumentiste virtuose, compositrice prolifique, enseignante infatigable, chef d’orchestre dynamique… Mitchell est également connue pour être la première femme à avoir dirigé l’Association for Advancement of Creative Musicians (AACM). C’est à l’Université de Californie de San Diego qu’elle découvre l’improvisation avec le tromboniste Jimmy Cheatham et le flûtisteJames Newton. Après s’être installée à Chicago, elle rejoint l’AACM en 1995 et cofonde Samana, le premier groupe féminin de l’association. Musicienne clé de l’avant-garde musicale, Mitchell dirige le Black Earth Ensemble depuis 1997, mène une carrière de soliste (notamment au sein du Chicago Sinfonietta de Paul Freedman) et participe à de nombreuses formations à l’instar de Frequency (Ed Wilkerson Jr., Arveeayl Ra et Bankhead), l’Anthony Braxton’s 12tet et l’Indigo Trio.
Bankhead se produit aussi bien dans des contextes classiques que jazz, gospel ou flamenco. Il accompagné de nombreux musiciens tels queJoshua Redman, Von Freeman, Oliver Lake, Fred Anderson, Roscoe Mitchell… En 2011 il sort Morning Sun Moon Harvest, son premier album en solo. Par ailleurs le contrebassiste joue fréquemment avec Mitchell, que ce soit avec le quartet Frequency ou l’Indigo Trio.
De ce côté-ci de l’Atlantique, Drake est sans doute le plus connu des trois musiciens de l’Indigo Trio. Outre les multiples collaborations avec des musiciens européens - Paolo Angeli, Peter Brötzmann, Evan Parker, Mihály Dresh, Sophia Domancich… - le percussionniste enregistre régulièrement pour RogueArt : neuf disques à son actif dont le premier du label, en 2005. Drake commence sa carrière dans le combo de Fred Anderson. Il s’oriente rapidement vers le free-jazz, via l’AACM, mais joue aussi dans des groupes de musique du monde (Mandingo Griot Society, Night On Earth) et de reggae. Sa versatilité et sa créativité en font un percussionniste recherché : il a joué et enregistré avec Don Cherry, William Parker, Pharoah Sanders,Herbie Hancock, Wayne Shorter, David Murray, Ken Vandermark...
Édelin apprend la flûte en autodidacte, assoit sa réputation en remportant plusieurs concours (dont La Défense) et se fait connaître avec Triode. Dans les années 80 le flûtiste forme un nonet avecFrançois Mechali. Il joue ensuite avec Byard Lancaster, Dave Valentin, Barry Altschul etc. Depuis les années 90 Édelin multiplie les projets : …Et la Tosca passa… avec Jacques Di Donato, François Couturier, Mechali et Daniel Humair ; Le chant des Dionysies en duo avec Mechali ; Words Song avec André Minvielle, Couturier, Méchali et Di Donato ; Flutes Unit avec Malik, Domancich et Jean-Jacques Avenel ; Waraba avec Avenel, Amada Condé et Ibrahim Soumalou ;Ze Blue Note, un opéra jazz pour quintet et chœur d’enfants etc.
Michel Dorbon a créé le label RogueArt en 2005. Avec une ligne éditoriale qui sort des sentiers battus et une identité graphique à contre-courant, le label porte bien son nom ! En anglais le « rogue » est un fripon et l’adjectif « rogue » caractérise aussi ce qui est décalé, marginal, incontrôlé, en dehors des normes... En français l’adjectif est signe d’arrogance et de mépris, attitude légitime d’un label intègre vis-à-vis d’un mercantilisme sans scrupule ! Pochettes cartonnées blanches cernées d’un liseré rouge, titres noirs et rouges dans le sens de la hauteur, textes travaillés et photos sobres : le design des disques RogueArt, conçu par Max Schoendorff, n’est pas sans évoquer la NRF. Tout un programme !
The Ethiopian Princess Meets The Tantric Priest est constitué de huit morceaux : quatre thèmes de Mitchell, deux d’Édelin, un de Bankhead et le morceau-titre, une composition collective. Les musiciens alternent les instruments : Mitchell et Édelin passent d’une flûte à l’autre (alto, basse, piccolo ou traversière en bois), Bankhead se met au piano pour « Return Of The Sun » et, ça et là, Drake joue du tambour sur cadre.
The Ethiopian Princess Meets The Tantric Priest joue avec les contrastes. À commencer par la sonorité du quartet, parfaitement originale : les flûtes, aigues, métalliques et graciles, tranchent avec la contrebasse – grave et boisée – et la batterie – animale et profonde. Le disque s’appuie également sur les nuances entre les lignes sinueuses tracées par les flûtes et le groove entrainant de la section rythmique (« Wind Current »). Qu’il soit free (« Top Secret »), contemporain (« Inside The Earth »), africain (« The Ethiopian Princess Meets The Tantric Priest ») ou quasi « mainstream » (« Ambre Sunset »), la musique de l’Indigo Trio garde toujours un lien avec la mélodie et la pulsation.
Batteur à la fois subtil et charnel, Drake maintient constamment un balancement leste et dansant. Il alterne minimalisme (« Top Secret »), passages touffus (« Dérives »), motifs tendus (« Wind Current », « Return Of The Sun ») et drumming léger, presque bop (« Ambre Sunset »). Bankhead regorge d’idées : entre des walking ultra-rapide (« Top Secret », « Wind Current », « Ambre Sunset »), des stridences (« Top Secret ») ou des courbes (« Dérives », « The Ethiopian Princess Meets The Tantric Priest ») à l’archet, des ostinatos (« Call Back ») et autres traits groovy (« Wind Current »), il glisse un superbe solo dans les graves, exemple de tension et de souplesse. Quant à la princesse éthiopienne et son prêtre tantrique, ils se livrent un véritable festival : discours décalés et fragiles (« Top Secret »), questions – réponses dans des duos proches de la musique contemporaine (« Inside The earth ») voire debussyste (final de « Dérives »), contrepoints élégants (« Return Of the Sun »), phrases virevoltantes (« Call Back »), chassés croisés fougueux (« Ambre Sunset »), moments majestueux (« The Ethiopian Princess Meets The Tantric Priest », avec une mélopée qui rappelle les chants pygmées), morceaux malicieux dans la lignée de Kirk (« Call Back », « Ambre Sunset »)… La connivence musicale de Mitchell et d’Édelin trouve sa source dans ce free sans frontière que les deux artistes cultivent depuis toujours, à l’instar de l’AACM, Coltrane, Cherry…
The Ethiopian Princess Meets The Tantric Priest n’est pas une rencontre entre l’Éthiopie et l’Inde, ni un cocktail de rythmes africains et de râga indiens, et moins encore un disque de jazz teinté de musique du monde ; Lucie et Shiva se sont trouvés et jouent leur propre musique, authentique, libre et rythmée...
Le disque
The Ethiopian Princess Meets The Tantric Priest
Indigo Trio - Michel Édelin
Nicole Mitchell (flûtes), Harrison Bankhead (b, p), Hamid Drake (d, percu) et Michel Edelin (flûtes).
RogueArt – ROG-0034
2011
Indigo Trio - Michel Édelin
Nicole Mitchell (flûtes), Harrison Bankhead (b, p), Hamid Drake (d, percu) et Michel Edelin (flûtes).
RogueArt – ROG-0034
2011
Liste des morceaux
01. « Top Secret » Mitchell (9:23).
02. « Inside the Earth » Mitchell (5:07).
03. « Dérives » Édelin (5:07).
04. « Wind Current » Mitchell (9:05).
05. « Call Back » Édelin (6:46).
06. « The Ethiopian Princess Meets the Tantric Priest » Mitchell, Bankhead, Drake et Édelin (7:42).
07. « Ambre Sunset » Mitchell (6:32).
08. « Return of the Sun » Bankhead (6:13).
02. « Inside the Earth » Mitchell (5:07).
03. « Dérives » Édelin (5:07).
04. « Wind Current » Mitchell (9:05).
05. « Call Back » Édelin (6:46).
06. « The Ethiopian Princess Meets the Tantric Priest » Mitchell, Bankhead, Drake et Édelin (7:42).
07. « Ambre Sunset » Mitchell (6:32).
08. « Return of the Sun » Bankhead (6:13).