Abalone au New Morning
Les ormeaux envahissent le New Morning…
Après le succès du double concert du Jean-Charles Richard Trio et du Quintet résistance poétique, le 23 mai 2012 au studio l’Ermitage, Abalone renouvelle l’expérience au New Morning le 13 octobre, à l’occasion de la sortie de Songs No Songs d’H3B et de Ways Out du Claude Tchamitchian Quartet.
La salle se remplit petit à petit et, en dehors des couples en goguettes et autres passionnés, des musiciens ont fait le déplacement pour venir écouter leurs compères, parmi lesquels Andy Emler, Jean-Marie Machado, Benjamin Moussay, Giovanni Falzone… Quelques journalistes sont également de la partie, mais le bar et les bavardages semblent davantage les attirer que la scène et les notes…
Songs No Songs
H3B est composé de Denis Badault au piano, Tom Arturs à la trompette, Régis Huby au violon et Sébastien Boisseau à la contrebasse. Créé à Narbonne et Perpignan en 2011, Songs No Songssuit les traces du premier opus éponyme sortie en décembre 2010 : un jazz de chambre ludique.
Le quartet joue huit des treize morceaux du disque. Les « Songs » ont été composées par Badault, tandis que les « No Songs » sont des improvisations collectives.
Le quartet joue huit des treize morceaux du disque. Les « Songs » ont été composées par Badault, tandis que les « No Songs » sont des improvisations collectives.
Le disque porte bien son nom : H3B passe son temps à construire et déconstruire les mélodies. Quand Huby et Arturs énoncent les thèmes, souvent mélodieux (« La guerre de « l’en fait » », « Le vent »), ce n’est que pour mieux les déstructurer ensuite. Le violon dialogue avec la trompette avec des échanges mélodieux ou des faces à faces dans un esprit musique contemporaine, fait d’alternance de phrases courtes et vives.
En l’absence de batterie, H3B maintient une pulsation dynamique grâce à des motifs rythmiques efficaces et une mise en place soignée.Songs No Songs est placé sous le signe de l’ostinato : Badault accompagne la plupart des morceaux avec des pédales (« 8 Chords », « Danse macabre »), des ostinatos (« The Next 15 Years! », « La septième huître ») ou des rifs entraînants (« L’antique Ethnique »). A en juger par son entrain, Boisseau nage comme un poisson dans l’eau dans cette ambiance. Sa contrebasse virevolte : une ligne dansante par-ci (« The Next 15 Years! »), des duos harmonico-rythmiques savoureux avec le piano par-là (« 8 Chords »), sans omettre le solo dans « Le vent », exceptionnel de musicalité et de tension.
Des motifs minimalistes (« 8 Chords »), des effets bruitistes (« Ré For Régis »), des superpositions de plans sonores (« The Next 15 Years! »), des unissons hypnotiques (« Le vent »), des mouvements majestueux (« Danse macabre »)… H3B s’amuse beaucoup avec la palette sonore du quartet : sonorité cristalline du Yamaha et touché puissant de Badault boisé profond et ample de Boisseau, phrasés éclatants ou résonances sourdes d’Arturs, aigus agiles et souplesse des doigtés d’Huby.
D’une architecture complexe, mais jouée en toute simplicité (relative), la musique d’H3B pétille d’intelligence et d’astuces.
Le disque
H3B
Songs No Songs
Denis Badault (p), Régis Huby (v), Tom Arthurs (tp) et Sébastien Boisseau (b).
Abalone Productions – AB013
Sortie en octobre 2012
Songs No Songs
Denis Badault (p), Régis Huby (v), Tom Arthurs (tp) et Sébastien Boisseau (b).
Abalone Productions – AB013
Sortie en octobre 2012
Liste des morceaux
01. « 8 Chords » (4:23).
02. « The next 15 years! », H3B (4:37).
03. « L'anthique ethnique » (5:38).
04. « Ré for Régis », H3B (4:52).
05. « La guerre à « l'en fait » » (5:38).
06. « Le vent » (6:19).
07. « Danse macabre » (5:21).
08. « Cadavre exquis », H3B (1:26).
09. « L'envie » (4:40).
10. « Veloce and Piano » (1:54).
11. « La 7è huitre » (3:27).
12. « J'ai tout dit ! G to D ! », H3B (5:52).
13. « Digestive Biscuits » (2:59).
02. « The next 15 years! », H3B (4:37).
03. « L'anthique ethnique » (5:38).
04. « Ré for Régis », H3B (4:52).
05. « La guerre à « l'en fait » » (5:38).
06. « Le vent » (6:19).
07. « Danse macabre » (5:21).
08. « Cadavre exquis », H3B (1:26).
09. « L'envie » (4:40).
10. « Veloce and Piano » (1:54).
11. « La 7è huitre » (3:27).
12. « J'ai tout dit ! G to D ! », H3B (5:52).
13. « Digestive Biscuits » (2:59).
Toutes les compositions sont signées Badault sauf indication contraire.
Ways Out
Entre l’orchestre Lousadzak, créé en 1994, et ses solos, Tchamitchian a monté deux petites formations : Amarco, en 2006, un trio avecVincent Courtois et Guillaume Roy, et Ways Out, un quartet constitué en 2009, avec Rémi Charmasson à la guitare, Regis Huby au violon et Christophe Marguet à la batterie.
Si Tchamitchian, Huby et Marguet sont des habitués d’Abalone, en revanche Charmasson est nouveau venu sur le label animé par Huby. D’abord influencé par le rock et la musique folk, Charmasson apprend la guitare en autodidacte. Par la suite, il se tourne vers le jazz et s’inscrit au conservatoire d’Avignon, où il suit les cours d’André Jaume. Charmasson joue ensuite avec ses propres groupes (trio ou quintet) et moult musiciens, de Jean-François Jenny-Clark à Daunik Lazro, en passant par Charlie Mariano, François Laizeau, Claude Barthélémy… et Tchamitchian, rencontré à Avignon.
Même si les morceaux de Ways Out sont différents les uns des autres, Tchamitchian semble avoir conçu le déroulé du répertoire dans l’esprit d’une suite. Le quartet joue donc cinq morceaux (sur sept) dans l’ordre du disque.
La contrebasse et la batterie restent acoustiques, tandis que le violon et la guitare sont électriques. Le quartet utilise ce contraste pour développer des mélodies aux allures folk, parfois méditerranéennes, vers des ambiances rock. « Ways Out » est un bon exemple : le violon introduit majestueusement le morceau, puis la batterie et la guitare lancent un rif entraînant tandis que la contrebasse rejoint le violon... L’ensemble part progressivement dans un rock noisy, alimenté par les accords saturés du violon et de la guitare. Jusqu’à la contrebasse qui se commet avec ses « amies cordes » ! Seule la batterie conserve sa sonorité naturelle et, en réponse aux peaux qui encouragent les instincts rock des cordes, la légèreté des cymbales rappelle tout ce petit monde à la raison...
« Poésie Mobile » met en opposition des passages vaporeux, quasi méditatifs et une texture dense et tendue. Après un démarrage puissant dans un climat rock lourd, « Ile de verre » débouche sur un superbe solo « forestier » de Tchamitchian, avant que le rock ne reprenne ses droits par un solo imposant d’Huby. Fête des saintes huiles utilisées pour les baptêmes traditionnels arméniens, « Etchmiadzine » commence, solennel, par une marche, soulignées par les roulements de Marguet et les archets grandiloquents de Tchamitchian et d’Huby. Charmasson met petit à petit le grain de sel qui fait monter la tension. Sur les motifs imposants de la contrebasse et de la batterie, souvent accompagnés par le violon, la guitare s’en donne à cœur joie pour exploser les thèmes dans des feux d’artifices entre rock et free. Dans la lignée de « Poésie Mobile », « La beauté des sages » se concentre sur un climat méditatif avec un violon presqu’indien et une tension inquiétante et lourde.
Marqué par le rock progressif et captivé par la musique classique, attiré par les mélodies et fasciné par l’improvisation, séduit par l’électrique et élevé dans l’acoustique, le quartet joue une musique de caractère !
Le disque
Claude Tchamitchian Quartet
Ways Out
Rémi Charmasson (g), Régis Huby (t v), Claude Tchamitchian (b) et Christophe Marguet (d).
Abalone Productions – AB012
Sortie en octobre 2012
Ways Out
Rémi Charmasson (g), Régis Huby (t v), Claude Tchamitchian (b) et Christophe Marguet (d).
Abalone Productions – AB012
Sortie en octobre 2012
Liste des morceaux
1. « Ways Out » (13:53).
2. « Poésie mobile » (2:51).
3. « Ile de verre » (8:15).
4. « Etchmiadzine » (10:16).
5. « La beauté des sages » (7:31).
6. « Les promesses du vent » (6:49).
7. « Lost by yourself » (3:29).
2. « Poésie mobile » (2:51).
3. « Ile de verre » (8:15).
4. « Etchmiadzine » (10:16).
5. « La beauté des sages » (7:31).
6. « Les promesses du vent » (6:49).
7. « Lost by yourself » (3:29).
Toutes les compositions sont signées Tchamitchian.
Piazzolla! – Orchestre National de Jazz
Institution souvent décriée, mais service public ô combien nécessaire, l’Orchestre National de Jazz existe maintenant depuis plus d’un quart de siècle… Après François Jeanneau, nommé en 1986, huit directeurs musicaux se sont succédés à la tête de l’ONJ :Antoine Hervé,Claude Barthélemy, Denis Badault, Laurent Cugny, Didier Levallet, Paolo Damiani, Franck Tortiller et, depuis 2008, Daniel Yvinec.
Après un ciné concert consacré à Carmen, le film de Cecil B. DeMille, un hommage à Billie Holiday (Broadway In Satin), un programmeAround Robert Wyatt, une carte blanche à John Hollenbeck (Shut Up And Dance) et Dixcover(s), dix jeux en petits comités sur des reprises diverses et variées, Yvinec a proposé à Gil Goldstein de relire l’œuvre d’Astor Piazzolla et de quelques autres compositeurs de tangos. Yvinec et son ONJ continuent donc de proposer des projets pittoresques alléchants !
Un mot sur Goldstein, peu connu en Europe : il commence l’accordéon à cinq ans, passe ensuite au violoncelle, puis au piano. Goldstein poursuit ses études musicales au Berklee College of Music et débute aux côtés de Pat Martino et Lee Konitz. En 1982, sa rencontre avecGil Evans est décisive. Ils collaborent jusqu’à la mort d’Evans, en 1988. C’est essentiellement comme producteur et arrangeur que Goldstein poursuit sa carrière, aussi bien avec Miles Davis que Michael Brecker, Pat Metheny, David Sanborn, Milton Nascimento et, plus récemment, Esperanza Spalding. Goldstein enseigne également à l’Université de New York, arrange de nombreuses musiques pour le cinéma et la télévision.
Piazzolla (1921 – 1992) est sans doute le compositeur argentin le plus important du vingtième siècle. Il partage sa jeunesse entre Mar del Plata et New York et apprend le bandonéon à huit ans, poussé par son père, grand amateur de tango. Davantage attiré par le jazz et la musique classique, ce n’est que vers l’âge de quinze ans que Piazzolla commence à s’intéresser au tango. Installé à Buenos Aires en 1938, il devient professionnel et rejoint l’Orquesta tīpica d’Aníbal Troilo avec qui il reste jusqu’en 1944. Il crée ensuite son propre orchestre pour interpréter ses œuvres et souhaite se consacrer à la musique classique. En 1954, Piazzolla remporte le premier prix de composition Fabien-Sevitzky et décroche une bourse pour aller étudier avec Nadia Boulanger à Paris. Ce sera une période clé dans la carrière de Piazzolla : Boulanger l’encourage à appliquer au tango les apports de la musique classique et contemporaine. En 1955, il enregistre sa musique avec l’orchestre de l’Opéra de Paris, Martial Solal et Lalo Schifrin au piano. De retour à Buenos Aires, en 1957, le « nouveau tango » de Piazzolla rencontre un succès mitigé. L’année suivante il repart à New York où il s’essaie à une fusion entre le tango et le jazz. En 1960, Piazzolla rentre en Argentine et crée le Quinteto Tango Nuevo qui mêle tango, jazz et musique classique du début vingtième. Installé en Italie, Piazzolla monte le Conjunto Electronico en 1974 et enregistre Libertango, De 1979 à 1988, Piazzolla remonte le Quinteto Tango Nuevo et compose pour le Kronos Quartet, Msistlav Rostropovitch… Il joue en soliste dans des orchestres qui interprètent ses œuvres, mais victime d’une attaque cérébrale en 1990, il meurt à Buenos Aires deux ans plus tard.
L’ONJ joue la plupart des tubes de Piazzolla : « Chiquilin de Bachin », « Libertango », « Vuelvo al sur », « Adiós Nonino », « Oblivion »… L’orchestre reprend aussi des vieux tangos que Piazzolla affectionnaient : « Mi refugio » de Juan Carlos Cobián (1922), « Flores negras » de Francisco De Caro (1928) et « El dia que me quieras » de Carlos Gardel (1935). Matthieu Metzger et Sylvain Daniel dialoguent sur une de leur composition : « Pantaléon improvisacion ».
Piazzolla! commence sous le signe de la nostalgie avec « El dia que me quieras » chanté par Gardel (procédé repris au milieu de l’album avec « Flores Negras » joué par Roberto Di Filippo). Cette introduction désuète empreinte d’émotion – dont l’esprit rappelle les albums d’Yvinec et de Guillaume de Chassy, Chansons sous les bombes etWonderful World – laisse place à une musique résolument moderne. Ceux qui espéraient des tangos langoureux peuvent passer leur chemin ! Goldstein ne se prive pas de faire rugir cette formidable machine à musique qu’est l’ONJ. Si les dix musiciens ont droit à leur solo, là n’est pas le principal, car Goldstein s’est essentiellement concentré sur le son d’ensemble de l’orchestre avec des assemblages sonores étonnants, des unissons élégants, des contrepoints recherchés, des chœurs mélodieux, des rifs imbriqués… L’arrangeur porte un soin particulier à l’articulation entre les solistes (ou les sections) et l’orchestre, aux transitions entre les mouvements et aux superpositions de plans sonores (« Sunny’s Games »).
Goldstein emprunte au tango, bien sûr (et notamment la majesté mélancolique que dégage de cette danse), mais sa musique est également marquée par la musique contemporaine (« Tres minutos con la realidad »), les concertos (« Mi refugio », « Sunny’s Games »), les musiques de film (les successions de tableaux dans « El dia que me quieras –Oblivion » et « Libertango » ou l’emphase de la trompette dans « Soledad – Vuelvo al sur »), le blues (« Adiós Nonino ») et le jazz (pulsation, gestion de la tension / détente…).
Porté par des musiciens remarquables et un arrangeur de premier ordre, Piazzolla! est un disque passionnant sur un genre musical attachant – le tango – et un compositeur exceptionnel – Piazzolla.
Le disque
Piazzolla!
Orchestre National de Jazz
Daniel Yvinec (dir), Gil Goldstein (arr), Eve Risser (p, fl), Vincent Lafont (kbd), Antonin-Tri Hoang (as, cl), Matthieu Metzger (sax), Joce Mienniel (fl), Rémi Dumoulin (ts, cl), Sylvain Bardiau (tp, bg), Pierre Perchaud (g, bj), Sylvain Daniel (b) et Yoann Serra (d).
Jazz Village / Harmonia Mundi - JV 570007
Sortie en septembre 2012
Orchestre National de Jazz
Daniel Yvinec (dir), Gil Goldstein (arr), Eve Risser (p, fl), Vincent Lafont (kbd), Antonin-Tri Hoang (as, cl), Matthieu Metzger (sax), Joce Mienniel (fl), Rémi Dumoulin (ts, cl), Sylvain Bardiau (tp, bg), Pierre Perchaud (g, bj), Sylvain Daniel (b) et Yoann Serra (d).
Jazz Village / Harmonia Mundi - JV 570007
Sortie en septembre 2012
Liste des morceaux
01. « Intro : El dia que me quieras », Carlos Gardel (1:27).
02. « Chiquilin de Bachin - Balada para un loco » Piazzolla & Horacio Ferrer (10:06).
03. « Libertango » (7:51).
04. « El dia que me quieras » (C. Gardel) « Oblivion » (7:50).
05. « Tres minutos con la realidad » (7:39).
06. « Flores negras », Francisco De Caro (0:43).
07. « Mi refugio », Juan Carlos Cobián (8:10).
08. « Adiós Nonino » (9:31).
09. « Soledad – Vuelvo al sur » (11:23).
10. « Pantaléon improvisacion », Metzger & Daniel (2:07).
11. « Sunny’s Games » (4:29).
01. « Intro : El dia que me quieras », Carlos Gardel (1:27).
02. « Chiquilin de Bachin - Balada para un loco » Piazzolla & Horacio Ferrer (10:06).
03. « Libertango » (7:51).
04. « El dia que me quieras » (C. Gardel) « Oblivion » (7:50).
05. « Tres minutos con la realidad » (7:39).
06. « Flores negras », Francisco De Caro (0:43).
07. « Mi refugio », Juan Carlos Cobián (8:10).
08. « Adiós Nonino » (9:31).
09. « Soledad – Vuelvo al sur » (11:23).
10. « Pantaléon improvisacion », Metzger & Daniel (2:07).
11. « Sunny’s Games » (4:29).
Tous les thèmes sont signés Piazolla sauf indication contraire.
Electric Excentric au New Morning
Le 4 octobre, c’est au New Morning que Sylvain Beuf présenteElectric Excentric. Comme il l’explique en introduction, il a choisi « une salle mythique pour fêter un événement particulier : la sortie d’un disque ».
Electric Excentric (néologisme basé sur « eccentric » – excentrique – et « excentricity » – dévergondage) est sorti en septembre 2012 chez Such Prod / Harmonia Mundi, le label de Joy, précédent opus de Beuf, avecDiego Imbert, Franck Agulhon, Pierrick Pedron, Denis Leloup etJean-Yves Jung (2010).
Pour former l’Electric Excentric Quartet, Beuf s’est délibérément entouré d’un trio « musclé » : Manu Codjia à la guitare, Philippe Bussonnet à la basse électrique et Julien Charlet à la batterie.
Le premier set est consacré au quartet et, dans le deuxième, deux invités du disque montent sur scène : le trompettiste Nicolas Folmeret le percussionniste Thomas Gueï.
Un quartet sous haute tension
Le premier set démarre à toute allure avec « Jazz gigue » et une introduction véloce de la basse. Sur un rif entraînant de Bussonnet et une frappe imposante de Charlet, Codjia installe un fonds sonore vaporeux, sur lequel Beuf énonce le thème avant de prendre un solo virtuose. La guitare alterne des suites d’accords lointains, réverbérés et des traits rapides. « River Song » est une ballade dans un style slow-rock, marquée par les rimshots de Charlet et une ligne de basse toute en fluidité. « 2ème rive » suit également le schéma thème – solos – thème et, comme la plupart des compositions de Beuf, se prête bien aux développements fougueux du ténor, aux contrastes accords étirés et phrases fulgurantes de la guitare et aux foisonnements rythmiques de la paire basse – batterie. Après un solo a capella particulièrement mélodieux de Beuf, « Libertad » se déploie avec majesté sur les accords planants de Codjia, le jeu emphatique de Charlet aux mailloches et un motif grave et profond de Bussonnet. Cette première partie s’achève sur « Electric Excentric », un véritable festival de la batterie qui ouvre le morceau à coup de roulements et de splashs brutaux, avec une basse grondante et un guitare-héro violent. C’est dans cette ambiance rock touffue que le ténor se lance dans un chorus furieux qui transforme « Electric Excentric » en free-rock (ou réciproquement…).
Beaucoup d’énergie et d’électricité dans l’air, avec toujours un esprit « neo-bop » en filigrane.
Une galette sous haute pression
Electric Excentriccompte sept morceaux supplémentaires. Outre Folmer et Gueï, le cornet d’Alex Tassel et l’accordéon deThomas Beufviennent compléter le quartet.
Le son est évidemment plus léché qu’en concert, mais, comme au New Morning, le disque est un condensé de dynamisme : « Night Walk » est dansant à souhait avec un superbe solo de Tassel ; les percussions de Gueï font décoller les « Etoiles » ; « Something Sweet » se distend, dans un style slow-rock mélodieux proche de « River Song », appuyé par la trompette de Folmer ; « Waiting Free » porte bien son nom, avec un Gueï et une rythmique déchaînés, tandis que les chorus tendent vers du bop (hard ou free, c’est selon…) ; Entre les percussions, le solo échevelé de la basse et la batterie foisonnantes, « B Amor » grouille de vie ; « Larmes » conclut l’album sur une touche mélancolique, renforcée par l’accordéon de Thomas Beuf.
Dans Electric Excentric Beuf branche sa musique sur secteur, mais garde une oreille attentive sur la tradition du jazz : il électrocute le bop !
Les musiciens
Beuf débute par la musique classique à l’Ecole Normale de Musique d’Orsay. Primé en saxophone et en musique de chambre, il apprend l’harmonie classique avec Pierre Lantier. Beuf rejoint ensuite le CIM où il travaille le jazz avec Jean-Claude Forenbach, Bernard Maury,Philippe Maté et Claude Tissandier. En 1987, Beuf commence sa carrière qui l’amène à jouer aux quatre coins du monde avec moult musiciens et, depuis Impro Primo (1993), il a enregistré neuf disques sous son nom.
A dix ans, Codjia apprend la guitare classique et jazz (avec François Arnold) à l’école de musique de Chaumont. En 1993 il intègre le CIM puis, l’année suivante, le CNSMDP où il étudie jusqu’en 2000. Codjia fait ensuite partie de l’ONJ de Paolo Damiani. Il joue avec Daniel Humair, Henri Texier, Christophe Monniot, Matthieu Donarier,Christophe Walleme…
La guitare, apprise en autodidacte, est le premier instrument de Bussonnet, qui passe ensuite à la basse électrique, avant d’étudier la contrebasse au CNR de Besançon, de 1989 à 1991. En 1996 Bussonnet devient le bassiste de Magma. En parallèle il fonde One Shot (1997), joue avec Laurent de Wilde, Erik Truffaz, Olivier Témime…
Charlet joue dans des contextes variés : rap avec Abd Al Malik, variété avec Sergent Garcia, électro-jazz avec Robin Notte, jazz avec le Paris Jazz Big Band, Truffaz, de Wilde, Eric Legnini…
Le disque
Electric Excentric
Electric Excentic Quartet
Sylvain Beuf (ts, ss), Manu Codjia (g), Philippe Bussonnet (b) et Julien Charlet (d), avec Nicolas Folmer (tp), Alex Tassel (tp), Thomas Gueï (perc) et Thomas Beuf (ac).
Such Production / Harmonia Mundi
Sortie en septembre 2012
Electric Excentic Quartet
Sylvain Beuf (ts, ss), Manu Codjia (g), Philippe Bussonnet (b) et Julien Charlet (d), avec Nicolas Folmer (tp), Alex Tassel (tp), Thomas Gueï (perc) et Thomas Beuf (ac).
Such Production / Harmonia Mundi
Sortie en septembre 2012
Liste des morceaux
01. « Jazz gigue » (5:34).
02. « 2ème rive » (6:04).
03. « Libertad » (6:28).
04. « Night Walk » (6:05).
05. « Etoiles » (7:23).
06. « Electric Excentric » (2:54).
07. « Something Sweet » (6:36).
08. « Waiting Sweet » (6:37).
09. « River Song » (6:15).
10. « B amor » (4:43).
11. « Larmes » (6:55).
02. « 2ème rive » (6:04).
03. « Libertad » (6:28).
04. « Night Walk » (6:05).
05. « Etoiles » (7:23).
06. « Electric Excentric » (2:54).
07. « Something Sweet » (6:36).
08. « Waiting Sweet » (6:37).
09. « River Song » (6:15).
10. « B amor » (4:43).
11. « Larmes » (6:55).
Tous les morceaux sont signés Beuf.
Plaistow – Lacrimosa
Trio piano – basse – batterie créé en 2007 à Genève parJohann Bourquenez,Raphaël Ortis etCyril Bondi,Plaistow a sortiLacrimosa, son cinquième album chezInsubordinations Netlabel. Ce label suisse a la particularité de proposer l’ensemble de son catalogue en téléchargement gratuit… A bon entendeur !
Plaistow vient de « Plaistow Flex Out », un morceau composé par le bassiste et multi-instrumentiste anglais Thomas Jenkinson, plus connu sous l’alias Squarepusher. Le trio s’inspire de cette musique faite de constructions rythmiques complexes, de lignes de basse puissantes et d’effets électroniques, un peu comme du Jean-Michel Jarre passé à la moulinette Steve Reich et fusion. Philip Glass (The Hours) ou Terry Riley, autres chantres de la musique répétitive, ne sont pas loin non plus…
Plaistow se démarque de ses références par un traitement de la matière sonore dans un esprit jazz et une sonorité acoustique, même si Ortis joue de la basse électrique. En toute logique pour ce type de musique, le trio accorde une attention particulière à la prise de son et au mixage : depuis Do You Feel Lucky (2008), Plaistow travaille avecRenaud Millet-Lacombe, et, depuis Jack Bambi (2009), l’incontournable Philippe Teissier Du Cros.
Lacrimosa est constitué de deux morceaux d’une vingtaine de minutes : « Lacrimosa » et « Cube ».
Le « Lacrimosa » de Plaistow suit les règles du genre : ampleur grandiloquente et développement majestueux comme un mouvement de Requiem, à l’instar de celui Mozart, Verdi ou Ligeti. Les boucles d’accords et les ostinatos du piano évoquent un carillon, bientôt rejoint par une pédale grondante jouée à la basse et une batterie imperturbable. Le déroulement du morceau passe par des décalages subtils de ces rifs minimalistes. La pulsation régulière et les boucles mélodiques répétitives ont un effet hypnotique incontestable. « Cube » est davantage rythmique : c’est au piano que revient d’abord le rôle de la pédale, pendant que la batterie prend des chorus mats et puissants. La basse prend la suite du piano, qui joue des ostinatos tandis que la batterie continue ses motifs brutaux. Après un intermède bruitiste et des effets dans un style électro, « Cube » repart dans ses boucles rythmiques.
Plaistow dégage une énergie indiscutable et Lacrimosa, un réel envoûtement, qui ravira tous les amateurs de musique minimaliste et répétitive.
Le disque
Lacrimosa
Plaistow
Johann Bourquenez (p), Raphaël Ortis (b) et Cyril Bondi (d)
Insubordinations netlabel – [insub.dlt01.cd]
Sortie en mars 2012
Lacrimosa
Plaistow
Johann Bourquenez (p), Raphaël Ortis (b) et Cyril Bondi (d)
Insubordinations netlabel – [insub.dlt01.cd]
Sortie en mars 2012
Liste des morceaux
01. « Lacrimosa » (22:56)
02. « Cube » (18:55)
01. « Lacrimosa » (22:56)
02. « Cube » (18:55)
Les morceaux sont signés Plaistow.
Yôkaï – Anne Paceo
Yôkaï est le troisième disque en leader d’Anne Paceo pour le label Laborie. En 2005 elle forme un trio avecLeonardo Montana au piano et Joan Eche-Puig à la contrebasse ; ils enregistrentTriphase (2008) etEmpreintes (2010). En 2012, Paceo retourne en studio avec un quintet dans lequel Montana est toujours au piano, mais avec Stéphane Kerecki à la contrebasse, Antonin Tri Hoang au saxophone alto ou à la clarinette basse et Pierre Perchaud aux guitares.
Paceo signe les douze morceaux de Yôkaï. Les belles mélodies débouchent le plus souvent sur des développements dynamiques et nous emmènent de la Suède (« Luleå ») au Japon (« Yôkaï »), via la Birmanie (« Shwedagon »), dans un voyage initiatique (« Little Boudha », « Toutes les fées étaient là… », « Yôkaï ») qui s’achève « In My Country » « Entre les gouttes »…
Dès l’introduction de « Shwedagon », des chants africains résonnent comme un hommage. Ces chœurs a capela, si caractéristiques, réapparaissent en arrière-plan dans « Smile ». Tout du long, Yôkaï, mêle notes du monde et rythmes jazz : Hoang joue les zurna dans « Shwedagon », soutenu par les phrases aigues de Perchaud ; « Talking Drums » diffuse son message comme un tam-tam africain ; la clarinette basse et le piano flirtent avec l’Europe centrale (« Toutes les fées étaient là… ») ; la guitare et le saxophone font un tour en Inde (« Little Budha ») ; la batterie et la guitare s’aventurent sur des rivages rock (« When The Sun Rises », « Crunch »). Yôkaï met l’accent sur les contrastes entre des thèmes mélodieux, des fonds luxuriants et une rythmique dansante. La démarche musicale de Paceo n’est pas sans rappeler celle d’Henri Texier, voire de Christophe Wallemme(Namaste).
La batteuse est une battante : puissance (« Crunch »), foisonnement (« Yôkaï ») et régularité caractérisent son jeu. Paceo pousse son quintet par un drumming serré (« Toutes les fées étaient là… »), une profusion polyrythmique (« Little Boudha ») ou une frappe binaire (« When The Sun Rises »). Ce qui ne l’empêche pas de se montrer délicate, notamment aux balais dans la ballade impressionniste « Entre les gouttes ». Quant à ses vocalises, elles viennent se fondre avec les accords du piano et de la guitare et renforcent encore un peu plus la densité des arrière-plans (« Yôkaï »). Les lignes de basse souples, élégantes, très libres et minimalistes de Kerecki forment un socle d’autant plus robuste que sa sonorité est grave et fortement boisée. D’un tempérament volontiers lyrique dans ses introductions et solos (« Toutes les fées étaient là… », « Crunch », « In My Country »), l’accompagnement de Montana met en avant les chorus de ses compères grâce à des rifs efficaces, ostinatos entêtants, accords raffinés et autres contrepoints subtils (« Luleå »). Perchaud prend des solos clairement marqués par le rock (« When The Sun Rise », « Crunch ») et navigue entre le piano et le saxophone pour souligner les mélodies, étayer les accords, épaissir le décor. Décidément Hoang n’a pas fini de surprendre ! Tour à tour mélodieux, free, contemporain, world, jazz… et tout ça avec une aisance hors du commun et l’expérience d’un vieux loup de scène (« Luleå »), alors qu’il n’a que vingt-trois ans ! Rien à ajouter.
Yôkaï n’a rien d’étrange, ni de monstrueux comme le signifie ce mot japonais, c’est juste un disque qui mérite le détour. Et si Paceo continue de sortir d’aussi bons albums tous les deux ans, vivement 2014 !
Les musiciens
Née en Côte-d’Ivoire, Paceo débute la batterie à l’âge de dix ans, après son retour en France. Quatre ans plus tard elle participe au stage-festival « Les enfants du jazz de Barcelonnette », organisé parStéphane Kochoyan. Elle y découvre le jazz dans les master-classes deKenny Garrett, Ravi Coltrane et Dianne Reeves. Dans les années deux mille, Paceo apprend le métier en jouant à travers la France dans des groupes de rock, jazz, funk, soul… En 2003 elle suit l’enseignement deSunny Murray puis intègre le CNSMDP en 2005 et commence à se produire avec Riccardo Del Fra. Jusqu’en 2011, Paceo joue et enregistre avec le Progressive Sextet de Christian Escoudé. En 2008 le Duc des Lombards lui confie une carte blanche d’un mois, pendant laquelle Paceo invite Texier, Julien Loureau, Rick Margitza, Yaron Herman etc. Paceo tourne également avec Rhoda Scott, China Moses,Alain Jean-Marie, Emmanuel Bex… et Myanmar Meets Europe (quand un quartet européen et un sextet traditionnel birman se rencontrent).
En 2011 Kerecki a sorti Patience en duo avec John Taylor : « de l’université au conservatoire et de l’économie à la contrebasse il n’y a qu’un pas, que Kerecki n’a pas hésité à franchir. Il suit les cours deJean-françois Jenny-Clark, Ricardo Del Fra et Jean-Paul Celea et, quand il sort du CNSMDP, sa carrière démarre rapidement avec le quartet de Steve Potts, puis dans les groupes de Denis Colin,Guillaume de Chassy, Daniel Humair, Michel Portal, Jacky Terrasson etc. En 2003 Kerecki monte son trio avec Matthieu Donarier (saxophones) et Thomas Grimmonprez (batterie). En sept ans, le trio a sorti Story Tellers (Ella Productions - 2004), Focus Danse(Zig-Zag Territoires – 2007) et Houria (Zig-Zag Territoires – 2009), pour lequel il a invité Tony Malaby. »
Lors du festival Sons d’hiver 2012, Hoang fait partie du Benoît Delbecq Sextet qui joue Crescendo In Duke : la maîtrise et l’inventivité du jeune saxophoniste avait marqué les esprits, d’autant que ses collègues de pupitre s’appelaient Tony Coe, Tony Malaby,Jean-Jacques Avenel et Steve Argüelles ! Hoang a commencé par la clarinette classique. Quand il découvre le jazz swing des années trente, il se tourne vers le jazz, apprend le saxophone alto et le piano. En 2005 il rejoint le CNSMDP sous la direction de Del Fra. A côté du quatuor de clarinettes Watt, du quartet Novembre et du Grand Bazar avec Eve Risser, Hoang compose pour le cinéma (Ambarish Mannepalli), des expositions (Pierre Huyghe)… et intègre l’Orchestre National de Jazz en 2009. Son premier disque, Aéroplanes, un duo avec Delbecq est sorti en 2011 chez Bee Jazz.
Perchaud apprend la guitare classique au conservatoire d’Angoulême, puis avec Alberto Ponce, au conservatoire de La Courneuve. Après son premier prix à l’unanimité, en 2001, il décide de se tourner vers le jazz et intègre le Centre des Musiques Didier Lockwood. Sa carrière commence dans le groupe de Christophe Wallemme où il remplace de temps en temps Nelson Veras. Karl Jannuska, Stéphane Guillaume,Emile Parisien… font appel à lui et, en 2009, il intègre l’Orchestre National de Jazz.
Montana est né à La Paz, mais a grandi au Brésil et en Guadeloupe, où il a appris le piano. En 2004 il rejoint le CNSDP sous la direction de Del Fra. Leonardo accompagne de nombreuses chanteuses comme Fredrika Stahl, Chloe Cailleton, Marcia Maria, Catia Werneck… Mais aussi de nombreux musiciens à l’instar de Chico Freeman, Alexandra Grimal,Rémi Vignolo etc. et il compose également pour l’opéra (Bernard Turle), des chœurs et quintet (Variations Provençales) et des orchestres de chambre (Randonnée Dérandonnée).
Le disque
Yôkaï
Anne Paceo
Antonin-Tri Hoang (as & b cl), Pierre Perchaud (g), Leonardo Montana (p), Stéphane Kerecki (b) et Anne Paceo (voc, d).
Laborie
Sortie en octobre 2012
Anne Paceo
Antonin-Tri Hoang (as & b cl), Pierre Perchaud (g), Leonardo Montana (p), Stéphane Kerecki (b) et Anne Paceo (voc, d).
Laborie
Sortie en octobre 2012
Liste des morceaux
01. « Shwedagon (part 1) » (2:26).
02. « Shwedagon (part 2) » (5:35).
03. « Yôkaï » (4:12).
04. « Talking Drums » (1:15).
05. « Toutes les fées étaient là » (6:29).
06. « Little Bouddha » (5:30).
07. « When The Sun Rises » (4:16).
08. « Smile » (5:20).
09. « Luleå » (4:10).
10. « Crunch » (6:45).
11. « In My Country » (4:29).
12. « Entre les gouttes » (5:15).
02. « Shwedagon (part 2) » (5:35).
03. « Yôkaï » (4:12).
04. « Talking Drums » (1:15).
05. « Toutes les fées étaient là » (6:29).
06. « Little Bouddha » (5:30).
07. « When The Sun Rises » (4:16).
08. « Smile » (5:20).
09. « Luleå » (4:10).
10. « Crunch » (6:45).
11. « In My Country » (4:29).
12. « Entre les gouttes » (5:15).
Toutes les compositions sont signées Paceo.