19 novembre 2014

Janvier 2011

X (Suite For Malcolm) – Francesco Bearzatti Tinissima 4et


Francesco Bearzatti n’en a pas fini avec la liberté ! En 2008, il écrit une suite en hommage à la photographe, révolutionnaire, aventurière… Tina Modotti (1896 – 1942), originaire, comme lui, de la région du Frioul. Deux ans après, Bearzatti poursuit son combat et met en musique la vie de Malcolm X (1925 – 1965).



   Pour jouer cette musique, Bearzatti a créé le Tinissima 4et avec Giovanni Falzone à la trompette, Danilo Gallo à la basse et Zénon de Rossi à la batterie. C’est Because of Bechet, le disque d’Aldo Romano (2002), qui a révélé Bearzatti au public français, et le trio Open Gate (Emmanuel Bex etSimon Goubert) qui l’a consacré. Après avoir appris la clarinette au conservatoire d’Udine (la ville d’origine de Modotti), Bearzatti s’installe aux Etats-Unis pour étudier au Jazz Mobile, avec George Coleman. Pendant quelques années il s’éloigne de la scène du jazz, joue dans des groupes de pop et de rock, devient disc jockey… Mais le naturel revient au galop et, en 1994, il  crée le Kaiser Lupowitz Trio, puis tourne aux Etats-Unis avec le Valery Ponomarev Universal Language. De retour en Europe, Bearzatti enregistre Suspended Steps, son premier disque en leader (Caligola – 1998). Il partage son temps entre l’Italie (Gianluca Petrella Quartet, Stefano Battaglia, Tinissima 4et…) et la France (Bizart Trio avec Bex et Romano, remplacés aujourd’hui par Paolino Dalla Porta et Manu Roche, Sax Pistols etc.). Enfant, Falzone apprend la trompette avec l’orchestre municipal d’Aragone (Sicile). Par la suite il entreprend des études de trompette classique au conservatoire Vincenzo Bellini de Palerme et, en parallèle, la trompette jazz au conservatoire Guiseppe Verdi de Milan. Premier prix de l’Umbria Jazz Festival en 2000, Falzone gagne une bourse pour le Berklee College of Music. Sa carrière se déroule aussi bien dans les plus prestigieux orchestres philarmoniques italiens (Milan, Turin…), que dans les groupes de jazz (l’European Jazz Big Band de David Murray, Bruno Angelini, son propre quintet…). Gallo joue tout ce qui est à cordes et basse : de la contrebasse à la guitare basse acoustique en passant par la balalaïka basse et la basse électrique… En dehors de ses propres groupes (Gallo & The Roosters, el Gallo Rojo Double Quartet…), il serait plus court de citer les jazzmen italiens avec lesquels il n’a pas joué ! Il accompagne également les stars de passage (Benny Golson, Bob Mintzer…) et participe au Thelonious Monk Big Band, dirigé par Marcello Tonolo. Installé à Padoue, Gallo a crée un label autour d’un collectif d’artistes : El Gallo Rojo Records. Quant à de Rossi, membre du collectif de Gallo, il dirige son groupe, Shtik, et sa versatilité lui a permis de jouer aussi bien avec Kurt Rosenwinkel, Mark Turner, les musiciens de Tzadik… que pléthore d’artistes italiens.
   En novembre, X (Suite For Malcolm) sort en France et le Tinissima 4et présente son disque lors d’un concert au Triton. Deux occasions différentes d’écouter la formidable musique de Bearzatti.


X (Suite For Malcolm) : le disque

   La suite est une « biographie en musique » : chaque mouvement correspond peu ou prou à une période de la vie de Malcolm X. Selon un format presque classique, la suite s’ouvre sur un « Prologue » et se conclut sur un « Épilogue », tous deux basés sur la même mélodie. Une mélodie majestueuse qui ressemble à un hymne avec des jeux d’unisson et de contrepoints entre le saxophone, la trompette et la contrebasse à l’archet, puis la batterie emphatique, aux mailloches.



   « Hard Times » évoque l’enfance mouvementée du leader. Né en 1926 dans une famille de dix enfants, Malcolm Little est confronté dès son plus jeune âge à la ségrégation et au racisme : son père, membre de l’Universal Negro Improvement Association, a des démêlés avec le Ku Klux Klan et, en 1931, il est retrouvé mort, écrasé par un tramway. Sa mère ne s’en remet pas : internée en 1939, elle ne sort de l’asile qu’en 1965. Ce premier morceau annonce la couleur : rythmique dense et puissante, thèmes courts et mélodieux, discours palpitants et groove intense. Pour l’enfance de Malcolm X, le Tinissima 4et choisit une ambiance sombre, mais rythmée.
   « Smart Guy » fait référence à la scolarité de Malcolm Little. Bon élève, il obtient brillamment son diplôme et veut devenir avocat, mais, comme il est noir, cette voie lui est refusée. Malcolm Little n’accepte pas les débouchés que lui proposent ses professeurs et quitte l’école pour s’installer chez sa demi-sœur, à Boston. La scolarité est d’abord évoquée à travers un morceau heurté avec des rifs vifs et secs, une batterie efficace, des effets d’électronique, de voix, de trompette… puis la solitude de Malcolm X, qui abandonne les études, est traduite par un solo de basse avec des notes mélancoliques.
   « Cotton Club » correspond au début des années 40, les années folles de Malcolm Little qui saute d’un gagne-pain à l’autre avant de sombrer dans

la délinquance. Il rejoint d’abord la pègre à Boston, puis doit fuir à Detroit avec son amie blanche. Installé à Harlem, « Detroit Red » (il était presque roux : sa mère était une métisse d’Irlandais) alterne petits boulots et délits en tous genres. Ambiance disco festive pour ces années d’insouciance et de banditisme : sur du binaire musclé, les soufflants intègrent « Funkytown » (célèbre tube de Lipps Inc - 1980) dans leur thème ; belle sonorité ample et vigoureuse de Bearzatti au ténor, pour un solo rapide et virtuose ; Falzone, lui, s’amuse à jouer en décalé, avec un phrasé limpide et une sonorité copieuse.

   De retour à Boston, Malcolm Little et sa bande continuent d’accumuler les forfaits : drogue, jeux, rackets, cambriolages… C’est sa période « Prince Of Crime ». Le morceau navigue entre free et rock. Free pour les superbes solos de Falzone et de Bearzatti (au ténor, un peu dans le style de Michael Brecker). Rock pour la rythmique touffue et groovy qui pousse les solistes.                     

   « Satan In Chains ». Arrêté en 1946, Malcolm Little est surnommé « Satan » par ses codétenus à cause de sa haine pour tout ce qui touche à la religion. Le court intermède furieux (0:41) du Tinissima 4et évoque une bête fauve qui se débat dans une cage.

   « Conversion ». Malcolm Little profite de son incarcération pour dévorer les livres de la bibliothèque, découvrir l’importance de l’éducation (« le passeport pour le futur », comme il écrira plus tard) et changer radicalement de voie. Ses frères lui font découvrir « Nation Of Islam » (NOI) et il correspond avec Elijah Muhammad, le leader de cette organisation. Séduit par l’Islam, Malcom Little se convertit. L’atmosphère de paix retrouvée se traduit par un solo imposant, a capella, de la trompette, qui prend des airs d’aria classique. Autour de cet air mélodieux, le morceau est grave et majestueux, puis débouche sur deux chorus qui rivalisent de musicalité.

   « A New Leader ». En 1952, Malcolm Little sort de prison et devient Malcolm X, en rejet de son nom d’esclave. Il s’installe à Chicago, fief de Muhammad, et devient un prêcheur de NOI. De retour à New York, il dirige le temple de Lennox Avenue. Grâce à son charisme, sa puissance de travail et sa soif d’apprentissage, Malcolm X s’affirme comme l’un des leaders les plus en vue de NOI. En 1958, il se marie avec Betty X (Sanders) et ils auront six filles. Sur un fond de rythmique rock grondante, le nouveau leader est caractérisé par les jeux électroniques de Bearzatti et un Falzone impulsif et pertinent.

   « Betrayal ». A partir des années 60, des dissensions apparaissent entre Malcolm X et Muhammad sur de nombreux points : morale, politique, religion et ambition. Peu après l’assassinat de John F. Kennedy, en 1964, s’estimant trahi, Malcolm X quitte Nation Of Islam. Un morceau mélodieux avec une rythmique souple et des solistes qui font monter la tension exprime la trahison qui culmine dans la séparation.  
  
   « Hajj ». Revenu aux sources de l’islam, Malcolm X fonde sa propre organisation religieuse - « The Muslim Mosque Inc. » -, se convertit à l’islam sunnite orthodoxe, fait le pèlerinage à La Mecque et prend le nom musulman de Malik El-Shabbaz. En parallèle, il crée l’« organisation pour l’unité afro-américaine », un groupe non-religieux dont le but est de rassembler tous les noirs-américains afin d’avoir un véritable poids politique et économique. Bearzatti sort un pocket sax (équivalent en plastique du xaphoon, qui est en bambou) pour un thème dynamique aux consonances moyen-orientales dynamique, sur une rythmique sourde et dansante.

   « Epilogue ». NOI supporte mal le départ de Malik El-Shabazz et encore moins ses nouvelles idées, activités et succès. En 1965, sa maison est incendiée et, le 21 février, Malik El-Shabazz est abattu par trois membres de Nation Of Islam. Un rythme de rap et la contrebasse en pizzicato de Mauro Gargano viennent se greffer sur l’hymne du prologue. Cet accompagnement met en relief le slam deNapoleon Maddox : il déclame un poème sur la vie de Malcolm X, tandis que les cris et les pleurs du saxophone le rejoignent pour un ultime hommage, poignant.

   Le dernier morceau de l’album ne fait pas partie de la suite.  « Kinshasa » est une composition dédiée au boxeur Cassius Clay (alias Mohamed Ali, converti à l’islam via Malcolm X et le groupe Nation Of Islam) qui reconquit son titre mondial dans la capitale zaïroise, au terme d’un match épique contre George Foreman, en 1974. C’est sur le rif caractéristique de la musique zaïroise que Bearzatti et Falzone se lancent dans un thème ultra-rapide. Le morceau, particulièrement dansant, est un terrain de jeu parfait pour les chorus « free world » du saxophoniste et du trompettiste.         




   Des compositions graphiques, à base de peintures et de photographies, signées Francesco Chiacchio, illustrent le livret qui accompagne le disque. Né à Fiezole et installé à Florence, Chiacchio est un illustrateur renommé de livres (dont L’histoire du  jazz de Gianluca Monastra et Massimo Basile), de revues et de journaux (La Repubblica). Pour X (Suite For Malcom) il a réalisé des toiles en noirs, blancs et gris. Les personnages sont autant de silhouettes qui se fondent comme des tâches dans des décors sombres. La matière prédomine et donne beaucoup de force à ces superbes illustrations.

   Cocktail de rock, de world et de free, X (Suite For Malcolm) tient l’auditeur en haleine de bout en bout.




Le disque
X (Suite For Malcolm)
Francesco Bearzatti (ts, cl, xaphoon), Giovanni Falzone (tp, voc), Danilo Gallo (cb, el b) et Zeno de Rossi (d, perc), avec Napoleon Maddox (voc) et Mauro Gargano (cb).
2010 – Parco della Musica

Les morceaux

1. « Prologue / Hard Times » (8:07). 
2. « Smart Guy » (6:17).   
3. « Cotton Club » (4:07).   
4. « Prince Of Crime » (7:17).   
5. « Satan In Chains » (0:41). 
6. « Conversion » (6:04).   
7. « A New Leader » (5:15).   
8. « Betrayal » (5:58).   
9. « Hajj » (5:49).   
10. « Epilogue » (5:40).   
11. « Kinshasa (to Muhammad Ali) » (5:55). 

  
X (Suite for Malcom) : le concert au Triton

   Un 11 novembre pluvieux, à vingt-et-une heure, Le Triton est plein. Le club des Lilas s’est mis dans sa configuration cabaret pour accueillir le Tinissima 4et de Bearzatti.                 
   Le Triton est une salle dans laquelle les spectateurs ne sont pas serrés comme des sardines et qui offre une vue imprenable sur la scène où que l’on soit (à l’exception des abords du pilier central). Le bar, le restaurant, le jardin d’hiver, la décoration sobre et moderne et l’accueil sympathique confèrent à ce club une ambiance particulièrement agréable et propice à l’écoute.

   Le concert se déroule en deux parties : la première partie est consacrée à X (Suite For Malcolm) et la deuxième reprend deux morceaux de la Suite For Tina Modotti et « Kinshasa ».


   Inutile de revenir sur le contenu d’X (Suite For Malcolm) qui a déjà été décrit dans la chronique du disque. Mais comme il fallait s’y attendre avec quatre lascars de cet acabit : la version en concert est différente de la version numérique.
   Première différence flagrante : le volume sonore. La sono modifie l’équilibre des voix par rapport au disque : la batterie prend davantage de place et pousse les autres musiciens à forcer sur les décibels. A ce jeu-là, c’est la basse qui se retrouve en arrière-plan. D’autre part, dans une salle aux volumes modestes, la puissance sonore a tendance à amalgamer les voix, qui y perdent en lisibilité. Évidemment, mais c’est un axiome de base dans la plupart des clubs : qui veut épargner ses tympans, s’éloigne des enceintes. Au début du concert, le cordon du micro de la trompette de Falzone s’est décroché, confirmant qu’il serait intéressant d’écouter une version « live and unplugged » d’X (Suite For Malcolm). Cela dit, le nouvel équilibre sonore ne nuit absolument pas à la musique de Bearzatti qui, de toute manière,  s’appuie sur un son imposant et une batterie costaude.
   La magie du concert de jazz c’est l’imprévu, sans doute la caractéristique la plus fascinante de cette musique. Bearzatti et ses compagnons jouent le jeu : après avoir écouté le live, le disque paraît (presque) sage, travaillé et propre. Pendant le concert, les chorus s’allongent, les réparties fusent, les sons s’écorchent, les cris et les râles de Falzone éclatent, les rythmes explosent… La musique du Tinissima 4et possède une vitalité exceptionnelle et emporte les auditeurs dans sa furie musicale.

   Le concert a évidemment le gros avantage d’être aussi un spectacle. Et quand il s’agit du Tinissima 4et, le spectacle vaut le coup ! Un batteur moustachu sobre et concentré qui cogne comme un poids lourd. Un bassiste barbu, malade (une grippe ?), avec des allures de prof, qui swingue comme pas deux. Un trompettiste chauve et déjanté qui hurle, éructe, frétille et souffle, libre, admirablement, très bien (merci à Avron et Évrard pour la formule). Sans oublier le saxophoniste, clarinettiste et xaphooniste, qui, ivre de notes et heureux de jouer, écoute, invente et s’amuse. Et un hommage final, particulièrement émouvant : les quatre musiciens, alignés sur la scène, deviennent des spectateurs et écoutent religieusement l’hymne qui clôture la suite.

   Le Tinissima 4et confirme que le jazz a encore beaucoup à dire : ouverte à toutes les influences, cette musique a un potentiel de renouvellement inouï. Bearzatti l’a bien compris et son « rock world free » euphorique en est la preuve magistrale.

La leçon de jazz d’Antoine Hervé – Duke Ellington, le pianiste


Le 16 décembre, à la MPAA, Antoine Hervé consacre sa leçon de jazz à Duke Ellington. Le chef d’orchestre a trop souvent occulté le pianiste. Hervé a décidé de réparer ce tort et de présenter Ellington au piano.

  Comme à son habitude, Hervé alterne morceaux, analyses musicales et anecdotes.  L’exposé se déroule dans l’ordre chronologique, de la naissance du Duke, en 1899, jusqu’à sa disparition, en 1974.

   En guise d’introduction, Hervé cite Ellington qui définit joliment les musiciens de jazz  comme « des artistes qui pratiquent la liberté d’expression en musique ». Phrase caractéristique du Duke, qui s’est toujours tenu loin du carcan des modes et s’est efforcé de suivre sa voie dans toutes les occasions. A titre d’exemple, Hervé joue des séries d’accords qui décrivent le système harmonique d’Ellington, moderne, proche de l’esthétique des compositeurs classiques du début XXe et complètement différent des trames harmoniques habituelles du jazz de cette période. Hervé rappelle également que le Duke compose des morceaux spécifiques pour ses musiciens en fonction de leur personnalité. Démarche peu courante à une époque où les standards priment, le personnel des orchestres est instable  et la danse est l’objectif premier…

   Retour sur la vie du Duke. Ellington commence par le baseball, mais, suite à un coup de batte sur la tête, sa mère l’oriente vers le piano. Ses parents lui donne une éducation de bonne famille, d’où son surnom de « Duke » et le port élégant qu’il conservera toute sa vie. Le professeur de piano d’Ellington porte un nom prémonitoire : Miss Clinkscales, autrement dit des « gammes qui cliquètent » (ou en prison… en argot américain). Quant à son professeur d’harmonie, Henry L. Grant, il lui apprend la différence entre un do dièse et un ré bémol ! C’est peut-être les raisons pour lesquelles Ellington n’est pas assidu aux leçons de piano et préfère apprendre d’oreille, « dans la rue ». Á côté de la musique, attiré par le graphisme et le dessin, Ellington suit des cours dans une École d’art.

   Pour le premier morceau de la soirée, Hervé a choisi « I Got It Bad (And That Ain’t Good) », écrit en 1941, pour la comédie musicale Jump For Joy. La version est mélodieuse et chantante, pimentée par des contrepoints entre la main gauche et la main droite, et des passages swing.

    Dans le New York foisonnant des années 20, qu’Ellington compare à un pot-au-feu, le ragtime et le stride retentissent dans tous les clubs et les cabarets. Pour se mettre dans l’ambiance des années folles, Hervé recommande la lecture de La beauté du monde, le roman de Michel Le Bris, par ailleurs grand amateur de jazz. Ellington apprend le ragtime et le stride en ralentissant la mécanique d’un piano pneumatique, dont il reproduit les doigtés et les accords. Hervé illustre les pompes du stride en version lente d’abord, puis à vitesse normale ; elles produisent un swing irrésistible. D’ailleurs, au Capitol Palace, le stride de Willie « The Lion » Smith fait danser toute la salle, serveurs compris ! Ellington écoute tous les grands pianistes de l’époque : Fats WallerEubie Blake, Smith… et apprend par cœur « Carolina Shout », un tube de James P. Johnson.

   Avec beaucoup d’humour, Hervé imagine Ludwig van Beethoven plongé dans les années 20, et se lance dans un « Mail à Elise », revu en stride. Le thème syncopé sur les pompes, les effets bluesy, le phrasé qui swingue, le développement énergique… revigorent  de belle manière ce « saucisson » classique.

   Dès le début de sa carrière, Ellington est un homme d’affaires avisé. Il crée une agence de communication et une maison de production : Music For All Occasions. Entre 1926 et 1930, Alain Gerber a recensé 170 titres enregistrés par le Duke, pour 14 labels différents, sous 18 pseudonymes... A partir de 1919, Ellington s’entoure deSonny Greer à la batterie, James « Bubber » Miley à la trompette, Joe Nanton au trombone… et la fleurette africaine éclot au milieu de la forêt : le style jungle est né. Caractérisé par une pompe marquée, des effets de growl, un jeu « sale », la sourdine wa-wa… Le style jungle est incarné par les revues du Cotton Club (à voir : le film éponyme de Francis Ford Coppola – 1984). Hervé s’amuse à imiter les effets dirty du style jungle puis les onomatopées, très en vogue parmi les chanteurs de cette période.

   Après avoir évoqué Ivie Henderson, la première chanteuse recrutée par Ellington, en 1931 à Chicago (et qui sera d’ailleurs la principale interprète de Jump For Joy), Hervé joue un « It Don’t Mean A Thing If It Ain’t Got That Swing » énergique.

   Volontiers iconoclaste, Hervé compare le « Ellington machine à tubes » à Jean-Jacques Goldman… De 1930 à 1939 le Duke tourne dans le monde entier et utilise ses impressions de voyage pour composer. Démarche qui sera reprise plus tard, notamment par Joe Zawinul avec Weather Report. C’est aussi pendant ces années qu’il introduit des rythmes latinos dans sa musique. Hervé illustre cette influence sud-américaine en jouant « Caravan » et « Perdio », deux thèmes de Juan Tizol.

   Les années 40 marquent l’âge d’or d’Ellington. Avec l’arrivée de Billy Strayhorn, en 1938, la musique du Duke trouve un équilibre entre classique et jazz. Le Duke a trouvé son idéal esthétique. L’interprétation d’« U.M.M.G. » (Upper Manhattan Medical Group) composé par Strayhorn, est particulièrement mélodieuse.

  Dans la partie qui suit, Hervé relève les traits caractéristiques d’Ellington, le pianiste : sur une walking bass bien menée à la main gauche, le pianiste déroule des rifs typiques. Hervé montre un panel complet des formules du Duke : accords étendus, accords de la gamme diminuée, placement des temps (trois temps dans une mesure à quatre), modifications des métriques, polyrythmie, jeu décalé des rifs main droite – main gauche avec un demi-ton d’écart, suites harmoniques originales (gammes par tons) etc.

   Ellington affectionne également les ballades romantiques à l’instar du standard « Do Nothin’ Till You Hear From Me », joué par Hervé avec lyrisme. C’est peut-être ce goût pour les ballades tendres qui fait que chanteurs et chanteuses ont eu un rôle important dans la musique d’Ellington. De toute manière, le chef d’orchestre aime les rencontres : Coleman HawkinsElla FitzegeraldJohn ColtraneDjango Reinhardt (1946)…

   Hervé joue ensuite deux standards d’Ellington : le superbe « Mood Indigo », joué avec nonchalance sur un rythme chaloupé, suivi d’un « Satin Doll » bondissant et heurté.

   De 1950 à 1956, ce sont les années creuses : Ellington refuse de suivre la mode (hard-bop, cool…) car, pour lui,  « il y a deux sortes de musique : la bonne et la mauvaise ». Il faut attendre le festival de Newport, en 1956, pour qu’Ellington renoue avec le succès.

   Hervé enchaine « Don’t Get Around Much Anymore » et« In A Mellow Tone » dans un style Ellington plutôt orchestral, que pianiste. Sa version de « In A Sentimental Mood » est mélancolique, avec des touches bluesy.

   A partir de 1960, Ellington compose des œuvres orchestrales dans une veine classique. Il reprend le Peer Gynt d’Edvard Grieg, Casse-noisette de Piotr Ilytch Tchaikovski et écrit de la musique sacrée : « j'ai eu trois éducations, la rue, l'école,

la Bible. C'est finalement la Bible qui compte le plus. C'est l'unique livre que nous devrions posséder. »

   Dans « I Let A Song Go Out Of My Heart », Hervé tourne autour du thème avec un swing robuste et quelques escapades dans le stride.

   Ellington meurt en 1974 et douze mille personnes assistent à son enterrement. Pour conclure la séance, Hervé joue un thème composé en 1934, « sur un coin de table » à Chicago : « Solitude ». Solennelle et mélodieuse, l’interprétation d’Hervé reflète parfaitement le climat original du morceau.

Toujours plein de vitalité et d’humour, Hervé donne une leçon de jazz sur Ellington à la fois instructive et divertissante. La phrase d’Ellington que cite Hervé avant de refermer son piano doit être méditée : « le jazz n’a pas besoin de tolérance, mais d’intelligence et de compréhension ».

   Si Hervé décrit en musique les caractéristiques du jeu de piano d’Ellington, en revanche il s’attache davantage à la carrière du chef d’orchestre qu’à celle du pianiste. Il est vrai que Strayhorn avait l’habitude de dire qu’ « Ellington joue du piano, mais son véritable instrument c’est l’orchestre ». Cela dit, Ellington a enregistré ses premières pièces de piano en 1928 : « Black Beauty » et « Swampy River ». Mais trois disques clés, sortis à dix ans d’intervalles chacun, permettent de découvrir Ellington, le pianiste.


1953 - Piano Reflections

   Ce disque a été enregistré pour Capitol avec Wendell Marshall à la contrebasse, Butch Pollard ou Dave Black à la batterie, et Ralph Collieraux congas sur « Montevideo ».

  Piano Reflections est un condensé de la musique d’Ellington : l’esprit du blues (« December Blue », « B Sharp Blue »  et « Things Ain’t What They Used To Be »), la mémoire du stride (« Dancers In Love » et « Janet »), l’influence swing et bop (« Who Knows », « In A Sentimental Mood » et Kinda Dukish), la touche latino (« Montevideo »), et l’inévitable lyrisme intimiste « moody » du Duke (« Passion Flower » Strayhorn, « Retrospection » en solo, « Reflections In D », « All Too Soon », « Melancholia » et « Prelude To A Kiss »).

   Dans Piano Reflections, Ellington déploie les jeux harmoniques et rythmiques si caractéristiques de sa musique, et reconnaissables entre tous.


1962 - Money Jungle

   Sorti chez Blue Note, ce monument musical réunit Ellington, Charles Mingus et Max Roach.

   Le piano et la paire rythmique, d’une parfaite modernité, se complètent à merveille : chabada, walking bop et jeux rythmiques entre la main droite et la main gauche (« Wig Wise ») ; contrechants de la basse et du piano (« Very Special ») ; ostinatos de la basse et roulements de la batterie pour un développement à deux voix du piano (« Caravan ») ; foisonnement de Roach et rif de Mingus pendant qu’Ellington joue dans un style jungle (« Money Jungle », exceptionnellement libre !) ; unisson de la contrebasse et du piano sur une ligne subtile de la batterie (« A Little Max ») ; blues et swing contagieux (« REM Blues », « Switch Blade », « Backward Country Boy Blues ») ; ambiance mystérieuse et émouvante avec une mélodie lancinante du piano sur des motifs ténébreux de la contrebasse et de la batterie (« Fleurette Africaine ») ; lyrisme du piano sur rythmique délicate (« Warm Valley » et « Solitude », joué en solo jusqu’à la conclusion)…

   Money Jungle est assurément l’un des dix disques à emporter sur l’île déserte…


1972 - This One’s For Blanton

   Ce duo entre Ellington et Ray Brown, édité par Pablo, est un hommage au génial contrebassisteJimmy Blanton, décédé trente ans plus tôt.

   Le disque est captivant de bout en bout : un véritable dialogue s’installe entre les deux artistes, qui se livrent à des tours de passe-passe. Brown est mélodieux à souhait, et Ellington est un admirable accompagnateur rythmique (« Do Nothin’ Till You Hear From Me, Things », « See See Rider »). Le duo parsème son propos d’accents bluesy, maintient un swing puissant (« Things Ain’t What They Used To Be ») et glissent des passages de stride (« Pitter Panther Patter »). Ellington alterne jeu rythmique et lyrisme, mais toujours avec ce phrasé nerveux et tout en rebonds, qui fait souvent penser à Thelonious Monk. Les longs solos de Brown sont autant de splendides cas d’école : il joue tout ce qu’il est possible de jouer avec une contrebasse en pizzicato (« Sophisticated Lady »). La « Fragmented Suite For Piano And Bass » conclut l’album. Il s’agit d’une pièce de musique contemporaine captivante, en quatre mouvements : des contrepoints soutenus entre Brown, particulièrement musical, et Ellington, dans son registre harmonico-rythmique ; un impressionnant duo entre le piano, dans les aigus, et la contrebasse qui dévide ses phrases mélodieuses ; une partie majestueuse avec des  accords puissants sur une ligne de basse rapide ; ou encore un piano fougueux sur une walking enlevée…

   Particulièrement émouvant, This One’s For Blanton confirme qu’Ellington était un pianiste de premier ordre, au discours original et passionnant.

   Le mot de la fin sur Ellington, le pianiste revient à Boris Vian : « jamais le Duke n’a prétendu passer pour un virtuose du piano ; mais son jeu inimitable, cette façon qu’il a de jouer avec son clavier comme un gros ours, le caressant pour le gifler soudain d’un coup de patte velue, cette attaque qui va parfois jusqu’au coup de matraque sur la note, et cette sonorité claire et ronde, tout cela n’appartient qu’à lui et suffit à en faire un des pianistes de jazz les plus passionnants. De jazz ? C’est un peu limiter le Duke, dont certaines compositions s’écartent de cet idiome, en restant de la belle musique tout court ».


Jazz sur le vif – Deux quartets aux antipodes

Le 18 décembre, au studio 105 dit « Charles Trénet », Xavier Prévost présente le quartet d’André Villéger & Marc Perez et le Sounds Quartet de Marc Buronfosse . Les deux concerts seront diffusés respectivement les 15 et 22 janvier dans l’émission Le bleu, la nuit (tous les samedis à 23:00).
   Malgré les courses de Noël, l’heure (17:30), le froid, le grésil et la boue, le studio 105 affiche complet… Le quartet de Villéger & Perez ouvre le bal.

André Villéger & Marc Perez Quartet
   Villéger est bien connu des amateurs de jazz mainstraim : il écume les scènes de jazz depuis 1963. D’abord clarinettiste dans le style New Orleans, Villéger apprend ensuite le soprano, pour suivre son idole, Sydney Bechet, puis, au début des années 70, il adopte le ténor. Ce qui ne l’empêche pas  de se mettre également au baryton et même à la flûte. En 1974 il rejoint l’orchestre de Claude Bolling, avec qui il reste une douzaine d’années. En parallèle, il fait aussi partie du célèbre Anachronic Jazz Band. Après l’épisode Bolling, Villéger joue dans divers contextes : le théâtre (avec Dee Dee Bridgewater, dans la pièceLady Day de Stephan Hall), la variété, la musique antillaise, le jazz-rock etc. Aujourd’hui, le saxophoniste se concentre sur ses duos et orchestres, avec Patrice Caratini, Alain Jean-Marie, le Paris Swing Orchestra, ou son quartet avec Perez. Perez , pour sa part, partage sa carrière entre l’enseignement et ses groupes : le Duo d’en Bas avec Freddy Ricci (g), un trio avec Gérald Moniez (d) et Gilles Cardon (b), et un quartet à géométrie variable. Diplômé des conservatoires de Rennes et de Versailles, Gildas Boclé s’installe à Boston en 1983 pour suivre le cursus du Berklee College of Music. Pendant ce séjour aux Etats-Unis – onze ans – le contrebassiste à l’occasion de jouer avec quelques uns des géants du jazz (de Dizzy Gillespie à Michael Brecker en passant par Pat Metheny, Dave Liebman, Kenny Baron…) et intègre le quintet de Gary Burton, puis l’orchestre de Maynard Fergusson. En 1994 Boclé est de retour en France et joue avec des musiciens de tous horizons : Martial Solal, Marc Ducret, Daniel Humair, Didier Lockwood, mais aussi les Gipsy King, Manu Katché, ou son frère Jean-Baptiste, pour des projets autour de la musique celte. Arnaud Lechantre s’est fait connaître par le Wared Quartet, composé de Daniel Erdmann au saxophone et d’une section rythmique désormais familière dans le paysage du jazz hexagonal : Edouard Bineau (piano), Boclé et Lechantre.
   Le répertoire du quartet s’articule autour de trois morceaux de Villéger, trois de Perez et du standard « You’ve Changed », composé en 1942 par Carl Fischer et  Bill William Carey. La musique fleure bon le bop (be ou hard, selon les morceaux) avec une touche cool dans les ballades.
   La structure des morceaux est calquée sur celle du be-bop : thème (joué par le ténor), premier chorus (du ténor dans tous les cas, sauf pour « Solène » où c’est la guitare), deuxième chorus (la guitare) et thème. Le thème est souvent précédé d’une courte introduction de la guitare (« Monsieur Henri »), sauf dans « Elsa », qui débute par un duo piquant entre la guitare et la contrebasse à l’archet. Pendant que le ténor et la guitare alternent leurs solos, la section rythmique s’en tient au rôle de faire-valoir, à l’exception de « Temps » (?) et de « Sébastien », dans lesquels le contrebassiste prend un chorus. Avec des musiciens de l’acabit de Boclé et Lechantre, les deux solistes sont servis : en walking ou dans ses rifs, le contrebassiste fait preuve d’une assise harmonique et d’une précision sans faille, servis par un son grave (sauf le chorus dans « Temps » qui explore les aigus) et bien posé ; quant au batteur, sa régularité rythmique et sa frappe légère soutiennent parfaitement les propos de Villéger et Perez. Avec une telle moquette sous les pieds, il n’y a plus qu’à faire rouler les solos.
   Quand il accompagne Villéger, Perez égrène des accords discrets sur la ligne de basse. Volontiers mélodieux et sans chercher l’esbroufe, sa sonorité et ses solos rappellent ça-et-là ceux de Jimmy Gourley. Villéger possède un phrasé limpide et souple qui n’est pas sans rappeler Lester Young et un son chaleureux qui évoque parfois celui de Stan Getz (en particulier dans les ballades). Les deux musiciens partagent une attirance évidente pour les discours clairs et de bon goût.
   Les plus tatillons regretteront peut-être l’absence de dialogues entre les solistes et la section rythmiques ou la rareté des contrechants entre la guitare et le ténor, mais là n’est pas le but recherché : le Villéger & Perez Quartet privilégie un « jazz classique », facile d’accès, qui swingue et va directement à l’essentiel.
   Pendant l’entracte, changement de décor : le piano est ouvert puis un clavier électronique posé dessus ; une grosse caisse symphonique est disposée derrière la batterie, ainsi qu’un établi avec moult gongs et percussions. Buronfosse et ses acolytes peuvent entrer en scène pour la deuxième partie.

Sounds Quartet
   Le Sounds Quartet a été créé par Buronfosse en 2009 « pour réaliser le désir d’une musique ouverte, libre, où l’expression naît autant de l’écriture que du jeu, de l’imaginaire et des sons ». Pour ses jeux de sons Buronfosse s’est entouré d’artistes particulièrement connus pour leur esprit aventureux : Benjamin Moussay au piano et clavier, Jean-Charles Richard aux saxophones (soprano et baryton) et flûte, et Antoine Banville à la batterie et aux percussions.
   Inutile de présenter Richard pour la énième fois... Moussay a étudié le piano classique au conservatoire de Strasbourg et le jazz au CNSMDP. Il collectionne les prix (Concours Martial Solal, La Défense…), monte un trio, enregistre (Mobile en 2002 et Swimming Pool en 2006, avec Arnault Cuisinier et Éric Échampard) et tourne dans le monde entier. En 2004, il forme un duo avec Claudia Solal (Porridge Days), et, pianiste très demandé, Moussay continue de se produire dans des contextes variés (You Sun Nah, Spoonbox, Bernard Struber…). Buronfosse a commencé par étudier la guitare classique avant que la contrebasse ne l’adopte. En parallèle à sa formation musicale, il passe un diplôme d’ingénieur du son et de musicologie. Buronfosse joue dans des orchestres symphoniques et de musique de chambre, puis s’oriente vers le jazz (cours avec Henri Texier, Charlie Haden…) et décroche une bourse pour la New School of Music de New York, où il séjourne un an. Il y poursuit son apprentissage avec Gary Peacock, Marc Johnson… et accompagne de nombreux musiciens (de Dave Liebman à Tim Berne en passant par Jimmy Cobb, John Abercrombie…) dans différents clubs. En 1992, Buronfosse remporte le premier prix du concours Jazz à La Défense avec le Bojan Z Quartet. Il se consacre ensuite à son propre quartet, tout en continuant d’être sollicité pour jouer avec maints musiciens français (Aldo Romano, David Patrois, Julien Lourau…) et étrangers (Robin Eubanks, Philip Harper…). Quant à Banville, il est l’élève de Jean-Louis Méchali au début des années 90 et joue ensuite dans des environnements très variés. Il se produit notamment avec Yves Rousseau, Jean-Philippe Viret… Aujourd’hui, Banville partage son temps entre le Vincent Martin Trio, le Ka-Tam Trio, le Septet René Aubry, Sounds Quartet... mais accompagne également d’autres projets, à l’instar de D !evrim, du saxophoniste Evrim Evci.
   Les musiciens jouent les morceaux de Face The Music, premier disque du Sounds Quartet, sorti en avril 2010.
   Le groupe porte bien son nom : il malaxe la matière sonore pour sculpter des ambiances étonnantes. Égal à lui-même, Richard met sa technique époustouflante et sa belle sonorité limpide et veloutée (aussi bien au soprano qu’au baryton) au service du groupe. Toujours attentif au climat et aux autres musiciens, ses solos (au baryton dans « Serial Blues ») et ses rifs d’accompagnement mettent en relief la musique du quartet. Ses interventions au bansurî (grande flûte traversière indienne) ou dans un style oriental (au soprano dans « Before And After The Second Round ») s’inscrivent à la perfection dans l’esprit d’ouverture recherché par Buronfosse. Moussay joue aussi bien du piano que des claviers. Pianiste puissant (« Treize ») et qui balance (« Before And After The Second Round »), il sait aussi se montrer solennel (« Jennifer’s Mood »), joue « in and out » (« Jennifer’s Mood »)  et affectionne les jeux rythmiques autour de pédales, d’ostinatos (« Illinx Bassline ») ou de rifs qu’il module selon les morceaux (« After The Second Round »). Quand ce n’est pas au piano (imitation du gamelan dans « The Cherry Tree », cristallin dans « Serial Blues »), c’est avec son clavier que Moussay manipule les sons : électroniques (« Before The Second Round »), aquatiques (« The Cherry Tree »)… Banville dégage beaucoup d’énergie et joue sur les nuances : léger dans « Mirrors », il déploie un feu d’artifice de percussions subtiles et mélodieuses dans « The Cherry Tree », pousse les solistes avec un jeu tendu (« A.O.C. », « After The Second Round ») ou serré (dans « Treize », un peu à la Tony Williams), voire binaire (« Jennifer’s Mood »). Buronfosse se joint à Banville pour maintenir le quartet sous pression (« Treize »). Il déroule des lignes de basse rapides et dures (« A.O.C. »), mais sait aussi être mélodieux quand il dialogue avec le piano (« Mirrors »), abandonne les graves pour changer de climat (« Before The Second Round ») et prend des solos ouverts et groovy (« Serial Blues »).
   Le Sounds Quartet fait preuve d’un véritable esprit de groupe : la musique circule d’un musicien à l’autre au grè des interactions et la connivence entre les membres du quartet est palpable. Au fil des morceaux, la musique se renouvelle constamment et plonge l’auditeur dans un univers sonore captivant.
   Jazz sur le vif a proposé un programme pour tous les goûts (ou presque) : les deux quartet reflètent deux facettes du jazz totalement différentes. Pourtant,  dans l'approche rythmique et la matière première sonore, il ne fait aucun doute qu'elles font partie d'une même grande famille musicale... et c'est très bien comme ça !


Jazzycolors 2010


Comme chaque année depuis 2002, le festival Jazzycolors répand sa musique haute en couleur dans la grisaille de l’automne : du 11 au 27 novembre, seize instituts culturels étrangers de Paris ont proposé dix-sept concerts, dans sept lieux différents.

   Andras Ecsedi Derdak, de l’Institut hongrois, est le président de Jazzycolors et son homologue serbe, Vladimir Marinkovic, en assure la direction opérationnelle. Par ailleurs le festival est parrainé par Bojan Z, adoubé en 2008 par Daniel Humair (Président d’Honneur…). Jazzycolors présente des groupes de jazz venus des quatre coins de la planète, l’occasion de réviser sa géographie et de faire un véritable tour d’horizon du jazz mondial, qui laisse pantois sur les capacités d’appropriation de cette musique.


Samedi 20 novembre
Tanel Ruben Quintet à l'Institut Hongrois
   Premier voyage musical : l’Estonie. Ruben vient de ce petit pays balte (grand comme la région Rhône-Alpes), dont la capitale est Tallin. Il commence par l’accordéon, puis la contrebasse, avant d’adopter la batterie. Actif aussi bien dans la musique acoustique qu’électroacoustique, présent tant sur la scène du jazz que de la fusion, Ruben est l’un des batteurs et compositeurs phares d’Estonie.
   Le quintet est composé d’autres musiciens, tous célèbres dans leur pays : la chanteuse Kadri Voorand, le pianiste Kristian Randalu, le saxophoniste Raivo Tafenau et le contrebassiste Taavo Remmel. Le programme de la soirée reprend les morceaux du disque Kogutud Rikkus (Collected Riches), sorti en 2010, plus des inédits. Toutes les compositions sont signées Ruben et / ou Voorand et la plupart des morceaux sont dansants, grâce à des rythmes et à des mélodies particulièrement entraînants.



   La musique du Tanel Ruben Quintet est un cocktail de jazz mainstraim et de « musique estonienne » (c’est une supposition…). Mainstraim pour l’esprit de la section rythmique (lignes de basse, jeu du batteur et accords du piano), la structure des morceaux (thème – solo – thème) et le son d’ensemble du quintet (phrasé du piano, son du ténor et de la basse, scat de Voorand…). « Musique estonienne » pour les chansons, les modulations et certains rythmes. Le quintet joue beaucoup avec des ruptures rythmiques radicales et des contrepoints.

   Voorand chante le plus souvent en estonien. Cette langue fennique (et non pas indo-européenne comme le lituanien et le letton voisins) est un mélange de raucité et de liaisons. Á l’oreille, l’estonien semble particulièrement mobile et souple. La chanteuse possède une tessiture étendue et du coffre. Elle joue volontiers avec les intervalles, parsème son chant de passages dissonants et « scatte » avec adresse, dans la lignée de Sarah Vaughan. Au soprano, Tafenau introduit volontiers un climat moyen-oriental (« Snake Song »), tandis qu’au ténor, sa sonorité claire et son jeu précis le rapprochent davantage des boppers. Le piano de Randalu a beaucoup de caractère : ses solos sont tendus et bien construits ; son accompagnement cimente le quintet grâce à une utilisation astucieuse de la main gauche qui complète la batterie et la contrebasse, pendant que la main droite joue à l’unisson ou en contrechant des solistes. Remmel assure une ligne de basse solide, renforcée par une sonorité robuste. Quant à Ruben, c’est un batteur puissant, qui n’hésite pas à passer en binaire, mais qui sait également se montrer léger dans les ballades (« Collected Riches ») et, en tous cas, n’accapare jamais tout l’espace.

   Kogutud Rikkus mérite un détour car le Tanel Ruben Quintet assaisonne son jazz énergique et familier avec des condiments inhabituels, héritage probable de la musique estonienne traditionnelle…


Dimanche 21 novembre
Spiral Quartet au Centre Culturel de Serbie

   Destination la Turquie pour ce deuxième concert.Philippe Poussard a créé le Spiral Quartet en 2005 pour interpréter un répertoire qui mêle jazz et musique traditionnelle turque. Déjà présent à Jazzycolors 2009 avec le programme Divar Divar Jazz, cette année, Poussard propose Yakamoz, inspiré par Istanbul.

   Poussard (Paris IV et CNSMDP, Hekla, Francis Lai, télévision, enseignement…)  joue du saxophone soprano et s’appuie sur Bruno Angelini au piano (lire la chronique de Suite Raws Suite Etcetera), François-Charles Delacoudre à la contrebasse (conservatoire de Massy, Polychrome Quintet, Gumbo 8 Swing Machine…) etChristian Lété à la batterie (le premier O.N.J. de Claude Barthélémy, Claude Nougaro, Siegfried Kessler, TLB…).



   Poussard a composé la totalité des thèmes, avec la poésie de la langue turque et la magie d’Istanbul en toile de fond. Le Spiral Quartet combine du « free à la française », de la musique contemporaine et des touches de musique orientale.
Bavard, le saxophoniste aime raconter sa musique : « Istanbul’da Sabah » (le matin à Istanbul) a été suggéré par les appels à la prière qui forment une polyphonie ; la dance des vagues est à l’origine de « Dalgalar Dance » ; le charme de la langue turque a inspiré « Yakamoz » (« le reflet de la lune sur la mer » en turc) et « Süzüle Süzüle » (planer - pour faire bref) ; «  Jale’s Song »  est un hommage à la Muse de Poussard, en l’occurrence son épouse (turque) ; « Uskudara Gider Iken » est une chanson populaire d’Istanbul ; « Bozlak Blues » se base sur des chants tristes (les bozlak)... Le quartet reprend également « Triade » et « Hexacorde »  de Kaléidoscope (disque sorti en 2008 chez Konnex) et joue un inédit : « Contraste 2 ».

   Même si la musique du Spiral Quartet est foisonnante, elle conserve toujours une pulsation énergique : la contrebasse et à la batterie maintiennent le cap pendant les contrepoints bouillonnants du soprano et du piano. Entre deux chorus impétueux (« Jale’s Song », « Dalgalar Dance »), le soprano glisse des cadences orientales (« Yakamoz »), avec leurs couleurs modales si caractéristiques...  A son habitude, Angelini affectionne les constructions complexes proches de la musique contemporaine (« Uskudara Gider Iken »), sans jamais négliger le rythme (« Hexacorde »). Son accompagnement, à base de formules souvent dissonantes, souligne de manière originale les propos des solistes (« Yakamoz ») et met du piquant dans les dialogues (« Jale’s Song »). Des lignes et des rifs souples (« Uskudara Gider Iken »), des chorus exaltants (« Dalgalar Dance », « Bozlak Blues »), un jeu qui laisse la part belle aux relâchements, un phrasé précis et une sonorité costaude : la basse de Delacoudre est solide et soutient la musique du quartet, avec la connivence de Lété. Le batteur impressionne par son sens des nuances : va-et-vient subtils entre les peaux et le métal (« Hexacorde »), jeux habiles avec les volumes sonores (« Contraste 2 »), alternance de musicalité et de dureté (« Suzule Suzule », « Triade ») allées et venues entre profusion et sobriété (« Istanbul’da Sabah »)… Constamment à l’écoute, Lété est prompt à réagir à chacune des propositions de ses compères.

   Bien ancré dans l’avant-garde, le Spiral Quartet joue avec aisance des morceaux sophistiqués…


Lundi 22 novembre
Benzine & Soo Bin Park au Centre Culturel de Serbie

   Toujours plus à l’est : la Corée du Sud… Benzine, le quartet de Franck Vaillant, joue avec la percussionniste et chanteuse coréenne Soo Bin Park. En mars 2010, ce groupe a sorti a sorti Magnetic Benzine chez Mélisse Music.



   D’abord guitariste de rock, Vaillant choisit la batterie après avoir vu Buddy Rich dans le Muppet Show… Son univers musical est vaste : le rock avec Lo’Jo et 69, la variété (Arthur H, Alain Bashung, Jeanne Balibar, Philippe Katerine…), le slam (D’ de Kabal) et le jazz avec Thôt Agrandi, Kartet… et Benzine. Après des études au Berklee College of Music, le saxophoniste alto Stéphane Payen(qui remplace Guillaume Orti pour l’occasion) passe par la Tribu de Geoffroy De Masure, puis le collectif Hask, et fonde Thôt. Par ailleurs il joue dans Print, le Halse Poulsen Progressive Patriots, Astargallus… Également membre de la Tribu, le bassiste électrique Jean-Luc Lehr a aussi joué avec le Magic Malik Orchestra, Dave Golitin, Print, le Quartet d’Alain Vankenhove… Sorti du Conservatoire Royal de Bruxelles, Jozef Dumoulin prend des cours avec John  Taylor à la Musikhochschule de Cologne. Au piano ou aux claviers, Dumoulin joue dans des contextes variés : Magic Malic Orchestra, Print, Octurn, Maak’s Spirit, Aka Moon … et son groupe Lidlboy. Enfin, l’étoile de la soirée, Park, est une musicienne de minsokak (musique populaire coréenne, par opposition au jeongak, la musique de cour), inspirée par le pansori (opéra dans lequel un chanteur interprète tous les personnages) pour le chant et le samulnori pour les percussions.  Outre le chant, Park joue du changgo (tambour en forme de sablier), du gong Chau (un gong fixe au son puissant), du kwaenggwari (petit gong tintinnabulant) et du taepyeongso (petit hautbois à la sonorité aigüe et puissante qui rappelle celle des vuvuzelas…).

   Park est un concentré d’énergie ! Pansori oblige, la chanteuse a une attitude et des mimiques théâtrales (elle va jusqu’à changer de costume au milieu du concert). D’une expressivité exacerbée, Park danse, saute, court, bondit, encourage ses acolytes, harangue les spectateurs… Le concert commence par « une chanson qui souhaite le bonheur à tout le monde », dit-elle dans un français hésitant. Et, d’entrée de jeu, il est clair que Benzine sera à l’étroit dans cette salle : le niveau sonore est assourdissant et empêche d’entendre les subtilités de la musique, notamment de l’alto et du piano. Souvent guttural, le chant de Park se situe entre scansion et vocalises. Il fait parfois penser au rap, avec le côté psalmodie en moins : la chanteuse émaille son propos de sauts d’intervalle, de modulations, de dissonances… qui évitent la monotonie.

   Benzine ne « coréanise » pas sa musique, mais une symbiose s’opère entre son « jazz punk rock progressif » et le minsokak. Cette symbiose est rendue possible grâce à l’importance du rythme dans la musique du quartet : le chant de Park a besoin d’une assise rythmique solide. Pédales du piano, rifs de la basse, ostinatos de l’alto et lignes de la batterie forment une polyrythmie brutale. Et quand le changgo joint ses roulements graves et profonds au foisonnement rythmique, la boucle est bouclée avec le samulnori. Cette densité rythmique, le plus souvent groovy et entraînante, donne la primauté au son du groupe plutôt qu’à l’expression individuelle, et la volonté d’intégrer de nouvelles musiques s’inscrit tout à fait dans une démarche de « jazz fusion ».

Benzine et Soo Bin Park dégagent une vitalité communicative et leur musique insolite et fougueuse ne peut pas laisser indifférent.


Mardi 23 novembre
Barend Middelhoff Duo à l’Institut Culturel Néerlandais

   Après ces voyages vers l’Orient, retour à l’Europe avec le duo du saxophoniste ténor hollandais Barend Middelhoff et du pianiste français Pierre Christophe.



   Après des études au conservatoire Sweelinck à Amsterdam, Middelhoff s’installe à New York pour peaufiner ses études avec Jimmy Heath, George Garzone, Dewey Redman… et enregistrer un premier disque, Soil. De retour aux Pays-Bas, où il reste deux ans, Middelhoff enregistre un deuxième album (The River) et se fait un nom en jouant avec les Houdinis et Dr Lonnie Smith. De 1999 à 2003, il s’installe à Paris, forme un quintet avec Olivier Ker Ourio et Denis Leloup et joue, entre autres, avec Rémi Vignolo, Franck Agulhon, John Betsch… et Christophe. Aujourd’hui, basé à Bologne où il enseigne au Conservatoire Giovan Battista Martini, Middelhoff tourne avec l’Amsterdam Roma Jazz Quartet et de nombreux musiciens italiens. De son séjour en France, Middelhoff a gardé le  Parisian Quartet – Christophe, Cédric Caillaudet Philippe Soirat – avec lequel il vient de sortir Lucky Man, chez Aphrodite Records. Pour sa part, Christophe étudie simultanément le piano classique au conservatoire de Marseille et le jazz avec Guy Longnon. Diplômé (Bachelor of Music) de la Manhattan School of Music en 1994, Christophe prend des cours avec Jaki Byard, à qui il a rendu hommage dans trois albums en trio. Depuis son retour à Paris, Christophe joue et enregistre avec moult musiciens, de James Spaulding à Gérard Badini en passant par Michel Pastre, Jean-Michel Proust, Stan Laferriere…

   Le duo interprète des morceaux du répertoire de Lucky Man : les standards « Nothing To Loose » et « Dream Dancing », « Lucky Man » de  Middelhoff et deux morceaux signés Christophe : « Place du marché Sainte-Catherine » et « L’emprise ».  Ils ajoutent également « Nothing But Me », « I’m Glad There Is You », « My Ship » et, en rappel, « So Danco Samba », hommage mérité à Stan Getz.

   Middelhoff et Christophe sont attachés à la tradition mainstream du jazz. Ils jouent un be-bop élégant avec une touche personnelle, qui permet d’éviter l’écueil de la redite. Middelhoff possède un gros son, ample et rond (proche de Getz, en particulier dans les ballades), une technique sûre et une expérience incontestable ; autant d’atouts qui servent à bon escient ses idées musicales. A l’instar de son mentor Byard, Christophe joue sur un spectre large qui va du stride au hard bop. Mise-en-place soignée, swing efficace, accompagnement solide et chorus convaincants, rendent la musique du duo attrayante.

   Middehloff et Christophe proposent un jazz classique, sans complexe et accessible à tous.


Jeudi 25 novembre
Dávid Hodek Quartet au Centre Culturel de Serbie

   Cap vers l’Europe centrale via un quartet slovaque-tchèque-hongrois dont le leader est un batteur (slovaque) âgé de treize ans : Dávid Hodek !

   Hodek a commencé la batterie à trois ans et se produit dès l’âge de cinq ans dans les clubs de Bratislava avec « son » groupe, le Hodek Dávid Band (HDB). Son quartet est composé du pianiste hongrois Péter Sárik, formé à la célèbre Liszt Ferenc Academy of Music et qui joue aussi bien du classique, du jazz que de la musique latino.Tomáš Baroš est un contrebassiste tchèque dans la lignée de l’école tchèque (Miroslav Vitouš, George Mraz…). Habitué des groupes d’Hodek, le slovaqueRadovan Tariska est au saxophoniste alto ; son quartet (dont fait partie Baroš) était d’ailleurs au programme de Jazzycolors 2009.



   L’un des risques avec les artistes « très » jeunes, c’est de voir le concert tourner à une démonstration de virtuosité un peu vaine. Mais le quartet a eu l’intelligence de ne pas chercher à mettre en avant son prodige à tous prix : Hodek n’abuse pas des solos, se concentre sur le jeu de ses comparses et il y a un juste équilibre sonore entre les voix. Hodek fait preuve d’une réelle maturité dans ses interventions, surprenante de la part d’un batteur aussi jeune : les yeux fermés, il est difficile d’imaginer qu’un enfant est derrière les fûts. Dynamique, il ponctue le discours des solistes de pêches et de roulements. Il lui reste juste à varier davantage les effets et les nuances, et peaufiner son jeu (chabada, balais, mailloches etc.) pour  parfaire sa panoplie de batteur prodige. Vu son talent et son âge, le chemin ne sera pas long ! Comme ses aînés, Baroš est un bassiste véloce et costaud : sa sonorité boisée puissante et son phrasé précis font ressortir la walking et les rifs ; ses solos parcourent tout l’ambitus de la contrebasse à grande vitesse, et, à l’archet, il se montre d’une justesse limpide. Le jeu de Sárik est particulièrement agréable : un toucher souple, une sonorité à la fois claire et forte, un excellent sens du swing et des chorus de bonne facture. Dans le quartet, Tariska est l’empêcheur de tourner en rond : son jeu vif se débride volontiers, et il s’élance dans des chorus qui auraient tout à fait trouvé leur place dans les chase des années 50 – 60.

   Le concert commence par l’un des morceaux fétiche du quartet : « Passion Dance » (McCoy Tyner). Pendant près de quarante minutes, les musiciens jouent avec ce thème dans un esprit proche du John Coltrane de Giant Steps. Ensuite, le David Hodek Quartet joue des standards, toujours dans une ambiance qui oscille entre hard-bop, Giant Steps et le « quartet historique » de Coltrane : « Some Day My Prince Will Come », « Footprints » (Wayne Shorter)…

   Le Dávid Hodek Quartet parvient à faire oublier son centre d’attraction : sa musique, vive et rigoureuse, possède la personnalité qu’il faut pour capter l’attention des spectateurs.


Vendredi 26 novembre
Mateusz Kolakowski à l’Institut Goethe

   Toujours en Europe centrale, c’est au tour de la Pologne de présenter le pianiste Mateusz Kolakowski.
   Kolakowski est également un jeune prodige, qui a commencé sa carrière peu après l’âge de raison. Il étudie le jazz au Berklee College of Music de Boston. Kolakowski remporte le prix du meilleur espoir au concours Martial Solal, en 2002, puis à celui de Montreux, en 2003. Il anime des ateliers dans diverses universités américaines et suit des cours de piano classique à l’Académie de Musique de Katowice. Début 2010, il a sorti son quatrième disque, Live At Jazz Standard, en duo avec Dave Liebman. Pour l’année Chopin, le pianiste a monté avec l’Aukso Chamber Orchestra de Tychy, dirigé par Marek Moś, un programme ambitieux : Chopin Odyssey. Il s’agit d’une série de pièces coécrites par Kolakowski et le violoniste Piotr Steczek, à partir de formules, thèmes et idées basés sur la musique de Chopin.



   Le programme du concert est conçu en deux parties. La première tourne autour d’improvisations dans une veine classique, sur des thèmes de Chopin tirés du concerto pour piano n°1 (mi mineur, opus 1), de la marche funèbre (sonate n° 2 en si bémol mineur, opus 35), d’un intermezzo (pris dans un nocturne) et du Scherzo n°3 (do dièse mineur, opus 39). La deuxième partie est consacrée à des compositions de Kolakowski (deux n’ont pas encore de noms et « 14th Spring ») et à quelques standards (« I Got Rhythm », « Some Day My Prince Will Come » et « Bag’s Groove »).
   Sous des dehors désinvoltes, Kolakowski est un pianiste impressionnant : une assurance technique à toute épreuve, une créativité ingénieuse, un sens rythmique affuté, une sonorité limpide et puissante. Le phrasé est sans doute davantage classique que jazz, mais il convient parfaitement aux discours du pianiste. Sa musique est captivante parce qu’au lieu de servir un cross-over de mauvais goût (comme c’est trop souvent le cas quand des musiciens de jazz s’en prennent à des morceaux de musique classique), Kolakowski s’est totalement approprié les formules de Chopin et les a fondues dans son jeu. Il ne s’attarde pas longtemps sur les lignes mélodieuses qu’il rompt à coup d’accords énergiques ou d’envolées subites, et, inversement, quand il installe un ostinato percussif, c’est pour le briser soudainement par une ligne mélodique. Le pianiste met au service de son jeu les ressources du classique (phrasés et nuances sonores) et du jazz (rythme et architecture). Un peu comme chez Martial Solal, le jeu de Kolakowski virevolte de déconstruction en reconstruction et de glissades en rebonds.
   Le public est enthousiaste et les trois rappels sont amplement mérités : Kolakowski réussit le pari d’une musique savante, moderne, inattendue et pleine de vie.

Samedi 27 novembre
Manson Benson Sextet à l’Institut Goethe

   Pour le concert de clôture du festival Jazzycolors 2010, direction les Balkans avec Manson Benson, un sextet venue de Serbie.

   Depuis près de quatorze ans, le saxophoniste ténorDusan Petrovic dirige ce sextet au caractère bien trempé. Composé de Goran Milosevic à la batterie, Ivan Mihailovic à la basse et Fedja Franklin aux percussions, Manson Benson réserve les deux derniers pupitres aux Esprits du Passé et du Futur… Tout un programme !

   Le répertoire s’articule autour de compositions de Petrovic et de reprises de thème de Charlie Parker et deJohn Coltrane. Cependant, loin d’être un ersatz de be-bop, de hard-bop ou du quartet historique de Coltrane, Manson Benson est un groupe de « jazz rock punk ». Tous les morceaux sont joués dans cet esprit. Et l’auditorium de l’Institut Goethe est mieux adapté que la salle du Centre Culturel de Serbie pour accueillir le déluge de décibels que déverse Petrovic et ses amis...



   Les lignes sourdes et compactes de la basse vrombissante de Mihailovic évoquent indiscutablement le rock alternatif. Milosevic s’adapte : parfois un chabada bien mené, souvent du binaire pur et dur. Dans l’ensemble, il fait plutôt partie de la catégorie  des batteurs cogneurs. A cette paire rythmique farouche, s’ajoutent les percussions de Franklin qui, par moment, ont un peu de mal à s’imposer, mais viennent renforcer encore un peu plus le tumulte sonore. Avec une bonne amplification, Petrovic a d’autant moins de mal à faire entendre son ténor, qu’il a un gros son, un jeu ardent qu’il n’hésite pas lâcher la bride pour se lancer dans des solos frénétiques. La plupart des thèmes sont mélodieux, mais leur interprétation est véhémente et entrecoupée de changements de rythmes brutaux. La rythmique gronde et entraîne le public dans son torrent punk, rock, reggae, disco etc. « India », « Lonnie’s Lament », « Who’s Bob » (Bojan Z - Solobsession)... sont littéralement passés à la moulinette du sextet.

   Manson Benson empreinte beaucoup à la scène rock underground, tout en restant attaché à la thématique du jazz. Le résultat : une musique tonitruante, volcanique, rythmée et « densante »…


   Ainsi s’achève Jazzycolors 2010. Le festival a, une fois de plus, rempli ses objectifs : faire connaître des orchestres de jazz de tous les coins du monde, faire découvrir des musiques et des sons inédits et flatter les oreilles du public…

Hommage à quelques magiciens des notes…

En 2010, des artistes ont quitté la planète jazz pour d'autres aventures. Un grand merci à ces magiciens dont les notes n'ont cessé d'enchanter nos oreilles...


   Née le 6 août 1930 à Chicago, Anna Marie Woolridge apprend le métier dans les boîtes de nuit et les cabarets sous des pseudonymes divers : Anna Marie, Gaby Lee, Gaby Woolridge... En 1956 Abbey Lincoln enregistre pour la première fois avec l'orchestre de Benny Carter. Sa carrière est lancée. C'est pour Riverside qu'elle grave ses trois premiers disques en leader, entourée de Wynton KellyKenny DorhamSonny Rollins... et Max Roach, qui devient son mari en 1962. Le chant de Lincoln marque de son empreinte mémorable le manifeste de Roach : Freedom Now Suite (1961). Après Straight Ahead(1961) avec Roach, Eric DolphyColeman HawkinsBooker Little,Mal Waldron... et quelques collaborations supplémentaires avec Roach, Lincoln s'éloigne du jazz pendant une dizaine d'années pour se consacrer à la défense des droits civiques. A son retour, en 1973, Lincoln montre qu'elle n'a rien perdu de son talent et enregistre quelques beaux albums pour Inner City (People In Me), Enja (Abbey Sings Billie) puis Verve (dont The World Is Falling Down et, en 2007, son dernier disque : Abbey Sings Abbey). Abbey Lincoln est décédée le 14 août 2010 à Manhattan.

   Art Van Damme nait le 9 avril 1920 à Norway, dans le Michigan. En 1945 il rejoint l'équipe de la NBC à Chicago et travaille pendant quinze ans dans les studios de radios et de télévision. Avec son quintet - accordéon, guitare, vibraphone, basse et batterie - Van Damme accompagne de nombreuses vedettes :  Buddy DeFrancoElla FitzgeraldDizzy GillespiePeggy Lee… Au cours de sa carrière il tourne autour du monde et enregistre une quarantaine d’albums, principalement chez Columbia (Van Damme Sound) et MPS, avec des musiciens tels que Joe PassJohnny SmithHarry James… Influencé au départ par le swing de Benny Goodman, Van Damme prend le virage du bop, style auquel il restera attaché jusqu’à son décès, le 15 février 2010 à Roseville, en Californie.

    Buddy Collette est né le 6 août 1921 à Los Angeles, où il a passé l’essentiel de sa vie, jusqu’à son décès, le 19 septembre 2010. Collette joue d’abord du piano, avant de passer aux instruments à vent : clarinette, saxophones (alto et ténor) et flûte (qu’il est l’un des premiers à utiliser dans le jazz). En 1942 il rejoint l’orchestre de Les Hite et, après la guerre, accompagne de nombreux musiciens : Gerald Wilson,Benny Carter, Louis Jordan… Parallèlement, Collette entreprend une carrière en studio particulièrement remplie : il devient le premier musicien noir à travailler pour la télévision californienne. Son passage dans le quintet de Chico Hamilton (1955 – 1956) assure sa notoriété. Pilier du jazz de la côte ouest pendant près de soixante-dix ans, Collette aura été présent sur tous les fronts : des clubs de jazz aux studios et de la composition à la pédagogie (Eric DolphyCharles LloydJames Newton…).

  Bill Dixon grandit à New York, mais il est né à Nantucket, dans le Massachusetts, le 5 octobre 1925. Dixon apprend d’abord la peinture avant de se tourner vers la musique. La rencontre avec Cecil Taylor en 1951 est décisive. Au début des années soixante, Dixon monte un quartet avec Archie Shepp et enregistre pour Savoy. Organisateur infatigable, Dixon met sur pied la « Révolution d’octobre du jazz » (un festival au Cellar Cafe avec une quarantaine de groupes free), forme la Jazz Composers’ Guild (une coopérative), crée le Free Conservatory of the University of the Streets (pour former les jeunes), fonde la division Black Music au Bennington College… Toutes ces activités ne l’empêchent pas d’enregistrer abondamment pour Soul Note et de jouer dans les clubs et festivals. Dixon donne son dernier concert –Tapestries For Small Orchestra - le 22 mai 2010 à Victoriaville, au Québec, et décède le 16 juin 2010 à Bennington. Figure emblématique du free jazz, Dixon s’est également efforcé de développer des structures pour améliorer les conditions de vie des musiciens américains et, fidèle à ses engagements, de prendre le parti des opprimés, à l’image de sa pièce pour le Darfour : 17 musicians in Search of a Sound : Darfur (enregistré lors du New York City’s Vision Festival, en 2007).

  Né le 1er  mars 1930 à la Nouvelle-Orléans, Benny Powell est musicien professionnel à treize ans, fait partie de l’orchestre de Lionel Hampton à 18 et rejoint Count Basie de 1951 à 1963 ! Powell partage ensuite son temps entre divers shows et orchestres (Thad Jones – Mel Lewis Jazz OrchestraDollar BrandRandy Weston…). Excellent lecteur et soliste, ses nombreux engagements ne lui laissent pas le temps de sortir des disques en leader : ce n’est qu’à partir de 1982 (Coast to Coast) qu’il commence d’enregistrer sous son nom. Jusqu’au 26 juin 2010, date de son décès, Powell n'a cessé de jouer, d’enseigner et d’enregistrer.

   Ed Thigpen est né à Chicago le 28 décembre 1930 et suit les traces de son père, Ben Thigpen, batteur dans l’orchestre d’Andy Kirk dans les années 30. Après avoir appris le métier chez Cootie Williams (1951 – 1952), Thigpen joue avec des musiciens d’horizons aussi différents que Dinah WashingtonLennie TristanoBud PowellJohnny Hodges ou encore le trio du pianiste Billy Taylor. En 1959, quand il remplace Herb Ellis dans le trio d’Oscar Peterson, Thigpen se fait définitivement un nom dans le milieu du jazz. Il reste avec le pianiste jusqu’en 1965, avant de rejoindre Ella Fitzgerald pour des tournées internationales. En 1972 Thigpen s’installe au Danemark où il enseigne, écrit des méthodes, accompagne les musiciens de passage… jusqu’à son décès le 13 janvier 2010 à Copenhague.

   Comme Ed Thigpen, Herb Ellis s’est fait connaître en jouant dans le trio d’Oscar Peterson de 1953 à 1958. Originaire du Texas où il est né le 4 août 1921 (Farmersville), Ellis apprend la musique au North Texas State University et commence sa carrière dans le Casa Loma Orchestra, puis avec Jimmy Dorsey (1945) et Soft Winds (Lou Carterau piano et John Frigo à la basse). Pendant sa période avec le trio de Peterson, il joue également avec le JATP et enregistre quelques disques en leader (Nothing But The Blues en 1957). Après Peterson, Ellis tourne avec Ella Fitzgerald puis, installé en Californie, s’oriente vers la musique de studio. Les années 70 marquent son retour au jazz avec des enregistrements pour Concord, des tournées avec les Great Guitars (trio avec Barney Kessel et Charlie Byrd) ou en duo avec Joe Pass. Dans les années quatre-vingt dix le guitariste passe chez Justice (Burnin’ on Accoustic Music en 1999). Ellis s’est éteint à Los Angeles le 28 mars 2010.

   Henri James, dit « Hank », est né le 31 juillet 1918 à Vicksburg dans le Mississippi, mais il a grandi à Pontiac, dans le Michigan. Aîné des frères Jones - Thad, cornettiste, trompettiste, chef d’orchestre et arrangeur de renom, et Elvin, batteur « historique » - il s’installe à New York en 1944 pour jouer avec Hot Lips Page. Il profite de l’effervescence de la scène New Yorkaise pour accompagner Coleman HawkinsHoward McGheeBilly Eckstine… Jones participe également à des concerts du Jazz At The Philarmonic et accompagneElla Fitzgerald de 1948 à 1953. Sa virtuosité, héritée d’Art Tatum, et son approche musicale, influencée entre autres par Teddy Wilson, permettent à Jones de s’adapter aux subtilités du be-bop : il enregistre avec Charlie Parker en 1952. De 1959 à 1976 Jones fait partie des musiciens maison de CBS. Au début des années 80 Jones forme le Great Jazz Trio dans lequel se succèdent différents bassistes (Ron CarterBuster Williams ou Eddie Gomez) et batteurs (Tony WilliamsAl Foster ou Jimmy Cobb). Jusqu’au 16 mai 2010, date de son décès à New York, Jones a joué et enregistré avec tellement de musiciens qu’il serait plus court de donner la liste des musiciens avec lesquels il n’a pas joué !

   Surtout connu du public pour le tube « Moody’s Mood For Love » (1952), James Moody a commencé sa carrière de saxophoniste dans l’orchestre de Dizzy Gillespie, au lendemain de la guerre. Né à Savannah, Georgie, le 26 mars 1925, Moody s’installe en Europe dans les années 50. Il joue avec la plupart des pointures européennes et les stars de passage (Miles Davis, son ami Gillespie, Max Roach…). De retour aux Etats-Unis il forme un septet qui tourne et enregistre pendant cinq ans. C’est à cette époque que Moody se met à la flûte : son jeu, moderne, donne à la flûte ses lettres de noblesse dans le jazz post bop. De 1963 à 1968 il fait partie du quintet de Gillespie, avant de rejoindre Las Vegas dans les années 90 pour jouer dans des shows. Moody revient ensuite au jazz jouant avec Gillespie ou en leader, et son dernier disque est sorti en août 2010 (4B), peu de temps avant sa disparition, le 9 décembre 2010 à San Diego, en Californie.

  Lena Horne est née le 30 juin 1917 à Brooklyn. A 17 ans, elle est danseuse au Cotton Club. En 1937, toujours au Cotton Club, Horne devient chanteuse dans l’orchestre de Charlie Barnett. Elle se tourne ensuite vers Hollywood et devient la première actrice afro-américaine à signer un contrat digne de ce nom avec la Metro-Goldwin-Meyer. Horne joue dans de nombreuses comédies musicales, mais Stormy Weather(1943) reste son rôle le plus célèbre. Elle épouse Lennie Hayton, juif blanc américain, chef d’orchestre et arrangeur de la MGM. En pleine ségrégation et dans les années de Maccarthysme, cette union est un obstacle rédhibitoire pour la carrière de Horne : elle est cantonnée à des rôles secondaires et finit même par ne plus pouvoir jouer quand le couple est accusé d’« activités anti-américaines ». Le couple résiste aux vexations et tient jusqu’au décès de Hayton, en 1971. Après avoir rejoué dans des films, des shows et des revues, dans les années 90 elle revient au jazz et enregistre quelques disques pour Blue Note. Horne est décédée le 9 mai 2010 à New York.

   Le saxophoniste altiste Marion Brown nait le 8 septembre 1931 à Atlanta. Il « monte » à New York, joue dans les premiers combos free et, en 1965, fait partie de l’orchestre de John Coltrane pour l’enregistrement d’Ascension. Suite à quoi il sort deux disques pour ESP (dont Why Not?) et participe à des albums de Bill Dixon. Il lui faut attendre Three For Shepp, avec Grachan Moncur III et Kenny Burrell, pour que son nom commence à circuler parmi les amateurs de free. Après des tournées en Europe, Brown enregistre de nouveau, avec Leo Smith (Porto NovoGeechee Recollection), Anthony BraxtonAndrew Cyrille… (Afternoon of a Georgia Faun pour ECM, en 1970), Mal Waldron (Much More - 1988) etc. Brown se passionne également pour l’ethnomusicologie, apprend moult instruments (flute, zummara, guitare, piano, percussion etc.) et enseigne. Mais, à partir de 1992, des problèmes de santé l’éloignent de la scène du jazz, et il finit par se retirer en Floride où il décède le 18 octobre 2010.

   Né le 9 janvier 1926 à Sarrebrück, Roger Guérin  apprend d’abord le violon, mais passe rapidement au cornet et à la trompette. En 1947 il joue dans l’orchestre d’Aimé Barelli. Sorti diplômé du CNSMDP, Guérin joue avec Martial Solal et avec tous les chefs d’orchestres des années 50, de Gérard Pochonet à Claude Bolling en passant par André Hodeir. Dans les années 60 il chante avec les Double Six et fait partie de nombreux orchestres : Quincy JonesDizzy GillespieIvan JullienMichel Legrand… Guérin a également enseigné au CIM, accompagné des musiciens de variété (Claude Nougaro) et dirigé ses propres formations. Alors qu'il était toujours en activité, il disparaît accidentellement le 6 février 2010, aux Saintes-Marie-de-la-Mer.

   Willem Breuker est né le 4 novembre 1944 à Amsterdam, où il décède également le 23 juillet 2010. Breuker est non seulement musicien (saxophones et clarinettes), compositeur et chef d’orchestre, mais aussi directeur de label (ICP et BVHaast) et ardent défenseur de la cause des musiciens. Il commence par apprendre la clarinette, puis la clarinette basse, le saxophone ténor, la flûte… et écoute toutes les musiques (sauf le rock’n roll…). Au début des années 60 Breuker s’implique dans l’avant-garde : Misha Mengelberg l’invite dans son quartet. En parallèle, Breuker monte le New Acoustic Swing Duo avec le batteur Han Bennink et enregistre un premier disque en 1967. Breuker joue aussi dans le Globe Unity Orchestra d’Alexander von Schlippenbach, les groupes de Gunter Hampel, le Machine Gun dePeter Brötzmann… Il compose aussi pour le cinéma et le théâtre. Au début des années 70 il fonde le Willem Breuker Orchestra, futur Willem Breuker Kollektief. Avec le pianiste Leo Cuypers, Breuker crée le label BVHaast en 1978. Dès 1974, le Willem Breuker Kollektief, ensemble d’une dizaine de musiciens, devient le centre de ses expériences musicales. Outre la multitude de concerts, festivals, tournées… le Willem Breuker Kollektief a enregistré plus d’une trentaine de disques (principalement chez BVHaast) et consacré Breuker comme l’un des musiciens majeurs de l’avant-garde. 

Un grand merci à tous ces artistes.
Sources :


2011